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Verra-t-on un gouvernement vert au Canada en 2019?

Photo: Gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard
Michael MacDonald, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

L’Île-du-Prince-Édouard a souvent été à l’avant-garde en matière de politique: la petite province a été la première à élire au poste de premier ministre un homme qui n’était pas d’origine européenne, une femme et un homme gai. Et si la tendance se maintient, les insulaires pourraient bien élire en 2019 le tout premier gouvernement vert de l’histoire politique canadienne.

Don Mills, directeur général de la firme de sondage Corporate Research Associates, de Halifax, indique que les verts sont en légère avance sur les libéraux, même si cette avance se situe dans la marge d’erreur.

Mais le chef du Parti vert de l’Île-du-Prince-Édouard, Peter Bevan-Baker — qui est devenu en 2014 le tout premier élu de ce parti — est beaucoup plus populaire que ses rivaux dans les sondages. «Il parle de façon directe et claire, et il a un bon contact avec les gens», résume M. Mills.

De leur côté, les libéraux du premier ministre Wade MacLauchlan ont chuté dans les sondages malgré la bonne tenue de l’économie dans cette province d’environ 153 000 habitants — un peu plus que la ville de Saguenay.

En tant que recrue en politique active, Wade MacLauchlan, ouvertement gai, a mené ses troupes libérales à une victoire majoritaire en 2015. Mais M. Bevan-Baker soutient que les libéraux, qui ont exercé trois mandats au cours des 11 dernières années, ont peut-être passé un peu trop de temps au pouvoir à Charlottetown. Ce dentiste d’origine écossaise, qui a déjà été défait lors de plusieurs élections, sur l’île et en Ontario, estime que la popularité croissante du Parti vert pourrait être attribuée notamment à «l’expression locale d’un phénomène mondial».

«Les gens en ont assez de la vieille politique», a déclaré M. Bevan-Baker dans une entrevue récente avec La Presse canadienne. Il cite le succès obtenu par des dirigeants populistes au Canada et ailleurs dans le monde, et évoque le scrutin de septembre au Nouveau-Brunswick, où les électeurs ont tourné le dos à un système bipartite centenaire en faisant élire six candidats de deux tiers partis, qui détiennent la balance du pouvoir dans un gouvernement minoritaire.

Renouveler la «marque verte»
À l’échelle canadienne, on compte maintenant neuf députés verts dans les assemblées législatives provinciales — trois au Nouveau-Brunswick, deux à l’Île-du-Prince-Édouard, un en Ontario et trois en Colombie-Britannique. M. Bevan-Baker a consacré les trois dernières années au renouvellement de la «marque verte» dans l’île, surtout en répétant que le parti ne s’intéresse pas qu’à l’environnement. Il croit que les citoyens considèrent désormais le Parti vert comme «une option envisageable».

La bonne fortune des verts s’explique aussi par l’état lamentable dans lequel se trouve le Parti progressiste-conservateur de l’île, qui a passé le plus clair des huit dernières années à se déchirer — il a été dirigé par cinq chefs, si l’on inclut les leaders intérimaires. Le chef actuel, James Aylward, a démissionné en septembre après moins d’un an à la barre, et un congrès à la direction est prévu en février pour ce parti qui gouverne en alternance avec les libéraux depuis la naissance de la fédération. Avant les libéraux, les conservateurs avaient eux aussi gouverné pendant 11 ans, de 1996 à 2007, avec Pat Binns, et la tendance bipartite aurait voulu qu’ils reviennent au pouvoir l’an prochain. Mais cette tendance semble vouloir éclater en éclats dans plusieurs provinces, comme au Québec, par exemple.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD), quant à lui, n’a jamais été populaire dans l’île: de toute son histoire, il n’aura réussi à faire élire qu’un seul député — et c’était il y a 22 ans. Mais le NPD a recueilli 11 pour cent des suffrages exprimés lors du dernier scrutin, ce qui constitue la meilleure performance de l’histoire de ce parti fondé en 1961.

Don Desserud, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, croit tout de même que le NPD aura du mal à traduire ces suffrages exprimés en plusieurs sièges, car ce soutien est généralement concentré dans les centres urbains. Mais cette attention soudaine sur les verts galvanisera certainement le moral des troupes en campagne électorale, croit le professeur.

Au printemps 2020?
Les prochaines élections provinciales sont prévues le 7 octobre, deux semaines seulement avant les élections fédérales. En vertu de la loi provinciale, le scrutin pourrait être reporté au printemps 2020 pour éviter le chevauchement des campagnes électorales.

Le professeur Desserud croit toutefois que les libéraux ne devraient pas attendre si longtemps, et certains observateurs s’attendent à une élection anticipée dès le mois de mai.

«Les libéraux ne craignent pas de perdre les élections: ils veulent tout simplement former un gouvernement majoritaire», rappelle-t-il. L’Île-du-Prince-Édouard n’a pas eu de gouvernement minoritaire depuis 1890.

Et le professeur Desserud estime plausible la prétention des verts selon laquelle les insulaires sont prêts pour un grand changement.

«Peut-être qu’à l’Île-du-Prince-Édouard, le Parti vert est le seul parti populiste, même s’il est à gauche», a-t-il déclaré. «Comme dans d’autres pays, suffisamment de gens en ont assez du statu quo et recherchent une autre voie.»

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