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La tendre ironie

Mademoiselle de Joncquières, un film de Emmanuel Mouret, avec Cécile de France (Madame de Pommeray), Edouard Baer (Marquis des Arcis), Alice Isaaz (Mademoiselle de Joncquières), Natalia Dontcheva (Madame de Joncquières), Laure Calamy (l'amie de Madame), Arnaud Dupont (Dubroux), Laurent Stocker (un médecin), Alban Casterman (un valet) Photo: K-FILMS AMÉRIQUE

Emmanuel Mouret continue à décortiquer les sentiments humains avec délicatesse dans Mademoiselle de Joncquières, un des films les plus savoureux qu’il ait réalisés.

Incroyable mais vrai : alors que les héros de ses créations semblent constamment issus d’une autre époque, avec leur façon poétique et même musicale d’utiliser les mots, Emmanuel Mouret n’avait jamais tourné un film à costumes. Jusqu’à maintenant.

«Je n’y avais pas pensé par moi-même, c’est une idée de mon producteur, assure le cinéaste français, qui était de passage à Montréal dans le cadre de Cinémania. C’est vrai que mes personnages parlent beaucoup et ça paraît presque plus naturel dans un film du XVIIIe siècle que dans un film d’aujourd’hui. Allez savoir pourquoi.»

Inspiré d’un récit de Diderot que Laclos aurait pu écrire, le long métrage suit les amours d’un marquis libertin (Édouard Baer, comme un poisson dans l’eau) qui reçoit l’aide d’une ancienne maîtresse (Cécile de France, dans un contre-emploi stupéfiant) afin de conquérir l’insaisissable Mademoiselle de Joncquières (envoûtante Alice Isaaz).

Entre quête du plaisir immédiat où tout le monde semble jouer un rôle et rigidité des mœurs et de la religion, cet opus à saveur féministe a tôt fait de parler du monde d’aujourd’hui.

«Ce qui m’intéresse, c’est de filmer l’Homme avec les autres Hommes, la société humaine. C’est pour ça que, dans mes films, de façon un peu inconsciente, je me suis souvent intéressé à des personnages qui s’interrogent sur les usages amoureux, la morale et le désir.» – Emmanuel Mouret, réalisateur de Mademoiselle 
de Joncquières

«C’est moderne parce que c’est une exploration de notre psyché, note celui qui semble s’inspirer ici davantage du cinéma de Renoir et de Lubitsch que de celui de Rohmer et d’Allen. Et ce qui ne vieillit pas, ce sont les questions un peu fondamentales de la fidélité, de la liberté, du désir, de la morale et de la légitimité de la vengeance. Je pense que ces personnages forment une petite constellation de sentiments qu’on peut avoir en nous-même.»

Une modernité qui sert non seulement cette finesse d’écriture (on y retrouve toutes les obsessions de son auteur), mais également un travail de mise en scène plus virtuose que jamais. Et comme toujours chez le créateur d’un Baiser s’il vous plaît, l’humour est aussi hilarant que cinglant et mélancolique.

«La vie est drôle et grave, rappelle le réalisateur. Ce que j’aime beaucoup chez Diderot – et je le réalise en vous parlant –, c’est cette façon de regarder les choses de loin, mais aussi de les regarder avec empathie, de près. C’est ce que j’appellerais la tendre ironie.»

Une conclusion qu’Emmanuel Mouret fait siennr. Car il n’y a probablement aucun cinéaste qui aime autant ses personnages que lui, les dépeignant sans jugement ni cynisme.

«Je ne supporte pas qu’un réalisateur montre des personnages et qu’on sente très bien qu’il se sent au-dessus d’eux, s’emporte-t-il. Je trouve même ça moralement ignoble.»

Mademoiselle
de Joncquières
En salle dès aujourd’hui

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