Violence conjugale: plaidoyer pour des refuges pour femmes accessibles
Chaque année, selon la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHM) du Québec, 10 000 femmes qui appellent un des 36 refuges du réseau se font refuser un hébergement par manque de place. Les femmes handicapées à la recherche d’un hébergement d’urgence ont encore moins de possibilité de trouver un espace qui leur convient, selon une sortie récente du Regroupement d’activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ).
«Il y a une vingtaine de maisons d’hébergement d’urgence qui permettent à une femme en fauteuil roulant d’y entrer, mais nous ne savons pas encore si c’est possible de sortir de l’entrée et utiliser la salle de bain, par exemple», précise Linda Gauthier, présidente du RAPLIQ.
Son organisme réclame une évaluation formelle des maisons. «Il y a tout à faire», dit-elle.
Qui plus est, selon un rapport de l’Office des personnes handicapées du Québec, la situation de vulnérabilité physique et financière des femmes en situation de handicap les met encore plus à risque de violence: 23% des femmes avec un handicap physique disent avoir subi de la violence conjugale, contre 10% des femmes sans handicap.
Lundi, dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, le RAPLIQ a lancé sa campagne «C’est Assez!», qui a pour but d’attirer l’attention sur ce que vivent les femmes en situation de handicap qui subissent de la violence conjugale. L’initiative vient de plusieurs femmes qui ont appelé le groupe à la recherche d’informations, mais qui hésitent encore à prendre la parole en public, dit Steven Laperrière, directeur général du RAPLIQ.
Selon la FMHM, environ 8% des usagères déclarent avoir un handicap physique. Steven Laperrière dénonce le fait que les processus de prise en charge et de réinsertion sociale ne prennent pas nécessairement en compte les besoins des femmes avec des limitations. «Il y a vraiment beaucoup à faire pour dire aux femmes victimes de violence que maintenant, il va y avoir des ressources pour vous.»
Linda Gauthier et Steven Laperrière demandent au gouvernement caquiste d’investir dans l’accessibilité universelle dans les refuges pour femmes, avant le dévoilement du prochain budget provincial, prévu ce printemps.
«On ne s’attend pas à ce que tout soit réglé dans un an, mais d’ici 10 ans, j’ose espérer que toutes les maisons seront capables de recevoir toutes les femmes», conclut Linda Gauthier.
Du côté de la FMHM, on reconnaît que l’accessibilité est un obstacle pour de nombreuses femmes. Une des 10 maisons membres de la Fédération sur l’Île de Montréal a des aménagements spécialisés pour usagères avec un handicap physique.
«Par manque de financement, il y a très peu de nouvelles maisons d’hébergement qui ouvrent. Et nos anciennes maisons datent de 1975. Il y a souvent un problème au niveau de l’adaptation physique des maisons, et le financement est difficile à obtenir. Ça nous inquiète énormément de ne pas toujours être en mesure de recevoir les femmes [ayant] un handicap», dit la directrice de la FMHM, Manon Monastesse. Elle voudrait avoir du financement additionnel pour adapter les services de la Fédération pour les femmes utilisatrices de Braille ou de langue des signes.
Plus généralement, la FMHM revendique plus de financement récurrent pour le renforcement de ses services existants. «On a eu beaucoup de discussions avec le gouvernement et avec différents ministères, mais les résultats restent à concrétiser», dit la présidente de la FMHM, qui estime qu’il faut plus de 34 M$ en financement récurrent additionnel afin de donner un lit en hébergement d’urgence à toutes les femmes qui en ont besoin.
«Il faut parler d’un nouveau budget pour le développement et la construction de nouvelles maisons», ajoute-t-elle.
Lundi, Manon Monastesse était accompagnée des porte-parole en matière de condition féminine des trois partis d’opposition, soit Isabelle Melançon du Parti libéral, Christine Labrie de Québec Solidaire et Méganne Perry-Mélançon du Parti québécois. Les trois députées ont lancé un plaidoyer pour un renforcement du réseau des maisons d’hébergement pour femmes, afin qu’elles puissent accommoder toutes les femmes dans le besoin.
«Chaque femme qu’on oblige à attendre est une femme en danger», résume Christine Labrie. «Si une personne appelle le 911, on ne leur dit jamais « Attendez qu’on vous rappelle ».»