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Megative: Du côté obscur du reggae

Promotional Photo/Press Kit photo shoot for Megative Photo: Ty Snaden/Collaboration spéciale

Quelque part sur la route en 2007, alors en tournée avec The Stills, Tim Fletcher et Gus Van Go écoutent des albums de The Clash et The Specials et en viennent au même constat: «Ce style de musique est complètement absent de la scène musicale indie.» Ce style, c’est ce mélange de punk britannique, de reggae et de dub caractéristique de la fin des années 1970. Dix ans plus tard, voyant que rien n’a bougé, les deux complices ont pris les choses en main. Ce vendredi, ils lancent un premier album qui porte le nom de leur nouveau projet: Megative.

«Notre amour commun pour ces genres musicaux nous a rassemblés dès le premier jour où nous nous sommes rencontrés», se remémore au bout du fil Tim Fletcher, ex-leader du célèbre groupe indie-rock montréalais The Stills, en appel conférence avec son collègue et ami, le producteur et musicien Gus Van Go (Gustavo Coriandoli, de son vrai nom), qui a pris une pause durant une séance d’enregistrement au bord d’un lac avec Les Trois Accords pour discuter avec Métro.

«C’était juste une idée dans notre tête à moi et Tim, explique Gus au sujet de leur nouveau projet musical. Je me souviens, un jour, on était à un spectacle de Yellowman et de Josey Wales à Montréal; on s’est regardés et on s’est dit: notre idée de lancer ce groupe, il faut qu’on la réalise, c’est trop le fun, c’est trop important. C’est la musique qui manque actuellement dans la culture indie-rock et punk alternative.»

Megative, c’est une histoire de coups de foudre. D’abord celui de Tim et de Gus pour un style musical ayant un peu sombré dans l’oubli. Puis, celui qu’ils ont eu en rencontrant les autres membres de leur formation, Chris Soper et Jesse Singer, du duo de producteurs hip-hop new-yorkais Like Minds (qui a notamment travaillé avec The Roots, Snoop Dog et Kanye West), et le chanteur de reggae jamaïcain Screechy Dan.

Alors que ce dernier a été approché sciemment en raison de son talent, la rencontre avec Like Minds est due au plus beau des hasards : le duo partageait tout simplement le même espace de studio à New York que Gus Van Go. Prenons un moment ici pour remercier le coût exorbitant des loyers dans la Grosse Pomme, qui oblige les artistes à partager leurs milieux de travail. «Chris et Jesse étaient les gars down the hall», résume Tim dans un français ponctué d’anglais, sa langue maternelle.

Ainsi est né le son de Megative. «Leurs idées de beats hip-hop vintage, c’était l’élément qui nous manquait», poursuit-il.

Après le coup de cœur musical pour Like Minds a suivi celui pour Screechy Dan. «C’était le glaçage sur le gâteau!» s’emballe Tim Fletcher, qui partage les couplets de Megative avec le reggaeman.

«Ce gars est tellement cool, tellement chill, tellement intelligent, tellement créatif, enchaîne-t-il. Instantanément, on a voulu parler des mêmes choses. On s’inspire de la même façon…» «… Et lui aussi est tombé en amour immédiatement avec le son de Megative, complète Gus Van Go, reprenant la balle au bond. Il adorait qu’on fasse du reggae, mais d’une façon complètement nouvelle.»

«On voulait dire la vérité dans chaque chanson, parler de ce qui est dans nos consciences, dans nos cœurs, et de ce qui nous préoccupe.» – Gus Van Go

Terrain dangereux
En effet, le son de Megative est loin du «Don’t worry be happy» ou, comme l’illustre Tim Fletcher, des «palmiers», des «vacances dans le sud» et des «good vibes» qui viennent habituellement à l’esprit lorsqu’on pense au reggae. Une atmosphère d’inquiétante étrangeté plane plutôt sur leur album.

«Le reggae est un genre musical rempli de pièges, décrit Tim Fletcher. C’est un terrain dangereux, parce que, pour s’y rendre, il y a plusieurs endroits où tu peux tomber et te faire mal.»

Pour Gus, le reggae évoque une forme de spiritualité. «C’est une musique qui parle de force surnaturelle, invisible. Ça a un côté sacré, cérémoniel… C’est très profond, ça peut être épeurant et étonnant. On est attirés vers ce côté.»

Cette ambiance obscure se retrouve également dans les textes de Megative, qui évoquent les peurs, les désillusions et la mort, notamment. Lorsqu’on le leur fait remarquer, les deux complices étouffent un rire. «Nos paroles sont dark? Nooon!», lancent-ils avec ironie.

Reste que notre époque est une source d’angoisse pour les artistes. «On vit dans un monde qui est… comment dire… très chaotique, qui va très vite, trop vite. Et il y a toutes sortes d’éléments destructeurs, d’éléments très malsains…» avance Tim Fletcher, donnant en exemple la dégradation de l’environnement, les guerres, la présidence de Donald Trump et l’extrémisme sous toutes ses formes.

«Nos textes parlent de la façon dont toutes ces désillusions se manifestent sur le plan personnel», poursuit le chanteur, qui est «le génie des mots» de la formation, aux dires de son comparse, qui retravaille les textes avec lui.

«Il y a des chansons qui parlent de vouloir qu’une fille ou qu’un partenaire remplisse le vide en soi pour nous rendre heureux, d’autres sur des moments de vie gaspillés en faisant toutes sortes de choses pour éviter la peur de la mort… Il y a toutes sortes de peurs qui remontent à la surface sur l’album.»

N’en étant pas à leurs premières armes, les musiciens abordent aussi le vieillissement, notamment dans la chanson More Time, où Fletcher chante: «I never gave a fuck about the youth I wasted, I thought I had more time… Can I get more time?»

«On vit dans une culture qui célèbre la jeunesse. Après 30 ans, t’es déjà fini, c’est super malsain! se désole le chanteur. Dans la musique pop, les vedettes ont toutes à peu près 19 ans, comme si la vie finissait après! Eh bien, fuck that, moi je veux vivre une belle vie. More Time parle de ce désir de revivre les beaux jours du passé mais, sorry dude, ça ne reviendra jamais! C’est une autre désillusion.»

Dans leur bio envoyée aux médias, Megative nous invite à vivre «bravement» en cette ère sombre. Comment faire, au fait? «Il faut mettre le focus sur nous-même, sur notre intérieur, pour trouver des façons de s’aimer, de s’accepter avec nos côtés obscurs, répond Tim. Pour moi, c’est prendre la responsabilité sur ma vie, de m’aimer, et de bien me traiter pour pouvoir par la suite bien traiter le monde qui m’entoure. Je trouve ça
vraiment difficile, ça me travaille chaque jour.»

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