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Le coût des infrastructures de l’eau explose à Montréal

Photo: François Lemieux/TC Media

Les dépenses dans les infrastructures de l’eau devront doubler dans les prochaines années dans la métropole pour assurer la sécurité des Montréalais et protéger l’environnement. Un enjeu majeur qui impliquera des sommes colossales, que la Ville ne pourra assumer à elle seule.

Les dépenses dans l’entretien des infrastructures de l’eau, qui comprennent notamment les réseaux d’aqueduc et d’égout, les entrées de service en plomb et les usines d’eau potable, ont connu une forte croissance dans les dernières années à Montréal.

Alors que la Ville avait déboursé 255 M$ à cette fin en 2015, elle y a plutôt dédié 456 M$ cette année, dans son dernier budget.

Or, le Service de l’eau de la Ville évalue que des dépenses de 990 M$ annuellement seront nécessaires au cours des 10 prochaines années dans ces infrastructures. C’est environ deux fois plus que la somme que prévoit investir la Ville, soit environ 4,9 G$ sur une décennie.

«C’est le déficit [d’investissements] accumulé qui est vraiment cruel et qui nous rattrape», a réagi lundi à Métro le responsable des infrastructures de l’eau au comité exécutif, Sylvain Ouellet, jetant ainsi le blâme sur les précédentes administrations municipales. 

Un enjeu de sécurité

L’an dernier, la Ville a d’ailleurs dû effectuer des travaux d’urgence pour réhabiliter une conduite d’eau névralgique sous la rue Saint-Antoine Ouest afin d’éviter que celle-ci n’explose, inondant une partie du centre-ville.

«Il va falloir trouver les moyens de financer l’eau à la hauteur des besoins», a ainsi soulevé à la séance du comité exécutif du 10 février dernier la directrice du Service de l’eau de la Ville, Chantal Morissette. Cette dernière voit là un enjeu de taille «pour assurer la santé et la sécurité des Montréalais, mais aussi pour des raisons environnementales».

Un point de vue que partage la présidente-directrice générale du Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU), Catherine Lavoie.

«Si une conduite est à la fin de son cycle de vie et qu’elle s’effondre, la route va s’effondrer dessus», signale-t-elle en entrevue à Métro.

«Et quand on s’attend à un effondrement [pour agir], on augmente énormément les dépenses pour tout reconstruire.» -Catherine Lavoie, PDG du CERIU

Un entretien insuffisant des infrastructures de traitement des eaux usées augmente aussi les risques d’avoir à déverser celles-ci dans le fleuve Saint-Laurent. Un tel déversement avait causé l’émoi en 2015, sous l’ancienne administration de Denis Coderre. Plusieurs autres municipalités de la province ont aussi déversé leurs eaux usées dans des cours d’eau au cours des dernières années.

«Au niveau des eaux usées, les normes [gouvernementales] augmentent constamment et les pluies augmentent aussi. Donc, ça fait en sorte qu’on doit avoir des usines plus performantes, plus de bassins de rétention. On se retrouve avec beaucoup de dépenses anticipées dans les prochaines années», soulève Sylvain Ouellet.

Manque de financement

Québec et Ottawa offrent chaque année d’importantes subventions aux municipalités pour réparer leurs infrastructures de l’eau. Mais celles-ci ne tiennent plus compte de la croissance des dépenses de la métropole en la matière, constate l’élu de Projet Montréal.

«On demande au gouvernement de nous accompagner là-dedans», indique-t-il. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a d’ailleurs interpellé Québec à ce sujet en prévision de son prochain budget en demandant l’intégration d’un «volet métropole» dans les programmes de financement concernant les infrastructures de l’eau.

Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation souligne pour sa part qu’il a accordé depuis 2019 des centaines de millions de dollars à la Ville pour l’aider à «réaliser de nombreux projets au cours des prochaines années» dans ses infrastructures d’eau potable et d’eaux usées.

«Il importe que la Ville, tant avec que sans le soutien financier des gouvernements, maintienne également ses efforts d’entretien et d’investissement afin de réduire les déficits de maintien d’actifs et les risques de défaillance liés à l’âge de ses infrastructures», affirme un porte-parole par courriel.

Revoir les priorités budgétaires

En arrivant en poste, l’administration de Valérie Plante a gonflé ses dépenses dans les infrastructures de l’eau, faisant grimper celles-ci à 493 M$ en 2018, soit 35% de plus que l’année précédente.

Or, c’est cette même année que la mairesse a fait l’objet de vives critiques pour avoir haussé les taxes municipales de 3,3% en moyenne, soit au-dessus du niveau de l’inflation. Celle-ci était en partie attribuable à une augmentation de 1,1% de la taxe de l’eau.

La Ville a depuis imposé annuellement des hausses de taxes moins élevées. En parallèle, les dépenses dans les infrastructures de l’eau ont diminué au cours des deux dernières années pour atteindre 459 M$ en 2019 et 405 M$ en 2020, indique le dernier budget de la Ville.

«Au lieu de continuer à investir [davantage], ils mettent un frein à cela», déplore le chef intérimaire d’Ensemble Montréal, Lionel Perez. Sans prendre position sur la question de la taxation, il propose plutôt que la Ville révise ses priorités budgétaires. Celle-ci pourrait par exemple couper dans sa masse salariale afin de dénicher des fonds pour ses infrastructures de l’eau, estime l’élu d’opposition.

M. Ouellet reconnaît d’ailleurs que la Ville pourrait procéder à certains «réaménagements» dans ses prochains budgets pour dédier plus de fonds aux infrastructures de l’eau.

«On essaie différentes méthodes pour atteindre cet objectif», conclut M. Ouellet.

Avec Naomie Gelper, Métro

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