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Spécial 20 ans: des clubs vidéo à Netflix, de MusiquePlus à YouTube

Photo: Istock

Il y a 20 ans, on achetait le CD de Gabrielle Destroismaisons au HMV et on louait Les Boys III au club vidéo. Le reste du temps, on demeurait scotché devant MusiquePlus à attendre que passe notre clip préféré. Aujourd’hui, on ne pourrait plus se passer des plateformes comme Netflix, YouTube et Spotify. Mais est-ce que ces changements dans nos habitudes culturelles sont pour le mieux?

L’apparition des plateformes en ligne a permis une véritable révolution dans l’industrie culturelle. «Pourquoi attendre quatre heures pour voir ton clip préféré de Madonna ou Metallica alors qu’en l’instant d’un clic, tu peux admirer tous les clips du monde entier au moment où tu en as envie?» souligne l’ex-VJ à MusiquePlus, Geneviève Borne.

Selon l’animatrice et chroniqueuse, ces changements dans nos façons de consommer les productions culturelles ont l’avantage de donner un plus grand contrôle au public.

«Le consommateur peut décider à quel moment il regarde quoi, sur l’appareil de son choix, que ce soit son téléphone dans l’autobus ou son ordinateur dans son lit», illustre-t-elle.

Bien sûr, ces changements ne se sont pas faits sans heurts. «Il y a du bon et du moins bon dans tout, estime l’animatrice. On a eu à faire plusieurs petits deuils, mais en fait, on s’adapte très rapidement.»

Infinite Content et ETEWAF

En payant des abonnements mensuels, on a désormais accès du bout des doigts à une immense quantité de contenu. «Infinite Content chantait Arcade Fire! C’est vraiment la chanson qui décrit bien ce phénomène», mentionne Geneviève Borne.

Cet accès illimité à la culture a été décrit par l’humoriste américain Patton Oswalt par l’acronyme ETEWAF: Everything That Ever Was, Available Forever. Selon le doctorant en sémiologie, chargé de cours à l’UQAM et chroniqueur culturel Jean-Michel Berthiaume, il y a dans ce ETEWAF un cadeau empoisonné.

«C’est un immense bienfait d’avoir accès à ces vastes catalogues, sauf que personne ne fait de curation», se désole-t-il. Résultat: on perd un nombre incalculable de temps à errer parmi l’immense offre des plateformes en ligne souvent sans savoir quoi choisir.

Souvent on passe 45 minutes à chercher quoi regarder et on finit par sélectionner un vieil épisode de Seinfeld parce qu’on doit se coucher dans une demi-heure. C’est un mal moderne.

Jean-Michel Berthiaume

Une autre conséquence de l’arrivée des plateformes observée par l’expert en culture est l’apparition de phénomènes culturels pour lesquels le succès populaire prime sur la qualité de l’œuvre.

Il cite en exemple la popularité impressionnante de la série Squid Game sur Netflix. «Personne n’a individuellement encensé Squid Game, c’est plutôt devenu un phénomène de masse. On se dit: tout le monde le regarde, donc je devrais le faire aussi.»

Remplacer Claude Rajotte par un algorithme

Sur Netflix et Spotify, des algorithmes détectent nos goûts et nous recommandent des contenus. Si on y a forcément perdu un précieux contact humain, cette intelligence artificielle permet tout de même de faire d’intéressantes découvertes.

«Il y a des algorithmes qui marchent plutôt bien! s’étonne Geneviève Borne. Quand je suis sur des plateformes, on me recommande des choses qui sont vraiment dans mes goûts. J’ai découvert beaucoup, beaucoup de musique ainsi.»

L’animatrice ne se passerait néanmoins pas de sa relation avec les journalistes culturels, qui sont pour elles des personnes de confiance pour nous guider dans la consommation de certaines œuvres.

Je navigue maintenant dans un océan infini de contenus sans Claude Rajotte pour me guider, mais plutôt des algorithmes bien zélés qui devinent mes goûts!

Geneviève Borne

Selon Jean-Michel Berthiaume, les algorithmes ne pourront jamais remplacer les recommandations personnalisées d’un spécialiste. Il en sait quelque chose, lui qui a été commis plusieurs années au Vidéo Millénium, jadis situé sur la rue Beaubien.

«Les algorithmes font en sorte qu’on écoute chacun nos trucs en silo. Ça élimine un des aspects importants de la culture, qui est le contact social», avance-t-il.

D’autant plus qu’ils ne sont pas toujours précis. «Un algorithme peut te suggérer The Firm parce que tu as aimé Legally Blonde. Ce sont deux films judiciaires, mais on n’est pas du tout à la même place.»

Vers un retour des clubs vidéo?

Sans nostalgie, il prédit régulièrement le retour des clubs vidéo. «J’y crois encore!» dit-il en riant. Selon lui, ces commerces de quartier étaient des lieux privilégiés pour établir des relations avec ses concitoyens.

«En étant là pour suggérer de la culture, on finissait par très bien connaître certaines personnes», dit-il en mentionnant ce client amateur de films de course automobile récemment décédé. «Je l’aimais de tout cœur.»

Il espère donc toujours voir renaître ces «carrefours de quartier» sous une nouvelle forme. Après tout, ce contact privilégié existe encore du côté des libraires et des disquaires qui vendent des vinyles.

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