Des Mohawks accusent Oka de racisme systémique
«La Pinède n’appartient pas à Oka», a déclaré le Conseil Mohawk de Kanesatake, jeudi, qui parle de racisme systémique dans l’approche de la municipalité. Face à sa décision d’octroyer à la forêt de la Pinède d’Oka le statut de «site patrimonial municipal», les Mohawks ne décolèrent pas.
Pour les Mohawks, Oka viole le jugement Haïda de la Cour suprême datant de 2004.
Celui-ci force l’obligation constitutionnelle du Canada à consulter les Autochtones dans un projet de développement sur des terres qu’ils revendiquent.
Rappelons qu’une consultation publique autour du statut patrimonial de la forêt de la Pinède d’Oka s’est tenue, lundi soir, dans un contexte de tensions extrêmes entre le maire d’Oka et les Mohawks de Kanesatake.
Le Grand Chef Serge Otsi Simon considère même que tout le procédé d’Oka «déborde de racisme systémique».
«La manière dont la municipalité souhaite faire avancer ce projet est imprégnée de racisme systémique et ne peut être interprétée que comme une autre façon, un déguisement pour déposséder les Mohawks de leur gouvernance des terres.» -Serge Otsi Simon
Selon lui, le terme «consultation» avec les Premières Nations devrait être mis en œuvre conformément aux directives de la Cour Suprême en vertu du jugement Haïda.
Le maire Pascal Quevillon aurait donc dû «s’engager au préalable» avec la communauté dans un «forum transparent et séparé.»
«Ce sont eux qui sont racistes», répond le maire
Contacté par Métro, le maire d’Oka a déclaré jeudi que la Ville ne consultera pas, puisqu’elle n’en a pas l’obligation, contrairement aux provinces du Canada. Au téléphone, il affirme que le racisme n’a rien à voir là-dedans. «On veut juste protéger la forêt», dit-il.
Lundi soir, M. Quevillon avait indiqué que ce n’était d’ailleurs pas à la municipalité de régler les revendications territoriales.
«Ce sont eux qui sont racistes. Ils nous traitent de colons. Oui, le racisme systémique existe, ça s’appelle la Loi sur les Indiens, et ça date des années 1800.» -Pascal Quevillon
Les Mohawks estiment pour leur part que la municipalité devra passer par la Loi Provinciale sur le Patrimoine Culturel afin de citer la Pinède comme site patrimonial de la municipalité. Et donc que l’argumentaire du maire Pascal Quevillon ne tient pas.
«C’est un règlement municipal, pas provincial», dit à Métro M. Quevillon. Selon lui, cette loi ne s’applique donc pas dans ce cas-ci.
Pour autant, rappelons que les municipalités peuvent y être assujetties si le gouvernement décide d’attribuer une valeur patrimoniale à quelque chose. Il existe même des cas où les municipalités peuvent s’y assujettir d’elles-mêmes, mais il s’agit de cas rares.
L’autre propriétaire des terrains se dit «mal à l’aise»
«Ce projet de règlement me met à l’aise», a écrit l’autre propriétaire des terrains, Grégoire Gollin, dans une lettre datée du 19 octobre. Selon lui, la situation «complexe» qui en résulte ne semble pas du tout «contribuer à la réconciliation.»
«Le vrai débat concernant le futur statut de cette forêt est dans les mains de la communauté de Kanesatake, pas dans les miennes ni dans celles du Conseil de ville.» -Grégoire Gollin
S’il dit partager l’inquiétude d’Oka face au manque de ressources des Mohawks à faire respecter leurs propres règlements environnementaux, il pense qu’Oka ne devrait pas ériger un «mur» face à eux.
Il évoque également son entente signée avec le MCK qui porte sur un projet de conservation qu’Environnement Canada a approuvé. Un projet qui prévoit la restitution de 70 hectares de pinède lui appartenant, grâce à un don écologique. Cela ferait du site une Aire protégée de conservation autochtone.
Dépossédés de leurs terres
Finalement, le maire Quevillon a indiqué avoir autant de droits que les Mohawks. «Ça fait 300 ans qu’on est ici, nous aussi, a-t-il déclaré lundi. Donc, on a le droit d’être ici. Le respect ça va dans les deux sens.»
Pour les Mohawks, cela ne tient pas.
«La paroisse de l’Annonciation n’a été créée qu’après 1874, avant la création d’Oka, en ce sens, la revendication de 300 ans du maire ne tient aucunement la route.S’il existe des droits, ils ont été acquis par des transactions malhonnêtes depuis 1840.»
Ils disent avoir l’impression de revivre encore et encore la même histoire de dépossession de leurs terres. «Cela se reproduit aujourd’hui, en 2020, sur les mêmes terres exactes où la tragédie de 1990 s’est produite.»
À Métro, M. Quevillon indique qu’il ne parlait pas de l’existence de la municipalité. «Je parle de nous-autres, les “colons”, comme ils nous appellent.»
«Qu’en 2020, on se serve des citoyens d’Oka pour mettre la pression à Ottawa avec des revendications territoriales, c’est inacceptable. Je suis sans mot.» -Pascal Quevillon