Bye bye 2018: entre l’arbre et l’écorce
Le Bye bye est une périlleuse tradition télévisuelle au Québec qui, tout en soufflant ses cinquante bougies, s’offrait une édition sans remous en 2018 avec un mandat de plus en plus clair : rassembler devant un écran de télévision un public approximativement attentif, temporaire et essentiellement nostalgique.
Un public qui, aussi, sera sollicité abondamment par des publicités de plus en plus incrustées dans le contenu car, ne l’oublions pas, les temps sont durs en production télévisuelle et les fenêtres rentables pour les annonceurs sont de plus en plus rares. Quand une plateforme de l’ampleur du Bye Bye se présente avec ses promesses faramineuses d’auditoires, il faut s’assurer de marquer l’imaginaire afin de nous vendre des choses et des idées.
Ainsi, au lendemain du réveillon du Nouvel An québécois, les gens parleront d’une agaçante annonce de Coke avec des influenceurs du web inconnus d’une vaste majorité de l’auditoire télé et d’une reprise d’une vétuste publicité de Budweiser revisitée des dizaines de fois déjà lors de l’annuel Super Bowl de la NFL. On pourrait excuser le tout en soulignant les prouesses de ces nouvelles publicités, mais comme une prison confortable et bien emménagée, la pub ne perd pas sa fonction première même si elle peut décrocher quelques sourires : perpétuer les habitudes de consommation en nous tenant en otage en attendant le retour du contenu désiré devant notre écran.
Souligner les pubs en parlant du Bye bye n’est pas dans mes habitudes, je me plais normalement à les ignorer, mais l’édition 2018 venait avec des incitatifs à l’écran de rester attentif lors des réclames et disons qu’elles étaient particulièrement insistantes, et répétitives, pour l’auditoire en direct.
Ceci dit, parlons du contenu du Bye bye qui, pour le meilleur et pour le pire, reprenait la formule des dernières années afin d’éviter un terrain miné par l’actualité. Donald Trump, l’ultime paratonnerre de l’équipe, recevra les blagues les plus salées, comme d’habitude, et sa récurrence permet à la production de se targuer d’une étiquette plus corrosive quand, dans son fond et sa forme, le Bye bye est surtout une chambre d’échos de ce que l’on pourrait entendre dans les fêtes de famille de la province. C’est du moins l’impression qui émane de la plupart des sketchs surfant sur les grandes lignes des boîtes de commentaires des sites les plus populaires de l’année.
Dans cette chambre d’échos, notamment, Catherine Dorion est une «hippie» qui gratte sa guitare, Hubert Lenoir un jeune baveux qui n’a rien inventé et Safia Nolin ne transpire pas la joie de vivre.
La force du Bye bye de cette année, comme les autres éditions menée par Simon-Olivier Fecteau, c’est les moments qui s’éloignent des imitations et des caricatures. La grève de la SAQ et la publicité de la SQDC en sont de bons exemples. Et lorsque la production ose une rare prise de position sur l’actualité, comme imaginer Black Panther au théâtre sous l’oreille sourde de Robert Lepage, elle nous démontre l’ensemble de son talent et de sa créativité. Malheureusement, ces moments sont rares puisque la caricature et les lieux communs sont le pain et le beurre de cette revue annuelle.
Après la présentation du Bye bye, les coulisses viennent appuyer ce point puisqu’il y a une conscience que les gens vont venir chialer sur l’édition annuelle. L’humour n’est pas universel, l’équipe le sait, alors on offre un petit peu de tout à tout le monde pour s’éviter les foudres d’une masse critique. C’était, à l’époque, le point de chute de Bye bye trop politisés comme ceux de Louis Morissette, par exemple.
Ça devient un peu malhonnête d’approcher de façon critique une production télé avec un mandat impossible et des attentes démesurées. Reste alors nos préférences et les moments qui nous marqueront brièvement pour lancer 2019 du bon pied. Si vous voulez quelques bons coups en vrac, soulignons la performance de Claude Legault, le petit nouveau du groupe qui renouait avec la comédie après ses lourdes années sous le regard plus sombre de Podz. Son Marc Bergevin était savoureusement près de la vraie version du D.G. du Canadien passé maître dans l’art de ne rien dire de façon coloré et son Olivier Primeau soulignait bien l’insignifiance de l’aventure XOXO.
Mon moment fort, avec le recul, sera celui plus sérieux où Dominique Michel est venue fermer l’année en nous promettant, une fois de plus, que ce serait son dernier Bye bye.
Pour ce qui est des moins bons coups de la soirée, je comprends mal à qui s’adressait le tour du monde de RBO avec son traitement maladroit de l’actualité internationale et de dossiers nécessitant plus de contextes qu’une simple caricature avec des perruques et des airs connus.
2018, pour le Bye bye, est une réussite même si rien ne sera particulièrement marquant. Des bonnes lignes, de bons moments, quelques tapes sur les cuisses et on passe à l’année prochaine. Tout va bien dans le meilleur des mondes … ou pas. Une chose que j’aimerais revoir, un jour, c’est l’audace de taper sur des clous qui ne sont pas déjà enfoncés. Le web nous offrira peut-être cette planche de salut quand l’emprise des publicitaires sera moins vitale. Un jour je l’espère.