Le visage méconnu de Divers/Cité
Peu connue du grand public, Suzanne Girard est pourtant la cofondatrice de l’un des festivals qui fait couler le plus d’encre à Montréal : Divers/Cité.
Rencontrée 10 jours avant l’ouverture du festival, elle paraissait calme. «C’est normal d’être dans le rush», laisse tomber celle qui en a vu d’autre.
Photographe de métier, elle s’est découvert une passion au fil des ans pour l’organisation d’événements. «Quand je faisais partie d’un collectif de photographes, c’était moi qui organisais les expositions, relate-t-elle. Le premier gros événement que j’ai fait, c’était une foire du livre féministe. Il y avait eu 280 écrivaines de partout sur la planète et 75 maisons d’édition.»
Elle a ensuite fait sa place en collaborant au Festival des films de femmes de Montréal, au Festival international du cinéma chinois et au Festival Image et Nation gaie et lesbienne.
Un événement gay pride
Au début des années 1990, Suzanne Girard s’est associée à Puelo Deir pour mettre sur pied à Montréal un festival commémorant les émeutes de Stonewall. En juin 1969, à New York, une descente des policiers dans le bar gai de Stonewall Inn a dégénéré.
Ils étaient venus arrêter les hommes habillés de manière efféminée et les homosexuels qui consommaient de l’alcool, mais les clients ont riposté en attaquant les policiers. L’émeute s’est poursuivie pendant cinq jours. L’année suivante, la première manifestation gay pride s’est tenue aux États-Unis.
«Ça nous prenait un gros événement de ce style, modelé sur le gay pride américain», affirme Mme Girard.
En trois mois, le premier festival Divers/Cité a été organisé. Les prestations culturelles se tenaient dans le parc Lafontaine et le défilé de la fierté gaie se déroulait sur la rue Saint-Denis. «Les gens étaient surpris parce qu’on avait fait notre festival dans un quartier qui n’était pas gai, raconte Suzanne Girard. Mais les gens ont aimé. Les terrasses étaient pleines.»
Ouvrir les mentalités
Au fil des ans, Divers/Cité a multiplié les spectacles hauts en couleur et rassemblé des milliers de curieux au défilé de la fierté gaie. Mais l’an passé, une cassure s’est produite. Divers/Cité a choisi de ne plus faire de défilé et de se concentrer sur des activités culturelles. Un autre groupe a finalement pris la relève.
«Ce n’est pas allé comme on voulait, mais ce n’est pas grave», mentionne Mme Girard, niant du même souffle toute division de la communauté gaie.
Bien que les problèmes d’homophobie ne soient pas complètement réglés, Divers/Cité a contribué à ouvrir les mentalités, selon sa cofondatrice. «Je fais toujours le saut quand je vois deux jeunes homosexuels qui se bécotent, lance la femme de 58 ans. C’est peut-être une question de génération.»
Elle ajoute que les luttes sociales perdurent et qu’elles ne sont jamais gagnées,
malgré tous les Divers/Cité qu’elle peut organiser.