Rires universels
Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne d’autobus 55, direction nord. Nous sommes mardi et il est 15h40.
Quatre dames montent à l’arrêt, rue de La Gauchetière. Elles ont notamment pour qualités d’être chinoises, âgées et liées d’amitié.
Elles marchent lentement, mais parlent à toute vitesse. La plus menue d’entre elles a pris le bâton de paroles et ce qu’elle dit semble franchement amuser les trois autres.
Je suis contrariée de ne pas comprendre leur langue. Je m’amuse à imaginer que la boute-en-train en est à raconter une blague.
Sans s’interrompre, ses amies et elle s’assoient l’une à la suite de l’autre sur la longue banquette qui fait face à la mienne. Je peux donc observer leur dynamique joyeuse ainsi que le contenu de leurs sacs. Ces derniers débordent de légumes et de fruits, exotiques dans les deux cas. Comme j’ai eu la chance de voyager un peu en Chine, je reconnais certains articles comme la qiézi (vous aurez compris que j’écris au son), qui est un genre d’aubergine. Aussi des bikis, voire des châtaignes d’eau, et plein de choux chinois. Je remarque d’autres aliments que je ne connais pas et que je soupçonne d’être savoureux.
La menue humoriste a terminé sa petite histoire et le punch devait être excellent, car elles sont toutes tordues de rire. Alors que les copines rigolent encore, la main devant la bouche, le chauffeur doit appliquer les freins brusquement. Nous tanguons, et un des sacs des dames se déverse sur le sol.
Une pléthore de litchis y roulent, comme dans un jeu de pétanque miniature. Je me lève pour aider la propriétaire du cabas à les recueillir. Non seulement cette dernière m’offre-t-elle un sourire et un merci retentissant, mais elle me tend également une poignée de ces petits fruits; ce qui me ravit, car je les adore.
En les libérant de leur fine écorce et en rejetant les doux noyaux, je les déguste en me promettant qu’un jour, en l’honneur de ces quatre femmes si sympathiques et au rire contagieux, je réussirai à raconter une blague de blonde entièrement en mandarin.