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Profilage racial: le SPVM prône le «statu quo», accuse l’opposition

Lionel Perez
Lionel Perez Photo: Archives | Métro

La nouvelle politique sur les interpellations du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), présentée mercredi, n’est rien de plus qu’une «politique du statu quo», dénonce l’Opposition officielle à l’hôtel de ville. Deux élus réclament des changements immédiats, et demandent que le corps policier s’inspire des meilleures pratiques canadiennes.

«On est très déçus. On considère que c’est une politique du statu quo. Ils veulent seulement acheter du temps et donner des faux espoirs aux communautés racisées», martèle le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez. Si le SPVM se vante d’être le premier au Québec à adopter une politique sur les interpellations, M. Perez rappelle que Montréal est l’une des dernières métropoles au Canada à l’avoir fait.

«On tire de la patte. Au moins, on aurait pu croire qu’ils auraient intégré les meilleures pratiques de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse ou de Vancouver. Mais c’est aucunement le cas.» -Lionel Perez, chef de l’Opposition

Le directeur de la police de Montréal, Sylvain Caron, affirme pour sa part que la politique est un grand pas en avant pour la société. «Les interpellations existent depuis toujours, mais il n’y a jamais eu d’encadrement. On vient préciser aujourd’hui ce qu’on attend de nos policiers […]. Il reste encore du travail à faire, j’en suis bien conscient», a-t-il indiqué plus tôt, lors d’une conférence de presse.

Mais Lionel Perez, lui, signe et persiste: aucun changement en profondeur ne sera engendré par cette nouvelle réglementation. «Je ne peux pas croire que la mairesse [Valérie] Plante va bien l’accueillir. Le SPVM veut prendre des petits pas, alors qu’on a un rattrapage énorme à faire», condamne-t-il.

Un ancien policier témoigne

Pour l’ancien policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Alain Babineau, des «trous béants» subsistent dans la politique du SPVM.

«Chaque interpellation sur la rue, chaque contact avec la police devrait être documenté. Et les citoyens devraient recevoir un reçu ou une forme de notification. Nous devons savoir où, comment et avec qui cette information est collectée.» -Alain Babineau, ex-policier de la GRC

Aujourd’hui conseiller au Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), M. Babineau s’inquiète que ce manque de transparence «accentue encore davantage le manque de confiance du public» envers les institutions policières. «Ils perdent une certaine légitimité en tant qu’organisation», déplore-t-il. Selon lui, la formation que recevront les policiers dans les prochains mois doit aussi être connue, et adressée. «Le training devra être basé sur des scénarios réels, tranche-t-il. Il faut mettre les patrouilleurs dans des simulations concrètes. Ce sont eux qui, au final, vont devoir changer leurs pratiques sur le terrain.»

La Ligue des droits et libertés (LDL), elle, abonde relativement dans le même sens. «Il y a beaucoup de flou. Le SPVM dit, par exemple, que les interpellations doivent être basées sur des faits observables, une notion très ambigüe. De plus, le SPVM propose une distinction entre une interaction et une interpellation, une distinction que Sylvain Caron a lui-même eu du mal à expliquer», explique son vice-président, Philippe Néméh-Nombré.

Le pouvoir «discrétionnaire» du SPVM

Aux yeux du conseiller du district de Marie-Clarac et vice-président de la Commission sur la sécurité publique, Abdelhaq Sari, il manque deux éléments à la politique du SPVM. «D’abord, c’est qu’elle n’est pas contraignante pour le travail des policiers», dit-il. Selon lui, le fait qu’aucune sanction ne soit prévue pour les patrouilleurs est un non-sens.

Par ailleurs, la politique manque de «balises claires», ajoute M. Sari. «On voit qu’il y a beaucoup de nuances dans les termes utilisés, ce qui laisse énormément de place au pouvoir discrétionnaire du policier ou de la policière», s’inquiète-t-il. «Lors de l’interpellation, ce n’est pas écrit clairement que le policier doit citer les droits du citoyen, et que celui-ci n’est pas dans l’obligation de répondre aux questions. Après l’interpellation, si elle a été abusive, ou donné lieu à l’usage de la force, il n’y a pas de mise à jour du processus de plaintes. C’est un statu quo», avance-t-il lui aussi.

Ensemble Montréal réclame que la fiche d’interpellation devienne «obligatoire». «Actuellement, c’est au policier de trancher s’il la remplit. Or, c’est la seule façon de voir s’il y a une personne perçue comme une minorité visible, et ensuite d’avoir des chiffres quand on fait des rapports annuels», souligne Lionel Perez.

Même son de cloche pour le conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand. «Je ne sais pas pourquoi il a fallu neuf mois pour créer tout ça. C’est beaucoup moins que ce que nous avons demandé, et ça ne garantit en rien que les problèmes ne continueront pas», tonne-t-il, réclamant notamment un système de collecte de données «basé sur la race».

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