Akhenaton, mots toujours aiguisés contre les maux dans son livre
Disparition de sa mère, repli sur soi endémique, fragilisation du système de santé: Akhenaton, leader d’IAM, sort un livre et un vinyle pour conjurer douleurs intimes et dérives d’une société en crise.
La faim de leur monde englobe donc un livre de 80 pages, aux allures de recueil de poésie/pamphlet (qui sort ce jeudi aux éditions L’Iconopop) et un vinyle avec deux morceaux fleuves de 19 minutes (version française par Akhenaton et en anglais par Napoleon Da Legend, un rappeur dans sa galaxie).
Le titre évoque «l’appétit démesuré de certains et d’un système qui nous amène à la catastrophe», comme l’expose à l’AFP Akhenaton. C’est aussi une suite donnée à un de ses morceaux-coup de poing, en solo, de 2006, La fin de leur monde.
Le vinyle est un support attendu, puisque qu’«IAM a fait partie du mouvement du retour de l’objet» comme le dit le leader de ce groupe emblématique.
Le livre pourrait surprendre. «J’étais très heureux quand nos textes ont été exposés à l’Institut du monde arabe, de voir Je danse le Mia écrit sur ce cahier de compta», se rappelle-t-il. Et de décrire son «attachement profond à l’écriture, au papier, au livre: même quand je n’avais pas beaucoup d’argent, il y avait toujours une place pour les livres dans mon budget».
«L’impasse»
Akhenaton était parti sur l’idée «de poésie, d’une réflexion sur la vie, dans un format très japonisant, comme des petits haïkus». Mais le décès de sa mère, à l’automne 2020, a donné une autre tonalité. «Il y a un peu la main de ma mère sur l’écriture, un héritage des discussions que j’avais avec elle».
L’«amour des gens» de sa génitrice, «militante, syndicaliste, avec une barre de tolérance plus élevée que la mienne» contre-balance les penchants de l’artiste à la misanthropie: «quand je suis en colère contre les hommes, j’en viendrais à souhaiter une collision avec un astéroïde (rires)».
Son texte, imprimé et mis en musique, dépeint en plan large «l’impasse dans laquelle on a orienté le monde», en ignorant trop longtemps une «approche écologique», ou se focalise encore sur ceux qui «pensent je» au lieu de «penser nous».
La crise sanitaire est là par endroits, même si Akhenaton (52 ans) prend toujours de la hauteur, comme en interview, en dénonçant «l’équarrissage de l’hôpital public par des cost-killers». Des coupeurs de budget qu’il a vu arriver aussi dans l’industrie musicale il y a plusieurs années. «Ces enfants du commerce qui disent aux directeurs artistiques, non, mais arrête le développement (de jeunes talents), mise tout sur cet artiste (établi)».
«Rap d’opposition»
«La culture est toujours en pointe de la société, pour les bonnes choses comme les mauvaises». IAM s’est d’ailleurs porté volontaire pour un concert-test (sans cesse reporté) à Marseille pour aider le monde de la musique face à la crise sanitaire. «Avec des masques, des jauges adaptées, un concert n’est pas plus contaminant que le métro, le train, l’avion; on est montés en TGV sur Paris, c’était un live de gens très stressés (rires)».
La punchline n’est jamais très loin. Comme quand il parle des mini-albums — un autre projet — où il compose pour le MC Napoleon Da Legend, The Whole In My Heart (label La Cosca). Sur un titre, les deux hommes sont rejoints par la rappeuse Nefertiti: «Akhenaton, Napoleon, Nefertiti, c’est vrai qu’on se croirait sur la chaîne Histoire (rires)».
Mais cette figure du rap conscient ne cède jamais au tacle gratuit. Inutile de l’entraîner sur le terrain des comparaisons entre son hip-hop et celui, plus léger, qui truste les charts.
«Du moment où il y a un rap large, qui a du succès, une partie va vers la pop. Ca ne m’empêche pas de dormir et je n’ai pas envie d’être le tribunal d’inquisition du rap. Avec IAM, on est nés avec un rap d’opposition, les gamins aujourd’hui sont nés avec un rap pour tous».