Trouver sa place
Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Station de métro Square-Victoria. Nous sommes jeudi, il est 10 h 40.
J’ai un ami que j’aime beaucoup. Et ça fera bientôt 20 ans qu’on se fait rire, qu’on s’exaspère parfois un peu, qu’on se conseille et qu’on se console. J’aimerais bien vous le dépeindre, mais le gros problème, c’est qu’il est totalement atypique, inclassable et, conséquemment, indescriptible.
Ce que je peux vous dire par contre, c’est que parmi les quelque 1 272 caractéristiques qui le composent, il y a son rapport à la voiture. L’ami X est un chauffeur très attaché à son véhicule et à la conduite. La route lui procure de grandes émotions. Peu importe la durée du trajet, qui parfois se calcule en mètres. Il adore la liberté et l’intimité que lui offre l’habitacle de sa bagnole.
En contrepartie, il peut parfois trouver un peu encombrant, voire contrariant, le fait que d’autres humains que lui occupent la route. Cette réalité difficile à supporter peut provoquer chez lui des envolées de rage au volant, contrôlées, mais néanmoins divertissantes.
Ce qui nous amène à un autre volet «automobile et concitoyens» : le stationnement. Le mot français, ici, semble trop doux. Le (jurons de votre choix) de parking serait plus juste. L’idée de devoir trouver un endroit où se stationner soulève chez lui un mélange de défis stimulants et d’angoisse profonde. Il peut prévoir une sortie en fonction du grand potentiel de parking ou, au contraire, décliner une invitation parce que «c’est pas stationnable dans ce coin-là!» Je l’ai vu, récemment, devenir ému aux larmes alors qu’une amie commune venait d’acquérir un condo qui offrait l’accès à un garage intérieur.
Et voilà que la semaine dernière, pour la première fois en trop longtemps, l’ami X a pris le bus et le métro pour se rendre à un rendez-vous dans le Vieux-Montréal. Il m’a rapporté son expérience avec l’enthousiasme d’un enfant à son retour de Disney Land. Pas de déneigement nécessaire ce matin-là. Aucun feu vert manqué à cause d’un (autres jurons de votre choix ) de chauffard. Et, surtout, pas de parking à trouver!
Nous avons souvent, lui et moi, évoqué l’idée du stationnement comme une allégorie. Celle de trouver sa place dans ce monde. Même si c’est seulement pour un petit moment. Et ce jour-là, contre toute attente, il avait trouvé la sienne. À la station Square-Victoria.