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Philippe Brault: le complice des artistes

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Philippe Brault Photo: Félix Renaud/Collaboration spéciale

Ils ne sont pas très connus du grand public. Pourtant, sans leur travail en coulisses, l’année culturelle québécoise aurait été bien différente. Métro vous présente jusqu’à jeudi une série d’entrevues avec des artistes qui ont marqué 2019. Aujourd’hui, le compositeur, musicien, arrangeur et réalisateur Philippe Brault.

Comment qualifieriez-vous votre année 2019?

Euh, mon Dieu… Occupée, éparpillée… (Rires) Intense! Surtout le début de l’année.

Votre moment fort de l’année?

J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler au spectacle Axel, du Cirque du Soleil. C’est la première fois qu’on m’offrait quelque chose que je n’avais jamais fait. C’était prenant et intéressant. C’est un beau highlight, je dirais.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement plu dans ce projet?

Dans la vie, je fais toutes sortes d’affaires: des disques, du théâtre, du cinéma, de la danse, tant comme réalisateur que comme compositeur. Quand j’ai été approché pour ce projet, on me demandait de faire tout ça en même temps. C’était autant adapter des chansons connues, écrire de nouvelles chansons, composer une trame sonore plus traditionnelle de show live... C’est rare que je puisse faire un peu de tout dans un seul et même projet. C’est beaucoup pour ça qu’ils sont venus me chercher et c’est ce qui m’a intéressé. 

En musique, vous avez collaboré à plusieurs albums parus cette année, dont Pour déjouer l’ennui de Pierre Lapointe, Feu de Laurence Nerbonne, Objets perdus d’Evelyne Brochu et L’origine de mes espèces de Michel Rivard. Comment vous adaptez-vous à leurs styles très différents les uns des autres?

En effet, Michel Rivard, c’est différent de Laurence Nerbonne! (Rires) Peu importe l’artiste, ce qui m’intéresse est de les aider à arriver à la meilleure version d’eux-mêmes. Le style est un défi parce qu’il faut être familiarisé avec les techniques de production de chaque genre et avoir une culture musicale large, mais il faut surtout être curieux de ce que l’autre a envie de faire. 

«Que ce soit Michel Rivard qui a envie de faire quelque chose de différent ou Laurence Nerbonne qui veut aller vraiment plus dans la pop et le hip-hop, il me suffit d’être curieux, de rester ouvert et d’apporter tout ce que je peux pour les pousser à aller plus loin dans leur démarche.» Philippe Brault

Est-ce que les artistes font appel à vous ou vice-versa?

En général, ce sont eux qui viennent me voir. Souvent, ils veulent travailler à un projet spécifique avec moi. Il y a des gens avec qui je travaille depuis longtemps aussi. Par exemple, Laurence Nerbonne, j’ai fait tous ses projets depuis Hotel Morphée [son ancien groupe]. 

Vous êtes le complice de rêve pour plusieurs artistes. Pourquoi sont-ils aussi nombreux à vouloir travailler avec vous?

Je ne sais pas, c’est une bonne question! (Rires) Depuis longtemps, je fais toutes sortes d’affaires différentes et je n’impose pas de style particulier, même si, moi, je l’entends, ma touche. La plupart des gens me disent: «On ne peut pas savoir d’un disque à l’autre que tu as travaillé dessus.» Je pense que les artistes savent que, s’ils travaillent avec moi, l’idée ne sera pas d’amener mon son à leur travail, mais plutôt de pousser le leur plus loin. Et puis, mon approche est personnelle, c’est très humain comme contact. Faire un disque, un show ou un film, c’est passer du temps ensemble, se comprendre et discuter. C’est une facette très importante de mon travail.  

On a l’impression qu’il serait plus simple de nommer les albums québécois auxquels vous n’avez pas collaboré ces dernières années que l’inverse. Reste-t-il des artistes avec qui vous aimeriez travailler?

(Rires) Ah! Je ne sais pas… Je suis fan de certains artistes et, des fois, je me dis que je ne devrais pas travailler avec eux parce que je n’ai pas envie que leur affaire soit différente! (Rires) En ce moment, je me concentre plus sur le cirque, les spectacles de théâtre et de danse, justement pour prendre le temps de me poser la question. Qu’est-ce que j’ai envie de faire? Avec qui j’ai envie de travailler dans les prochaines années? Des fois, des artistes avec qui je n’avais jamais pensé collaborer arrivent avec un projet et une envie d’approcher leurs chansons différemment et, tout à coup, j’ai envie de le faire. J’espère aussi continuer à travailler avec des jeunes qui commencent. J’aime beaucoup faire des premiers disques. J’ai toujours aimé ça.

