Être malentendant à Montréal
Qui a dit qu’être malentendant occasionnait seulement des inconvénients?
Depuis sa naissance, Martin Bergevin n’entend presque pas et le peu de bruits qu’il perçoit, il n’arrive pas à en discerner la nature. Malgré son handicap, il a toujours revendiqué d’être traité comme tout le monde.
– Est-ce que ç’a été difficile d’apprendre à parler sans entendre?
– Pour toi, est-ce que ç’a été difficile d’apprendre à parler?
– Je ne m’en souviens pas.
– C’est comme moi.
Le Montréalais explique sa réalité sans détour, pour faire comprendre que les malentendants ne sont pas des incapables. Ils ont plutôt développé des habiletés que les entendants n’imaginent pas.
Par exemple, au volant de sa voiture, Martin a presque des yeux tout le tour de la tête. «Si je parle, je me tourne la tête parce qu’il faut que je regarde les lèvres [de mon interlocuteur]. Mais il n’y a pas de problème parce que j’ai un champ de vision plus large que la moyenne des gens», explique-t-il.
Au travail, les sourds sont très peu importunés par des bruits qui pourraient nuire à leur concentration, avance celui qui est aussi conseiller en adaptation au Centre de réadaptation Mackay.
– Vous, les entendants, quand vous travaillez, vous pouvez parler à la personne à côté. Nous, on est concentrés sur notre travail. Si on signe, ça se voit tout de suite qu’on ne travaille pas.
– Donc, vous perdez moins de temps au travail.
– Oui, sauf que les sourds sont très bavards. Quand on a une chance de jaser, on ne s’arrête plus!
Avec leurs habiletés, les sourds peuvent aussi faire preuve d’une grande ruse. Durant un examen, les
étudiants n’ont aucun mal à signer discrètement les bonnes réponses à leur voisin, selon Martin Bergevin, qui enseigne au cégep du Vieux-Montréal. Ils doivent donc être surveillés de près.
Des inconvénients aussi
Bien entendu, ces avantages dont jouissent les sourds sont accompagnés d’un lot de désagréments attribuables surtout aux difficultés de communication.
Par exemple, les ascenseurs dépourvus de moniteur pour communiquer avec la sécurité représentent un obstacle pour les malentendants. Si l’appareil reste coincé entre deux étages, ils ne peuvent communiquer avec personne.
Même chose pour les détecteurs de métal. Ils sont déclenchés au passage d’un malentendant portant un implant cochléaire. «C’est déjà arrivé à la Grande Bibliothèque, dans le centre de lecture pour les vieilles collections», rapporte le Montréalais.
Pour désamorcer ces situations difficiles, Martin Bergevin préconise la sensibilisation passive, excepté lorsque la sécurité des malentendants est en jeu. Une législation ou un règlement est alors nécessaire, selon lui. «On a droit à la sécurité, nous aussi», insiste-t-il, disant du même souffle que les sourds sont plutôt «chanceux» à Montréal.