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Olivier Gourmet: un homme et son métier

L'acteur Olivier Gourmet présente 4 films au Festival Cinémania. Photo: Isabelle bergeron/Métro

Avec 98 films en 20 ans, le Belge Olivier Gourmet ne chôme pas. L’acteur fétiche des frères Dardenne est de passage à Montréal dans le cadre du festival Cinémania, où il présente pas moins de quatre films. Rencontre avec un acteur dont l’ampleur de la cinématographie est inversement proportionnelle à l’ego.

Dans les films qu’il vient défendre à Cinémania, l’acteur à la bouille passe-partout incarne successivement un révolutionnaire français (Un peuple et son roi), le cadre imperturbable d’une grande multinationale (Ceux qui travaillent), le régent Philippe d’Orléans (L’échange des princesses) et Constant Coquelin, premier acteur à incarner Cyrano de Bergerac sur les planches (Edmond).

Quatre rôles, petits et grands, qui s’ajoutent à une feuille de route impressionnante, tant au point de vue de l’abondance que de la qualité.

«Ça fait jamais que 120 jours de travail dans une année, tempère Olivier Gourmet lorsqu’on le questionne sur son rythme de travail. Il en reste encore 240. C’est le tiers de l’année. Je n’appelle pas ça un rythme de travail fulgurant par rapport à certains qui se lèvent tous les jours et qui vont au boulot tous les jours, parfois dès 5 h du matin jusqu’à 6 h du soir, trajet compris. Je suis plutôt privilégié. Je pourrais en faire encore davantage.»

Vous pourriez vraiment tourner davantage?
Oui. Évidemment, ce n’est pas vraiment possible. Si c’était possible, je le ferais. Le souci, c’est quand on a deux rôles principaux, que les tournages s’enchaînent l’un derrière l’autre et qu’il s’adaptent à mon propre agenda. Il fut un temps où j’acceptais de faire deux rôles en même temps, mais ça, j’ai décidé de ne plus le faire. Parce que c’est un peu perturbant. Quand on fait deux choses en même temps, on n’est pas vraiment ni dans l’une ni dans l’autre.

Qu’est-ce qui vous motive à accepter de petits rôles, comme celui de Philippe d’Orléans dans L’échange des princesses?
En général, c’est que le projet m’intéresse, tout simplement. Le scénario me touche, me parle, m’interpelle et m’intéresse, me questionne. Ce qui m’attire, dans un personnage, c’est lorsqu’on gratte l’âme humaine pour découvrir des choses belles ou terribles, comme dans L’échange des princesses, où le Duc d’Orléans manipule tout son entourage pour assouvir uniquement sa propre ambition et son propre désir de remonter sur le trône. Jusqu’où l’homme est-il capable d’aller pour assouvir ses besoins, ses rêves, ses désirs, ses fantasmes? Dans ce cas précis, il va jusqu’à vendre ses propres enfants.

«Le cinéma a plus de pertinence dans le monde dans lequel on vit aujourd’hui. Et comme un de mes soucis et de mes plaisirs est aussi d’interpeller les gens sur des faits de société, j’y trouve plus mon compte qu’au théâtre.» -Olivier Gourmet, acteur, qui, après avoir amorcé sa carrière au théâtre, préfère aujourd’hui se consacrer entièrement au cinéma.

Votre personnage, dans Ceux qui travaillent, est aussi prêt à faire des choses horribles pour son entreprise…
Il ne le fait pas lui-même, mais il fait faire quelque chose de terrifiant et duquel il ne se remettra jamais. Mais la chose la plus violente de ce film, c’est qu’à la fin, il repart malgré tout dans le même système qui nous broie les uns les autres. Souvent, et à raison, on parle du monde du travail au niveau des ouvriers, des usines et des difficultés qu’on y trouve. Dans ce film, on est dans la sphère dirigeante, où certains membres de direction sont broyés. Ils sont à la fois les acteurs et les victimes du système qu’ils cautionnent et qu’ils mettent eux-mêmes en place.

Quand vous choisissez un film à thématique sociale comme celui-là, est-ce nécessairement pour dénoncer ces situations, ou simplement pour le défi d’acteur?
C’est pour en parler. Pas pour dénoncer, parce que je pense que tout le monde le sait et que tout le monde en a conscience. Au-delà de ce fait de société, Antoine [Russbach, le réalisateur] voulait aussi souligner que, malgré le fait que nous sachions tous comment cela se passe, les multinationales, la surconsommation, nous ne changeons pas, ou très peu, notre façon de vivre et notre rapport à ce système.

Contrairement à votre personnage, êtes-vous capable de vous épanouir ailleurs que dans le travail?
Pour être épanoui dans sa famille, faut quand même trouver le chemin de l’épanouissement quelque part. Si on est épanoui dans le travail, en général, quand on rentre chez soi le soir, ça déteint sur sa famille. Même chose si on est malheureux. Les hommes et les femmes ont besoin d’activités pour s’épanouir, ç’a été le cas à toutes les époques. (…) Oui, j’ai besoin de l’activité et de l’adrénaline que le métier d’acteur me procure au quotidien. Je dis que je pourrais en faire plus, parce que, quand je ne tourne pas, ça me manque. C’est une question de plaisir aussi, je m’y amuse toujours.

Parlant de plaisir, vous jouez dans la comédie Edmond, un genre dans lequel on ne vous a pas vu souvent…
On m’en propose rarement et je le regrette. C’est dommage. Il y a des étiquettes. On est souvent catalogué selon les rôles dans lesquels on a été convaincant. Ça vous colle à la peau. Ce qui est dommage, c’est que parfois les réalisateurs ne dépassent pas ça et n’ont pas plus d’imagination que ça.

Les honneurs, non merci

Invité d’honneur de Cinémania, Olivier Gourmet verra également deux de ses films projetés en rétrospective à la Cinémathèque québécoise : La promesse, de Luc et Jean-Pierre Dardenne, qui lui a valu le Prix d’interprétation à Cannes en 2002, et Congorama, de Philippe Falardeau.

Pourtant, l’homme de 55 ans est loin de chercher les feux de la rampe.

«Je réponds très rarement à ce genre de sollicitation. Pour une raison simple : j’ai une vie ordinaire et je tiens à la conserver. Être trop exposé risquerait de mettre ça en danger. Et là-dessus, je n’ai pas envie de me mettre en danger», explique celui qui réside toujours dans son Ardenne natale.

«Ici, au Québec, c’est loin de chez moi, alors c’est très bien», poursuit-il en riant.

«J’ai aussi été formé selon les principes de la distanciation brechtienne où l’acteur est toujours en retrait. Ce n’est pas l’acteur qui doit être mis en valeur, c’est le personnage.»

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