«C’est épouvantable, la violence que je vis», dit Geneviève Morin à TLMEP
L’ex-conjointe de Julien Lacroix, montré du doigt pour agressions sexuelles, a offert dimanche passé, à Tout le monde en parle, un plaidoyer contre les violences en ligne dans le cadre du mouvement de dénonciation d’inconduites sexuelles, lequel semble, selon elle, prendre une tangente plus radicale.
Geneviève Morin était présente sur le plateau de Guy A. Lepage pour réagir à l’enquête Des cicatrices et des regrets des journalistes Isabelle Hachey, de La Presse, et Marie-Ève Tremblay, du 98,5 FM, qui a fait couler beaucoup d’encre. Les journalistes étaient d’ailleurs à ses côtés, tout comme Jenny Charest, directrice du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC).
Dans l’enquête commune, publiée la semaine passée, Mme Morin, qui a été en couple six ans avec Julien Lacroix, disait regretter d’avoir été considérée comme la victime principale au sein des neuf femmes qui ont accusé l’humoriste d’inconduites sexuelles en 2020 et être sortie plus fragilisée de cette période houleuse, se sentant dépossédée de sa propre histoire.
Le violent tribunal populaire
Mme Morin a expliqué en entrevue qu’elle avait l’impression, en 2020, de participer à un mouvement pour arrêter les violences. «Il y avait une urgence de parler contre les violences, a-t-elle souligné. C’était de me tenir droite pour moi-même. J’avais l’impression de parler avec la force du nombre, pas que pour ma propre histoire.»
Invitée à réagir à une publication en ligne du chroniqueur Hugo Dumas, de La Presse, retirée depuis, disant que la carrière de Julien Lacroix avait été emportée par «du militantisme, de la vengeance et une immense pression populaire», ce n’est pas ce qu’on doit retenir, estime Geneviève Morin, qui retient plutôt avoir parlé dans un mouvement contre les violences et s’être tenue droite.
«On voit la pointe de l’iceberg de la violence en ligne», a-t-elle affirmé, disant être enchaînée à son histoire avec son ex-conjoint lorsqu’elle tape son propre nom dans un moteur de recherche. Avec le recul, en constatant toute la violence qui est générée par les débordements d’un mouvement dénonçant les violences, «je ne suis pas fière que ce soit le résultat», a-t-elle déploré. «C’est un mouvement, donc ça bouge; là, il bouge peut-être dans une autre direction, qui est confrontante et dure à entendre, mais il y a eu des réactions exagérées. C’est épouvantable, la violence que je vis, que Julien a vécue, que tous ceux et celles qui ont dénoncé ou ont été dénoncés vivent. Ça prend des dimensions qui dépassent l’histoire personnelle qui s’est passée.»
Elle rappelle en outre les bienfaits d’avoir rencontré Julien Lacroix pour parler de ce qui s’est passé. «Je l’ai regardé dans les yeux et j’ai entendu les mots qui m’ont fait du bien: “je m’excuse”, “je comprends” et “j’ai jamais voulu”. Ça m’a permis de ne plus voir ça comme un agresseur et une personne agressée; j’ai vu une humaine et quelqu’un qui a fait des erreurs.»
Se tourner vers les ressources
Mme Charest du CAVAC a expliqué qu’il était fréquent que des victimes changent de perception au fil du temps. «Ce n’est pas d’avoir dénoncé le problème, c’est le reste. La personne voit qu’il y a plus d’impacts qu’elle aurait voulu au départ.»
Oui, reconnaît-elle, il y aura des risques que moins de femmes dénoncent des violences et parlent à l’avenir dans la foulée de l’enquête de La Presse. «On a peur que le sentiment d’être cru n’existe plus. C’est important de penser à comment dénoncer. L’important, c’est que les personnes se tournent vers les bonnes personnes, les bonnes ressources pour elles.»
Car, outre le système de justice, il existe une foule de ressources pour venir en aide aux personnes, a indiqué Mme Charest. «Même avec un tribunal spécialisé, pour certaines personnes, la meilleure option ne sera pas de porter plainte. Dans les CAVAC, on évalue les besoins des personnes. Avant de dénoncer sur les réseaux sociaux, soyez accompagné, car les gens vivent des conséquences et ils ont besoin de soutien pour faire face à ces conséquences. Il faut aller vers les ressources pour parler.»
Nouveau genre d’enquête
Mme Hachey, chroniqueuse à La Presse, a expliqué avoir découvert au fil de ses entrevues avec des femmes ayant dénoncé des comportements sexuels en 2020 des inconforts liés à tout le processus entourant une dénonciation.
Marie-Ève Tremblay, du 98,5 FM, a indiqué avoir reçu des messages de gens qui jugent l’éclairage de leur enquête important, mais qui n’oseraient pas l’exposer sur la place publique, de peur d’être placés du bord des agresseurs.
Le mouvement de dénonciations #MeToo est très récent, cinq ans, a rappelé Isabelle Hachey, «ç’a lancé un nouveau genre d’enquête. En tant que journalistes, il faut se questionner sur les conséquences, les risques de dérapages que ce genre d’enquête peut engendrer.»