Musique: 20 ans que ce «Tourist» fait le tour du monde
Son dentiste a entendu sa musique en Thaïlande: St Germain, figure discrète de l’électro, s’étonne toujours du succès planétaire de Tourist, album qui reparaît remixé pour ses 20 ans ce vendredi.
Quand on parle French Touch, les noms de Daft Punk ou Stardust reviennent souvent, en dépit des 4 millions de copies vendues de cet opus sorti le 18 avril 2000 (donc toujours dans sa vingtième année).
Une position en retrait qui sied à Ludovic Navarre, quinquagénaire derrière l’alias St Germain, qui a toujours fui la lumière. En témoigne sa première rencontre avec son tourneur, initiée par son manager, qu’il conte à l’AFP. «“Et donc tu veux faire du live?” et je lui réponds “ah non, pas du tout!”, il a dû se dire “je suis devant un mec assez hallucinant là…”».
Finalement convaincu pour «deux-trois shows, pour essayer», St Germain tournera près de deux ans. «Je n’ai pas souffert, mais c’est juste qu’à l’idée de se montrer devant des gens, c’était panique!, je me mettais toujours dans le fond de la scène, dans le noir si possible, de dos sur les photos…».
Alors qu’on l’imagine ermite dans son propre studio d’enregistrement dernier cri, il coupe: «vous seriez déçu, c’est dans ma chambre, une pièce normale, où j’arrive à me repérer, avec les mêmes enceintes et le même ampli qu’il y a 35 ans».
«Sans cet accident…»
Le casanier à catogan garde cependant de très bons souvenirs de concerts lointains, notamment le sens «de la fête» en Australie. Il n’y a qu’en Afrique et en Amérique du Sud qu’il n’a pas mis les pieds ni ses consoles.
Le tour du monde, il l’aurait peut-être fait à la voile, première passion inoculée sur les plans nautiques de région parisienne et prolongée aux Glénans, grand centre de voile breton. Mais un accident de mobylette à l’adolescence bouleverse tout.
«Quand j’ai été immobilisé à cause de ça, je me suis mis à l’informatique par curiosité, puis j’ai commencé à brancher un synthé, etc; sans cet accident je ne pense pas que je serais devenu musicien, plutôt professionnel dans la voile».
C’est finalement Tourist, cette house teintée de jazz et de blues, qui traverse les océans. «Je ne m’attendais pas du tout à ça, et je n’ai d’ailleurs toujours pas compris. Peut-être qu’on était à une période lassée d’une techno trop dure, prête pour le mélange musical».
«Blue Note, c’est possible?»
Le brassage des horizons a toujours été présent chez lui: «jouer plus cubain sur du reggae ou plus blues sur de la salsa, par exemple». L’inspirateur s’appelle sans doute Bob Marley, «la première musique que j’ai aimée, c’est le reggae, le dub jamaïcain; ça m’a aidé pour le mix, à entendre tout l’ensemble dans un morceau, même les choses bien cachées au fond».
Il est d’abord membre de l’équipage FCom, label électro pionnier fondé par Laurent Garnier et Eric Morand. «On s’est bien marré, c’était les premières années, insouciantes, on ne pensait même pas à vendre».
Puis St Germain sort Tourist sur le mythique label de jazz Blue Note. «C’est le PDG d’EMI, qui m’avait signé, qui m’a demandé quel label je voulais. “Blue Note, c’est possible?”. C’est la perle. Comme quoi, il suffit parfois de demander».
Pour les 20 ans de Tourist (chez Warner/Parlophone), St Germain a convié de vieux complices comme DJ Deep pour des versions remixées; arrosées par exemple de Maloya, son de La Réunion (où vit le DJ Terry Laird) ou de pulsations sud-africaines (avec le duo Black Motion).
Une relecture de son œuvre motrice pour la suite. «J’aimerais bien repartir sur un album dans la continuité de Tourist, mais j’ai un souci à la jambe — encore une suite de mon accident — qui est revenu, même si je ne désespère pas pour cette année».