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«Deux» de Filippo Meneghetti: la mémoire du corps

«Deux» met en vedette les actrices Barbara Sukowa et Martine Chevallier. Photo: Collaboration spéciale

Sélection de la France pour la prochaine cérémonie des Oscars, Deux de Filippo Meneghetti est un film sur le regard des autres. Celui qui peut être salvateur et destructeur à la fois.

Écrit sur une période de cinq ans, ce premier long métrage s’avère un hommage aux gens qui ont été importants dans la vie du cinéaste et de sa coscénariste Malysone Bovorasmy. Mais également un hommage au passage du temps, au vieillissement inéluctable des corps qui rappelle, selon le réalisateur, «qu’on a une responsabilité quand on fait des images de représenter de façon honnête les choses».

Portant sur la romance clandestine de deux septuagénaires (magnifiques Barbara Sukowa et Martine Chevallier, récompensées aux Prix Lumière) qui est mise à mal par un AVC, l’œuvre baigne dans l’ambiguïté et les zones d’ombres. Les plans de miroirs sont d’ailleurs nombreux, renforçant l’idée de symétrie qui apparaît au coeur du récit et qui oblige les deux héroïnes à s’échanger de rôle en rompant avec l’imposture et l’autocensure.

«Ce mouvement d’inversion m’intéressait beaucoup parce que c’est une contradiction, avoue le metteur en scène, rencontré l’année dernière à Paris dans le cadre des Rendez-vous d’Unifrance. Quand il y a des choses importantes dans la vie, la contradiction est toujours là.»

Contradictions

Des contradictions, Deux n’en manquent pas. Comme filmer en cinémascope dans un lieu confiné afin d’offrir l’espace nécessaire à cette histoire de prendre forme. Ou de faire basculer le drame sentimental vers le suspense.

«C’est un film qui aurait pu être un mélodrame assez classique, admet le cinéaste d’origine italienne. Mais l’idée était de le tourner comme un thriller, avec retenue, en évitant le pathos. Les codes du genre servent à créer de la tension pour faire vivre le film. On utilise le thriller un peu à contrario de ce qu’on fait d’habitude pour créer de l’émotion qui vient de l’amour. C’est l’idée d’amener le spectateur ailleurs.»

«C’est très important pour moi de ne pas avoir un spectateur passif. Je veux qu’il prenne sa place et qu’il construise sa propre ambiguïté vis-à-vis des émotions que le film peut lui provoquer. Chaque spectateur a une machine imaginaire qui est encore plus puissante que la mienne et j’espère la déclencher.» -Filippo Meneghetti, réalisateur de Deux.

Le sentiment amoureux n’est cependant pas en reste. Alors que tout est fait pour séparer les deux personnages principaux, le corps et non la parole finit par les réunir. C’est lui qui se souvient de tout, rétablissant l’équilibre naturel des choses.

«J’ai essayé de filmer l’amour le moins fleur bleue possible, lance en riant Filippo Meneghetti. C’est un sentiment très complexe et il peut y avoir des choses qui ne sont pas forcément très jolies, notamment l’obsession et le mensonge… J’espère avoir rendu 3% de la complexité de ce que c’est l’amour dans la vraie vie. Malgré toutes ses nuances et ses contradictions, l’amour reste un des éléments qui nous font avancer dans la vie, par présence ou par manque.»


Deux

En vidéo sur demande dès le 5 février 2021

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