Oscars 2021: Qui remportera le combat des films?
Ça prendra bien plus qu’une pandémie mondiale pour rompre avec la tradition. Comme chaque année, l’équipe de Métro vous présente son fameux Combat des films des Oscars, dans lequel nos journalistes vous disent pourquoi chacun des huit longs métrages nommés dans la catégorie du Meilleur film devrait remporter les grands honneurs. Est-ce rigoureux? Bien sûr! Est-ce fait avec passion? Certainement! N’y a-t-il pas un peu de mauvaise foi dans tout ça? Évidemment! En attendant le verdict de l’Académie dimanche soir, place au combat.
Nomadland
Après avoir raflé le Lion d’Or à la Mostra de Venise, le prix du public au TIFF et les plus prestigieuses récompenses aux Golden Globes, c’est une ÉVIDENCE que Nomadland remportera les grands honneurs lors de ces 93e Oscars. Honneurs mérités, il va sans dire, car la réalisatrice Chloé Zhao nous offre un des plus beaux films de l’année. Tout au long de ce périple visuel débordant d’humanité, on accompagne Fern, une sexagénaire qui repart à zéro après la mort de son mari et la fermeture de l’usine qui employait toute sa petite ville. Toute sa vie se retrouve désormais entre les murs de sa camionnette, devenue sa maison. De job en job, de ville en ville, la nouvelle nomade nous fait découvrir une facette méconnue de la société américaine. Si on s’attache autant à cette femme extraordinaire, c’est grâce au jeu impeccable de Frances McDormand, qui livre une performance plus grande que nature. On vous met au défi de ne pas pleurer – et qui dit larmes, dit Oscars! Marie-Lise Rousseau
Promising Young Woman
Cette année, on aura bien compris que l’Académie voulait se donner bonne conscience avec pas mal de diversité. Alors pour une fois, ça serait plutôt chouette qu’un long métrage réalisé par une femme se voie remettre l’Oscar du Meilleur film… Désolée les gars, mais ne comptez pas sur moi pour dire que Promising Young Woman est bien au-dessus de Nomadland et commencer la guerre ouverte que tout le monde attend. Les combats au féminin, il paraît que ça fait grimper les audiences… Mais l’ultime choix reviendra aux votants, bien sûr, qui sauront reconnaître dans ce coup de maître d’Emerald Fennell – sidérant, électrisant, surprenant, excessif, virevoltant, cynique, tragique, jouissif et j’en passe – un puissant message sur la condition des femmes dans une société encore bien trop misogyne et oppressante. Énorme mention spéciale pour la performance de Carey Mulligan en vengeresse maquillée sur une reprise au violon de Toxic de Britney Spears. Que la meilleure gagne! Amélie Revert
Mank
Inutile d’en faire tout un débat, on sait déjà comment la soirée va finir : c’est Mank qui remportera les grands honneurs ce dimanche. Pourquoi est-ce aussi certain, vous demandez? Parce que s’il y a une chose qu’Hollywood aime plus que tout, ce sont les films qui parlent d’Hollywood (ou du moins qui font référence au monde du cinéma). Suffit de regarder la liste des récents gagnants du Meilleur film pour y retrouver un motif clair : The Artist en 2012, Argo en 2013, Birdman en 2015, La La Land en 2017 (oups, pas cette fois… pardon à Moonlight), et même The Shape Of Water – qui raconte une histoire d’amour avec un homme-poisson! – a réussi tout de même à «ploguer» un angle cinéma pour s’assurer la victoire, il y a trois ans. Alors quelles sont les chances d’un film sur l’écriture du scénario de Citizen Kane, presque universellement reconnu comme le meilleur long-métrage de tous les temps? On se le demande bien… Marc Gebrayel
Judas and the Black Messiah
Pourquoi récompenser l’histoire d’une personne qui se balade en camionnette quand on peut envoyer un message percutant contre le racisme en couronnant ce puissant film signé Shaka King? Judas and the Black Messiah résonne d’autant plus avec l’ampleur inégalée que connait le mouvement #BlackLivesMatter depuis un an. Ce film raconte l’histoire vraie et choquante de Bill O’Neal, qui, à la fin des années 1960, a infiltré bien malgré lui les Black Panthers jusqu’à développer un lien fort avec Fred Hampton, un des leaders du mouvement. Pour le jeune criminel, trahir sa communauté et ses principes en aidant le FBI à mener des actions plus que douteuses contre l’organisation était la seule issue pour éviter la prison. Abonné aux rôles d’hommes tourmentés, Lakeith Stanfield (Get Out, Sorry to Bother You) offre une des plus grandes performances de sa carrière, tout comme Daniel Kaluuya (Get Out, Black Panther), déjà récompensé à quatre reprises pour sa personnification de Hampton. Qui dit mieux? Marie-Lise Rousseau
