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Juste pour rire: Prendre 2020 par les cornes

L'humoriste Eddy King Photo: Josie Desmarais/Métro

Quoi qu’en dise le rappeur jovialiste KNLO, 2020 n’est pas «la plus belle année de nos vies». On en a eu une énième preuve lundi avec l’annonce de nouvelles mesures de confinement. Dans ce contexte difficile et sans pouvoir compter sur les rires du public en salle, des humoristes ont la tâche de nous divertir dans le cadre du festival Juste pour rire. Plusieurs d’entre eux ont justement choisi de prendre 2020 par les cornes.

En plus de la pandémie de COVID-19, qui continue de faire des ravages partout dans le monde, 2020 est marquée jusqu’à présent au Québec par une nouvelle vague de dénonciation d’agressions sexuelles et le regain du mouvement Black Lives Matter.

C’est sans parler de la crise environnementale qui est toujours loin d’être résolue et de l’élection présidentielle américaine qui approche à grands pas.

Dans leurs spectacles respectifs donnés dans le cadre de Juste pour rire, les humoristes Eddy King et Phil Roy ont choisi de traiter de front certains de ces enjeux.

Le premier en fait carrément le sujet de son gala, le bien nommé Est-ce qu’on peut en parler? dans lequel seront notamment abordés le confinement, le racisme et les théories du complot.

«Quand on parle d’un sujet difficile et qu’on arrive à en rigoler, on a déjà un bon pas de fait, même si on n’est pas d’accord, soutient Eddy King. C’est le pouvoir de l’humour et c’est magnifique.»

Phil Roy et son coanimateur Pier-Luc Funk se sont eux aussi inspirés des événements de 2020 pour leur soirée carte blanche. «Je ne sais pas s’il faut en parler. Ça appartient à chaque personne de faire ce qu’elle veut avec sa tribune», répond Phil Roy lorsqu’on lui demande s’il est essentiel de traiter de ces sujets.

Pour Preach, il s’agit au contraire d’un devoir. «En tant qu’humoriste, c’est notre travail de parler de ces choses-là». Celui qui participe à la websérie Étudiants libres estime que l’humour permet de «démystifier certaines choses en riant».

Plusieurs sujets qui ont marqué 2020 sont délicats ou polarisants. On peut néanmoins rire de tout, selon les trois humoristes. Tout est dans la manière. «Si tu décides de parler de tel sujet avec humour, c’est ta responsabilité de réfléchir à comment tu le traites», soutient Phil Roy.

Même son de cloche chez Eddy King, pour qui l’essentiel demeure de ne jamais rire des victimes. «Des fois, pour des sujets très dramatiques, on rit un peu de ce qui tourne autour, sans se moquer des éléments plus sensibles pour autant.»

L’humour permet d’ailleurs de dédramatiser certaines situations graves, sans minimiser leur importance, selon Preach: «Ça aide parfois simplement à comprendre des enjeux. Et ça permet de rejoindre des gens qu’on ne pourrait pas rejoindre autrement, par exemple avec un documentaire ou même une discussion.»

Dans ce cas, le rire devient une porte d’entrée pour aborder des sujets sensibles.

Maripier Morin et Julien Lacroix

Des sujets sensibles, ce n’est pas ce qui manque en 2020. L’un d’entre eux a directement touché le milieu de l’humour: la vague de dénonciation d’agressions et d’inconduites sexuelles, qui a notamment visé Julien Lacroix et Maripier Morin cet été.

Réputé pour ne pas avoir la langue dans sa poche, l’humoriste Sugar Sammy a diffusé en ligne un numéro où il se moquait de l’ex-animatrice. Ce dernier, qui est présentement en tournage en France, a refusé de nous accorder une entrevue à ce sujet.

Si Phil Roy préfère ne pas faire de blague sur ces questions – «Je ne crois pas être la meilleure personne pour parler de ça», dit-il – il soutient en avoir entendu quelques-unes récemment dans des soirées d’humour. «Je ne serais pas surpris que même dans des numéros de gala de cette année, il y en ait», ajoute-t-il.

Encore là, ce n’est pas déplacé ou trop tôt pour en parler à son avis, tant que c’est fait intelligemment.

«Il y aura toujours des gens qui vont trouver ça trop malaisant, qui vont préférer ne pas en parler. Ces gens-là ne sont pas nos amis!» -Preach

Eddy King préfère néanmoins lui aussi ne pas aborder l’affaire Julien Lacroix sur scène, et ce pour des raisons de proximité. «C’est plus difficile, admet-il. Quand il y a eu l’affaire Gilbert Rozon, j’avais réussi à prendre du recul et à en parler parce que j’étais directement impacté par les conséquences de cet événement.»

La règle d’or de l’humoriste est de ne pas dire en public ce qu’il ne dirait pas en privé. «Ce serait tellement facile pour moi de taper sur Julien en public aujourd’hui. Mais c’est quelqu’un que je côtoyais, poursuit-il. Tant que je n’aurai pas eu l’occasion d’avoir une discussion avec lui, de lui dire : “Hé frérot, what happened? Comment t’en es arrivé là?”, pour moi ça ne sert à rien d’en parler en public.»

Des référents forts

L’actualité est une mine d’or pour les humoristes, étant donné qu’elle rejoint une vaste partie du public, ce qui est communément appelé un «référent» dans le milieu de l’humour. «L’actualité, c’est ce qu’on a en commun, soulève Preach. On a tous entendu parler de Black Lives Matter, du féminisme et des dénonciations.»

«C’est pas pour rien que, dans les clichés d’humoristes, on entend souvent : “Hey, on est tous pareils tout le monde!” ou “C’est tu juste moi ou…”, ajoute Phil Roy. Quand on rit, on rit de quelque chose qu’on connait. Si quelqu’un décidait de faire un numéro sur le tribunal public qu’a été Facebook cet été, on trouverait ça drôle parce qu’on en a tous été témoins. Est-ce que c’est une bonne ou une mauvaise chose? C’est à l’humoriste de donner son point de vue.»

Phil Roy se questionne beaucoup sur la façon de traiter ces enjeux délicats. «Est-ce que j’ai envie de parler de la vague de dénonciation? Est-ce que je suis la meilleure personne pour parler de Black Lives Matter? Comment est-ce que j’ai envie d’en parler?» demande-t-il en réfléchissant à voix haute.

À quelques jours de sa soirée carte blanche, ces questionnements trottaient toujours dans son esprit.


Est-ce qu’on peut en parler?
Animé par Eddy King
Ce mercredi à 20 h sur l’espace Yoop

La soirée carte blanche de Phil Roy et Pier-Luc Funk
Ce vendredi à 18h et 21 h sur l’espace Yoop

Étudiants libres
Une websérie de Richardson Zéphir avec Preach, Tracy Marcelin et Lyndz Dantiste
Les 9 et 10 octobre en ligne (Gratuit)

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