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L’habillement raisonnable

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne d’autobus 51, direction ouest. C’est vendredi, il est 11 h 40.

Assise à l’arrière du véhicule, je fixe la banquette qui fait face à la mienne. Y sont assis plusieurs passagers, dont une femme d’une grande beauté. Elle a la trentaine, le port altier. Vous savez, ce genre de dignité racée, apanage des femmes de certains pays africains.

Je ne pourrais malheureusement pas dire exactement de quel lieu elle est originaire. D’Éthiopie ou d’un autre pays de la corne de l’Afrique, peut-être? Tout ce que je peux avancer avec assurance, c’est qu’elle est «sculpturalement» majestueuse. Et ce qui me frappe chez elle en ce jour hivernal et humide, c’est la manière aussi exotique qu’ingénieuse dont elle est vêtue.

Elle a adopté la botte chaude, imperméable mais tout de même féminine, grâce à la bordure de fourrure intégrée au robuste design. Un manteau de saison – un Kanuk bleu pour ne pas le nommer – lui assure une protection allant jusqu’à – 30 oC. (C’est pas moi qui le dis, mais le catalogue de la compagnie.) Ses mains sont protégées par de sérieuses mitaines en peau, elles aussi ornées de fourrure.

Pour protéger sa tête, elle porte un imposant foulard de coton épais, noué au sommet de son crâne, qui emprisonne sa chevelure et protège ses oreilles. Le turquoise et le jaune de son turban se marient parfaitement à son manteau. Des boucles or et azur se balancent, suspendues à ses lobes, comme deux colibris énervés devant une fleur aux pétales démesurés. Elle a déposé un peu de poudre verte irisée sur ses paupières et peint ses lèvres d’un rouge pétant.

Elle a de toute évidence compris notre climat et réussit à lui fait face, avec tout ce qu’elle est et un peu de ce que nous sommes.

La dame descend à l’arrêt suivant et s’éloigne dans le blanc brumeux de l’hiver. Cela donne un très joli tableau. Comme si, à cet instant, les couleurs de Gauguin se fondaient dans un paysage de Jean-Paul Lemieux.

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