Minari
C’est l’histoire d’une famille de Sud-Coréens qui veut vivre le rêve américain, son rêve américain. Avec son dernier film, Lee Isaac Chung nous donne à voir les milieux immigrants et ouvriers, qui ne sont que trop rarement projetés sur grand écran, avec une telle poésie et de grandes émotions. L’Académie ne pourra être que touchée en plein cœur par tant d’humanité, de persévérance, de résilience et, surtout, de justesse. Il y a aussi les performances des acteurs, toutes remarquables. La grand-mère, d’abord, jouée par Youn Yuh-jung avec l’espièglerie la plus admirable, qui concourt brillamment pour l’Oscar de la Meilleure actrice dans un second rôle. Et puis, que dire que la révélation cinéma 2021 – et certainement la plus craquante de tous les temps – le jeune Alan Kim? Il permettra assurément à Minari de remporter tous les suffrages! Amélie Revert
Sound Of Metal
Si le cinéma est une machine à créer de l’empathie, rarement un film ne l’aura fait aussi efficacement que Sound Of Metal, qui nous met dans la peau (et les oreilles) de Ruben, un musicien qui perd son sens de l’ouïe, et avec ça son sens de lui-même et le sens de sa vie entière. Avec sa conception sonore exceptionnelle, le film de Darius Marder nous fait ressentir profondément – et surtout entendre – les effets de la nouvelle réalité du protagoniste interprété par Riz Ahmed – qui, s’il y a un peu de justice dans ce monde, gagnera l’Oscar du Meilleur acteur pour sa performance géniale. L’Académie fera bien de récompenser une œuvre audacieuse, originale et importante, qui aborde un sujet souvent ignoré par Hollywood. Oui, Sound Of Metal est une pilule un peu difficile à avaler, mais elle est plus que nécessaire; et elle gagnerait énormément à se faire connaître auprès des millions de téléspectateurs de la cérémonie avec un triomphe surprise. Marc Gebrayel
The Father
Personne ne peut rester de marbre face à ce film, pas même les insensibles au cœur de pierre, puisque le thème de la santé mentale de nos aînés y est mis en lumière. La mémoire du personnage joué par Anthony Hopkins flanche et divague. L’édifice se décrépit pierre après pierre, neurone après neurone. Le temps n’arrange pas les choses, mais plutôt les aggrave. Les monuments qui tombent en ruine sont trop souvent laissés à l’abandon; c’est le lot trop commun de nos aînés auquel chacun de nous peut être confronté que dépeint ce film de Florian Zeller. Aux BAFTA, il a remporté le prix du Meilleur scénario adapté et du Meilleur acteur pour Anthony Hopkins. Quand on connaît le flegme britannique, réussir à soutirer quelques émotions à nos cousins anglais est une belle réussite! S’ils ont manqué l’occasion de couronner The Father Meilleur film, soyez sûr que les Oscars sauront réparer cette erreur. Parce qu’Anthony Hopkins! Pascal Gaxet
The Trial of the Chicago 7
Je vous vois venir : un film sur un procès, ça doit être d’un ennui! Détrompez-vous! Pour son second essai à la réalisation, Aaron Sorkin a su distiller son art de la verve dans un film judiciaire qui n’a pas à rougir face aux autres prétendants. On y retrouve «8 hommes en colère» : les Chicago Seven et le Black Panther Bobby Seale, poursuivis par l’administration Nixon pour conspiration et incitation à la révolte, après les émeutes de la convention démocrate de 1968. Ce procès politique détonne avec sa distribution de haute voltige (Yahya Abdul-Mateen II, Joseph Gordon-Levitt, Eddie Redmayne…). Sacha Baron Cohen, nommé dans la catégorie du Meilleur second rôle, se démarque tout particulièrement pour son interprétation tragi-comique d’Abbie Hoffman. Malgré son ancrage dans les années 1960, ce film résonne cruellement avec notre époque et l’actualité, entre violences policières et justice sociale. Je plaide pour un Oscar! Martin Nolibé