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Zachary Richard: toujours vibrant

Zachary Richard Photo: Jean-Charles La Barre/Collaboration spéciale
Benoit Valois-Nadeau - Métro

À 68 ans bien sonnés, Zachary Richard parcourt toujours les routes de l’Amérique avec sa musique et sa langue unique.

Avec sa vingtaine d’albums sous le bras, le porte-flambeau de la culture louisianaise est au cœur d’une tournée de près 70 dates au Québec et en Acadie dans une formule minimaliste.

«On est deux sur scène. Mais en fait, Francis Covan [l’excellent multi-instrumentiste qui l’accompagne] en vaut 10, alors on est 11, blague le chanteur, rencontré quelques minutes avant son passage sur scène au Festival en chanson de Petite-Vallée. C’est un rapport très, très intime avec le public.»

Le chanteur chérit et cultive cette intimité sur scène. À l’aise comme un poisson dans l’eau, il est capable de faire rire et pleurer le public, alternant moments de poésie et de virtuosité musicale.

«Je suis auteur-compositeur. Pour moi, ce qui est important, c’est de communiquer autant que de divertir. J’essaye de respecter la devise que m’a donnée quand j’étais plus jeune un vieux violoneux, Monsieur Lionel Leleux, qui m’avait pris sous son aile: « Nous, on fait la musique un peu pour la tête, pour faire rêver, un peu plus pour le cœur, pour faire ressentir, et encore plus pour les pattes, pour faire danser ».»

Faire rêver, ressentir et danser, Zachary Richard l’a fait toute sa carrière, en passant successivement de l’anglais au français. Mais sur son plus récent album, Gombo, paru en 2017, il a décidé de réunir l’ensemble de ces influences.

«Je me suis éloigné de cette espèce de ségrégation linguistique et culturelle que je m’étais imposée tout au long de ma carrière. Je m’adressais toujours à un public à la fois qu’il soit anglophone ou francophone. Je me suis dit que ça ne reflète pas ma réalité, qui est absolument bilingue.»

Après 40 ans de métier, il a même poussé l’audace jusqu’à pousser la note en espagnol.

«Je suis latino dans mon âme, précise-t-il à propos de son incursion dans la langue de Cervantes. La musique latine et afro-cubaine a bercé ma jeunesse et j’adore ça. Il faut dire que, si je pouvais parler toutes les langues de la planète, je le ferais. Et à force de manger chez Taco Bell, je commence à avoir un peu d’espagnol dans le sang. [Rires].»

Sa Louisiane, comme l’ensemble des États-Unis, est de plus en plus marquée par l’augmentation de la population d’origine latino-américaine, ce qui le réjouit.

«La Louisiane a été une colonie espagnole pendant une bonne partie de son histoire et il y a des vestiges encore de tout cela, y compris dans le vocabulaire cajun, rappelle Zachary Richard. Aujourd’hui, j’habite dans le village le plus hispanophone de la Louisiane. Après les ouragans de 2005, il y a eu un vide. On a perdu notre main-d’œuvre locale, qui a fui. Ce vide a été rempli en grande partie par des gens du Honduras, du Nicaragua et du Mexique. C’est sûr que ça aura une influence de plus en plus importante sur la culture. Ça ne fait pas l’affaire des vieux estis de républicains, mais ça, c’est une autre histoire.»

«La langue, ce n’est pas seulement une façon de communiquer, mais aussi la démarcation d’un territoire. Un territoire réel et un territoire culturel.» Zachary Richard, auteur-compositeur-interprète et ardent défenseur de la langue française.

Parlant de vieux républicains, le plus francophile des chanteurs américains arrive à relativiser les dégâts causés par Donald Trump, «ce président américain, pour lequel [il n’a] aucun respect».

«J’ai fait mes dents en 1968. À l’époque, c’était Nixon qui était au pouvoir. Il était moins effronté que Trump, mais tout aussi criminel. La guerre du Vietnam battait son plein et il y avait une déchirure dans la société qui était très difficile à vivre. J’ai eu de grands conflits avec mon père, j’ai quitté la maison familiale et je n’y ai pas remis les pieds pendant six ans. C’était très difficile. Et c’est encore très difficile. Mais c’est cyclique», soutient-il.

«Je garde espoir qu’une fois qu’on va s’être débarrassé de cette période, on va pouvoir passer à quelque chose de plus heureux. C’est très bouleversant souvent, très décourageant, mais avec le recul de mes 68 ans, je me dis que ce n’est qu’un temps de passage.»

En attendant que l’orage se tasse, le poète continuera, comme il l’a toujours fait, à défendre avec intégrité les causes qui lui sont chères, à commencer par la langue française et la protection de l’environnement.

«Je prends un plaisir à marcher sur les orteils de certains, confie-t-il en souriant. Les puristes m’ont toujours traité comme le mouton noir de la tradition, parce que ce n’était pas casher mon affaire. Cette espèce de pensée nazie, je l’emmerde. Et on ne peut pas être contre la protection d’une langue ou de l’environnement naturel. On peut résister ou s’en foutre, mais comment être contre cette chose-là, sans se révéler comme un imbécile? C’est un peu difficile.»

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