Soutenez

L’envers du côté givré de Catherine Éthier

Catherine Éthier publie son livre Une femme extraordinaire
Catherine Éthier Photo: Josie Desmarais/Métro

Avec Une femme extraordinaire, l’humoriste et chroniqueuse Catherine Éthier signe un premier roman dur, drôle et criant de vérité sur le mal de vivre.

Le fidèle lectorat de Métro se délecte de la plume unique et imagée de Catherine Éthier, qui y collabore à titre de chroniqueuse depuis 2015.

C’est justement en 2015 que celle qu’on peut entendre régulièrement à ICI Première a signé son contrat d’édition pour ce roman qui paraît… en 2022!

«Je l’ai délicatement repoussé pendant près de six ans!» résume en éclatant de rire celle qui, durant cette période, a vu sa carrière publique décoller, notamment grâce à sa participation aux émissions Code F et Bonsoir bonsoir!

Au début de la pandémie, elle a reçu un appel: «Ton éditrice a eu le temps d’avoir eu deux enfants depuis que tu as signé ton contrat, penses-tu que tu serais prête maintenant?» relate-t-elle, précisant qu’on a été très compréhensif à son égard.

C’était le moment ou jamais de plonger dans l’écriture. L’attente en aura valu la peine, car ce qu’a vécu Catherine Éthier ces dernières années a été son moteur de création.

Derrière la félicité

L’adage dit qu’il ne faut pas juger un livre par sa couverture. On peut faire une exception à la règle ici, puisque la formidable illustration réalisée par Char Bataille ne pourrait être plus représentative du récit d’Une femme extraordinaire.

Le titre du roman réfère d’ailleurs à cette expression souvent employée pour décrire Catherine Éthier ainsi que sa protagoniste, Corinne Gazaille, son alter ego autofictionnel.

«À son contact, on s’esclaffait ou, pour sûr, était sur-le-point-de. On la consommait comme un vin nature, un nectar divin, une burrata dont on exposerait le portrait au Louvre (ou dans le chalet d’été d’Élise Guilbault). Mais qu’elle avait de l’esprit, cette fille! Qu’elle était spéciale», écrit Catherine Éthier.

Mais derrière sa félicité, son brin de folie et sa personnalité rafraîchissante, Corinne cache une grande souffrance.

Une souffrance qu’on ne se permet pas de nommer publiquement, déplore l’autrice, qui a été inspirée par le désormais célèbre passage d’Hubert Lenoir à Tout le monde en parle en 2018, où il avait confié avoir parfois envie de se «crisser en feu».

Un passage du roman fait d’ailleurs allusion à cet événement qui avait suscité de vives réactions à l’époque. «C’est la bougie d’allumage qui m’a vraiment donné envie d’écrire sur la mort et les idées suicidaires», dit-elle sans détour.

Appeler un chat un chat

Catherine Éthier refuse d’édulcorer son propos et tient à appeler un chat un chat. «On n’appelle jamais ça des idées suicidaires, on dit “idées noires”, sinon c’est très épeurant! Ça fait plus joli! Il ne faut pas en parler, ça va bien aller, non ça va mieux!» ironise-t-elle.

Avec Une femme extraordinaire, elle a voulu parler de son propre mal de vivre, mais aussi de celui, généralisé, dont elle est témoin. «Les rares fois où quelqu’un met les mots justes sur la souffrance, on la balaie tout de suite parce qu’on n’est pas prêt à l’entendre. On vit dans une ère où on parle de santé mentale, on cause pour la cause, mais on ne veut pas vraiment en parler», déplore-t-elle.

Sans révéler la tournure du récit, on peut toutefois mentionner que la mort plane sur l’ensemble du roman de Catherine Éthier, qui s’ouvre avec les funérailles du grand-père de sa protagoniste. Corinne Gazaille n’a d’ailleurs qu’un objectif au fil des pages: ne pas mourir. Une tâche difficile quand «survivre à la prochaine minute» semble insurmontable.

En entrevue, l’autrice admet s’être inquiétée de ce que son écriture sans filtre soit perçue comme une célébration de la mort. Or, ce n’est pas du tout le cas. «J’avais envie de m’autoriser et d’autoriser les gens à mettre des mots précis là-dessus. Évidemment, le suicide n’est pas une bonne idée, ce n’est pas une bonne chose.»

C’est dommage d’aller mal, mais c’est correct. Surtout, tu n’es pas tout seul à avoir des idées qui te bouleversent et que tu ne sais pas par quel bout prendre.

Catherine Éthier

Si les lecteurs et lectrices d’Une femme extraordinaire devaient retenir une seule chose, selon elle, c’est qu’ils et elles ne sont pas seul.e.s. «Plein de gens sont atteints de ces pensées et ne se sentent pas le droit de les formuler. Il existe de l’aide et des spécialistes, mais il ne faut pas simplement éluder la question en disant qu’on va s’acheter un cornet et que ça va aller mieux. Je veux crever cet abcès.»

Funnée funnée malgré tout

Malgré le sérieux de son propos, on rit à haute voix à plusieurs reprises lors de la lecture de ce roman. C’est que Catherine Éthier, qui est aussi humoriste, a le don de décrire des situations abracadabrantes – comme un séjour improbable sur un bateau de croisière de luxe en Asie ou un rendez-vous avec une «conseillère en insolvabilité, créatrice de liberté» – de façon totalement dérisoire.

Un exemple: «Mon visage était à la sérénité́ et au repos ce que le faciès de Mad Dog Vachon était au beauty sleep après un combat de sept heures avec trois tigres et une poche de vesses-de-loup.»

L’autrice n’a pas cherché à alléger son propos. Ainsi, c’est tout simplement sa façon «funnée funnée Disney World» de voir la vie qui a guidé son écriture, dit-elle.

«J’ai une personnalité qui a besoin de faire rire les gens. Tout a tellement pas d’allure. Pour moi, la seule façon d’envisager les choses est par le rire et la satire.»

Pas si glamour, la célébrité

Tout comme sa protagoniste, Catherine Éthier admet avoir dû s’adapter à la reconnaissance qui vient avec une carrière vécue dans l’œil du public.

«Des fois, on me dit: “Ah mon Dieu, merci d’exister, vous êtes extraordinaire!” alors que ça fait trois jours que je suis sur mon sofa et que je n’ai pas pris ma douche», illustre-t-elle pour rappeler le décalage qui existe entre les apparences et la vraie vie.

Toujours dans un souci de vérité, elle n’hésite pas à égratigner le milieu dans lequel elle évolue, où on louange aveuglément les stars et où on fuit la profondeur comme la peste. Elle décrit d’ailleurs Corinne Gazaille comme une «C» dans l’échelle du vedettariat.

«C’est comme si on était de la viande, c’est malsain, dit-elle. Quelqu’un peut avoir beaucoup de talent, mais si ce n’est pas une personnalité “A”, on ne l’engage pas.»


Besoin d’aide? Appelez gratuitement la Ligne québécoise de prévention du suicide au 1-866-APPELLE, offerte 24h/24.

Une femme extraordinaire

En librairie le 6 avril aux éditions Stanké

Une infolettre l’fun? Abonnez-vous à celle du Week-end pour voir!

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.