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L’invention de Mick Jagger

Photo: Jessica Norman

Dans la biographie-brique Mick Jagger, Philip Norman montre comment le gentil Michael est devenu la star planétaire à la réputation sulfureuse qu’on connaît aujourd’hui.

Journaliste depuis les années 1960, le Britannique Philip Norman a écrit des biographies sur Elton John et John Lennon (Une vie, parue en 2010), rencontré Rod Stewart et croisé la route de moult rockeurs, dont Brian Jones («Il était à la fois charmeur et complètement immoral!»). Celui qui travaille présentement à la biographie autorisée de Sir Paul McCartney nous parle de Mick Jagger, qui vient de paraître dans sa traduction française aux éditions Robert Laffont. Un captivant ouvrage de 700 pages consacré à la vie du leader des Stones.

Il y a beaucoup d’humour dans cette biographie, bien plus que dans celle que vous avez consacrée à John Lennon. Est-ce le personnage de Jagger qui a influencé ce ton?
Oui. Même si John était très drôle, son histoire est assez tragique. Alors que celle de Mick ne l’est pas du tout! Il n’a pas connu cette enfance remplie d’angoisse qui est habituellement l’apanage des grandes stars. De plus, je dois vous avouer que j’ai toujours trouvé la voix de Mick extrêmement comique! Au départ, il chantait un peu comme un jeune Chuck Berry, mais avec le temps, il s’est mis à torturer et à mutiler ses voyelles. Sa voix vient d’une autre planète : la planète Jagger. Personne ne chante comme ça… et personne ne veut vraiment le faire!

Vous rappelez dans votre livre à quel point les chemins des Stones et des Beatles étaient étroitement liés. Vous soulignez aussi qu’au final, ils étaient tous de très bons copains, surtout Mick et John. Aviez-vous l’impression, en écrivant, que vous déconstruisiez le mythe de l’éternelle rivalité entre les deux groupes?
Oh oui. Surtout qu’en réalité, non seulement ils s’aimaient bien, mais les Beatles, qui étaient vus comme les bons garçons, avaient vécu des choses très glauques lorsqu’ils jouaient dans les clubs de Hambourg. Tandis que les Stones, vus comme les rebelles, n’avaient jamais rien fait de bien méchant au début des années 1960. C’étaient de gentils jeunes hommes de banlieue qui n’étaient menés que par un seul désir : propager le blues! En réalité, chaque groupe avait vécu l’existence qu’on prêtait à l’autre.

Dans la première partie de votre bio, vous utilisez le surnom donné au jeune Jagger, à savoir «Mike». Puis, lorsque vous racontez l’instant où il intègre le cercle d’amis de Keith, qui l’initie à une vie plus débauchée, vous passez à «Mick». La première partie de votre livre donne d’ailleurs l’impression qu’on assiste à la métamorphose du gentil-Mike en Mick-la-star. Aviez-vous cette impression aussi?
Oui. C’était réellement l’invention de Mick Jagger. Pour ce qui est de l’emploi du prénom, disons que les Anglais ont un humour compliqué basé sur les noms! Pour nous, le surnom «Mike» évoque un jeune homme propre sur lui qui conduit des voitures sport et va au pub le dimanche. Alors que «Mick» est réservé aux durs, aux dangereux. Les Mick, en général, sont des types peu recommandables!

L’histoire des Stones en dit long sur l’évolution des sociétés britannique et américaine. En rédigeant votre ouvrage, aviez-vous l’impression de dresser un portrait non seulement artistique, mais aussi historique, social et même judiciaire des dernières décennies?
Je tente de faire en sorte que mes livres parlent toujours de toutes ces choses, oui. Je trouve, en général, que ce qu’on appelle «l’écriture rock» est d’une qualité absolument déplorable. La plupart des gens qui écrivent sur ce sujet ne savent tout simplement pas écrire. Lorsque je parle d’un groupe, moi, je parle aussi des conditions sociales d’une époque donnée.

Vous dites que les années 1960 étaient une période fascinante… surtout pour ceux qui ne s’en souviennent pas. Vous qui vous en souvenez, trouvez-vous qu’elle était réellement la plus captivante de toutes?
Ah! À l’époque, on avait l’impression que la vie bouillonnait! La musique pop était vraiment bonne, la mode vestimentaire intéressante… Aujourd’hui, ce temps apparaît comme une période de liberté magnifique! On n’aurait jamais pu imaginer que, de nos jours, personne ne voudrait payer des jeunes pour travailler. Qu’on leur donnerait des «stages», de «l’expérience d’emploi». À l’époque, les jeunes étaient payés de fortes sommes pour faire ce qu’ils aimaient. Moi le premier!

Dans Mick Jagger, vous insérez des passages du journal intime d’une jeune admiratrice des Stones, Jacqui Graham, datant des années 1960. Était-ce pour donner une voix à cette génération? Pour montrer comment les jeunes femmes d’alors voyaient Mick et ses copains?
Oui. Elle était folle des Stones, mais écrivait à leur sujet avec une objectivité magnifique. Et elle avait un sens de l’observation incroyable! Vous savez, écrire une biographie suppose beaucoup de chance. Et tomber sur ce journal, c’était tout un coup de bol! Grâce à ses confessions, on réalise que Mick et les autres n’agissaient pas comme des prédateurs sexuels, mais se montraient gentils avec leurs admiratrices.

Vous qualifiez l’association entre Keith et Mick de la «seconde plus importante association de l’histoire du rock». Dans l’éternel débat Stones contre Beatles, vous prenez donc pour les seconds?
Je crois que oui. Lennon et McCartney étaient les plus grands. Reste que Keith et Mick ont écrit de très bonnes pièces, et que Mick a écrit au moins un morceau qui était aussi bon que A Day in the Life : Sympathy for the Devil. Une chanson épique.

Comment avez-vous célébré les 70 ans de Jagger?
Je n’ai pas célébré. Pas du tout. Pas plus que je n’ai assisté à un concert de leur tournée 50e anniversaire. J’ai eu ma dose des Stones! Je les ai accompagnés en tournée par le passé. J’ai payé mon dû.

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