Radicalisation: renforcer l’identité des jeunes
Des chercheurs du Collège de Maisonneuve estiment que le climat qui régnait au cégep après que des étudiants soient partis pour la Syrie était néfaste pour beaucoup de jeunes et propice à la radicalisation.
Dans un rapport rendu public le 10 mai, ils appellent au dialogue entre tous les groupes pour prévenir le phénomène.
L’Institut de recherche sur l’intégration professionnelle des immigrants a procédé à l’automne à une enquête où une trentaine d’étudiants et des employés du Collège de Maisonneuve ont été interrogés, à la demande de Québec.
Le gouvernement provincial a commandé l’étude en juin 2015, dans le cadre du plan La radicalisation au Québec : agir, prévenir, détecter et vivre ensemble et pour lequel le collège a reçu 400 000$.
Discours public
Rappelons que le Collège de Maisonneuve a grandement fait parler de lui à l’automne dernier lorsque 11 de ses étudiants ont été arrêtés soit après avoir quitté le pays pour la Syrie, ou en raison de craintes liées au terrorisme.
Le traitement médiatique et la construction de l’identité des jeunes sont justement au cœur du rapport des chercheurs intitulé Les étudiants face à la radicalisation religieuse conduisant à la violence. Mieux les connaître pour mieux prévenir.
«La façon dont les médias ont parlé de la radicalisation et des groupes pourraient avoir eu un effet [négatifs] sur les étudiants de confession musulmane», explique le chercheur principal Frédéric Dejean.
Au fil des entrevues, plusieurs se sont dits troublés par l’attitude de leurs confrères et des employés du collège.
«Avec tout ce qui s’est passé, les médias ont vraiment fait une propagande. La communauté arabe ou musulmane doit se comporter de façon à ne pas être mise sous la suspicion. Ça nous affecte», constate l’un des jeunes cités par les chercheurs.
Selon ces-derniers, le recrutement devient d’autant plus facile pour les groupes religieux radicaux comme l’État islamique lorsque l’identité des étudiants est fragilisée.
«Lorsqu’ils s’identifient à un groupe qui est soumis à des attaques, certains individus le prennent très personnel. C’est justement ce sur quoi s’appuient les discours radicaux», affirme M. Dejean.
Recommandations
Pour les chercheurs, les enjeux entourant la radicalisation dépassent les murs du cégep. La présence d’espaces de discussion et l’importance de favoriser les échanges entre les groupes sont primordiaux, puisque très peu d’étudiants immigrants, de première et deuxième générations, s’identifient à la société québécoise, peut-on lire dans le rapport.
«Il ne faut pas cibler un groupe en particulier, mais parler avec tous. La définition de la place du religieux au collégial, les questions de la citoyenneté et d’identité concernent tous les étudiants», affirme M. Dejean.
Le cégep, compte tenu de l’âge des jeunes, serait particulièrement propice à ce genre de dialogue.
Bien que la recherche ait été menée au Collège de Maisonneuve, le chercheur considère que les constats pourraient s’appliquer dans tous les milieux, et même à l’école secondaire.
Les chercheurs travaillent à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques dont pourront se servir les cégeps, mais également les écoles secondaires.