Ah oui? Et pourquoi?

C’est drôle: souvent, les artistes n’aiment pas leur premier disque quelques années plus tard, mais pour les fans, ça reste toujours leur préféré.  Il y a quelque chose de beau dans l’imperfection du premier disque. Souvent, les chansons ont été composées pendant des années, les artistes ne savent pas encore où ils en sont, ils sont en ébullition, donc ça fait des trucs imprécis… Il y a quelque chose de fascinant à essayer d’attraper cette énergie du premier disque. Il y a toutes sortes de défis. 

Vous avez aussi collaboré à plusieurs spectacles de théâtre et de danse ainsi que composé les trames sonores de quelques films, dont Le cortège et Le mal du siècle. Comment approchez-vous les projets selon le médium?

La plupart du temps, quand c’est de la trame sonore, je génère la musique à partir de zéro, contrairement aux disques, où je pars de la musique créée par quelqu’un d’autre. Quand c’est moi, le compositeur, c’est une autre approche. En même temps, mon activité, c’est dans ce cas-là aussi d’habiller l’œuvre d’un autre. Avec les années, c’est comme si je ne savais pas comment travailler autrement que dans le projet de quelqu’un d’autre, pour comprendre sa vision et amener ça quelque part avec ce que je peux y apporter. 

Ce que j’aime du défi de la trame sonore de spectacles comme ceux du cirque, c’est la composition. Je peux être arrangeur, réalisateur ou musicien sur les albums, mais j’ai toujours aimé composer. Quand j’ai la chance et l’espace pour le faire, je privilégie ça de plus en plus. Ça me permet d’exprimer des choses plus personnelles, même si c’est dans le film d’un autre. J’aime aussi le travail d’équipe avec d’autres gens que des musiciens. Il y en a à qui ça fait peur; certains réalisateurs s’excusent de ne pas savoir comment parler de musique, mais moi, je trouve ça le fun cette discussion pas toujours claire! (Rires) Ça nous sort de nos réflexes et ça me sert beaucoup quand vient le temps de faire des disques avec d’autres musiciens. 

Vous êtes très sollicité. Qu’est-ce qui vous fait dire oui à un projet?

Ça change beaucoup avec les périodes de la vie. (Rires) Souvent, c’est la personne en premier. La rencontre est vraiment un gros point dans l’acceptation d’un projet. Il y a aussi ce que j’ai envie de faire personnellement à une période donnée. Si un genre de musique m’intéresse, ça peut influencer le choix d’un disque plutôt que d’un autre. Des fois, bêtement, c’est le timing. Ces temps-ci, j’ai tendance à accepter moins de projets de disques parce que j’ai envie de composer plus. Mais je sais que, dans un mois ou deux, ça va me démanger et que je vais vouloir recommencer! (Rires) 

Vous arrive-t-il de refuser des collaborations? 

Oui, oui. Des fois, des gens super intéressants arrivent avec un super beau projet, mais ce n’est pas possible de le faire dans les délais et le contexte où on l’offre. Cependant, ça revient, en général. S’ils ont vraiment envie de travailler avec moi, ça se fera dans un an ou deux. Il faut avoir confiance! 

On a dû vous le demander souvent, mais aimeriez-vous un jour créer en solo?

Un disque de chansons, non. Ce n’est pas une chose qui m’intéresse. Il y a des gens qui le font vraiment bien. Ça m’intéresse beaucoup plus de travailler dans leur univers à eux. Mais j’aimerais donner une place à la musique que je compose pour des projets scéniques afin qu’elle vive par elle-même après. 

Quels sont vos plans pour 2020? 

Pour l’instant, je travaille à des projets de disques trop embryonnaires pour en parler. J’ai pas mal de trames sonores de théâtre et de danse qui s’en viennent, ainsi que des shows avec Pierre Lapointe… Le calendrier commence à se remplir! Mais je suis un peu plus calme depuis quelques mois, parce que ma conjointe travaille beaucoup. C’est à mon tour de prendre le relais familial! (Rires) 

Qu’est-ce qu’on vous souhaite pour 2020? Du repos? 

Oui! (Rires) Le souhait que je me fais pour les prochaines années est d’avoir moins de projets, mais de profiter plus de chacun d’eux. Quand on court, on fait plein de belles choses, mais on n’a pas toujours le temps d’en profiter.

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