Gravity: défier la gravité
Le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron catapulte les spectateurs dans l’espace avec son plus récent film, Gravity, qui a demandé un travail colossal.
Alfonso Cuaron s’excuse presque d’avoir mis autant de temps avant de présenter son film Gravity (Gravité). C’est que la tâche pour mettre en images un scénario catastrophe se déroulant dans l’espace était lourde. Très lourde. Mais soyez rassurés : l’attente en valait la peine, et le résultat est spectaculaire, s’entendent pour dire les critiques. Métro s’est entretenu avec le réalisateur.
Ma première question est simple : comment avez-vous fait?
[Rires] Nous voulions d’abord faire un film qui se déroule dans l’espace, mais qui ressemble à ces documentaires Imax qu’on est habitués de voir. Nous ne voulions pas donner un look bédé ou un rendu fantaisiste de l’espace. Nous voulions que ça soit vrai. C’était le point de départ. À partir de là, il fallait trouver un moyen d’y arriver! Nous avons testé plusieurs technologies existantes, mais rien ne fonctionnait. Il a donc fallu créer nos propres outils. Quatre ans et demi plus tard, nous voici! [Rires]
Les mouvements de caméra dans vos films sont toujours très fluides. C’est particulièrement le cas dans Gravity.
C’est parce qu’il n’y a pas de haut et de bas. Nous voulions vraiment recréer les règles de physique et de mécanique de l’apesanteur. Les acteurs, les objets autour, mais aussi les caméras étaient soumis à cette contrainte. Quand vous flottez, c’est difficile d’avoir du contrôle. Votre inertie dicte vos mouvements. C’était voulu que la caméra soit en mode «gravité zéro», qu’elle ne soit pas «contrôlée». Nous avons pu tester certaines choses lors de vols paraboliques, qui recréent une sensation d’apesanteur, et dont les engins sont surnommés «Vomit Comet».
Avez-vous été malade lors du vol parabolique?
Non. J’ai adoré ça! Le cascadeur a vomi, mais pas moi! J’ai vraiment adoré ça. C’est fou comme expérience. Je me suis amusé comme un gamin. Étrangement, j’ai horreur des montagnes russes, mais je pourrais passer toute une journée en vol parabolique. La beauté de la chose, c’est quand on se met à flotter. Pour moi, il y avait quelque chose de très naturel là-dedans.
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Avez-vous senti de la résistance de la part du studio, puisque votre protagoniste était une femme?
Non, pas du tout. Les gens du studio ont été merveilleux. Vous savez, ils ont investi tout cet argent dans des technologies alors que nous ne savions même pas si elles allaient fonctionner! Après le tournage, ils n’ont rien vu pendant huit mois et ils n’ont pas bronché. Puis, nous sommes arrivés à la date de sortie prévue, mais nous n’étions pas prêts du tout. Ils nous ont demandé si nous avions besoin de quelques mois de plus. Nous leur avons répondu qu’il nous faudrait encore une autre année! Et ils ont été compréhensifs. Pour ce qui est du personnage principal, ça peut arriver qu’on nous conseille d’y aller avec un homme quand on arrête notre choix sur une actrice peu connue, mais dans notre cas, avec Sandy [Sandra Bullock] dans le siège du conducteur, il n’y avait rien à craindre! Il est vrai que certains croient que ce genre de film fonctionne mieux avec un homme comme tête d’affiche. Mais dès que j’ai dit que je voyais une femme comme protagoniste, on m’a appuyé.
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Pas si bon, Children of Men?
En 2006, le film d’Alfonso Cuaron, Children of Men, a été reçu tièdement par le public et les critiques, après une campagne de promotion timide. Une injustice selon certains, confirmée par le fait que le film est devenu populaire plus tard.
«Peut-être que c’est simplement parce que je n’ai pas su connecter avec le public, explique le réalisateur. Ce n’est que deux ans plus tard que le film a eu une seconde vie et qu’on s’est mis à en parler vraiment. Je me demande encore pourquoi le film a mis du temps à obtenir un certain succès, mais je crois que c’est simplement parce que les films qui sont sortis en même temps étaient meilleurs! poursuit Cuaron. C’était une grosse année pour le cinéma, avec des films comme Pan’s Labyrinth et Babel, pour ne nommer que ceux-là.»
La souffrance de Sandra
Le réalisateur Alfonso Cuaron a avoué que le tournage de Gravity avait été «douloureux et horrible» pour sa vedette Sandra Bullock.
«Ce qui me vient en tête, c’est “fluides corporels”, lance Bullock. Il y a eu du sang. Et des ampoules!»
L’actrice, lauréate d’un Oscar en 2010 pour The Blind Side, incarne l’astronaute Ryan Stone. Lors d’une sortie dans l’espace avec son collègue (George Clooney), une pluie de débris vient tout détruire sur son passage. Sans communication avec la Terre, Stone, prisonnière de l’espace, doit trouver un moyen de rentrer à la maison.
Au début du projet, l’équipe de tournage a souhaité utiliser les vols paraboliques – qui recréent un effet d’apesanteur – afin de simuler l’effet d’apesanteur de l’espace. Quand cette idée a été rejetée, de nouvelles technologies ont été mises sur pied pour tourner des scènes d’espace saisissantes.
«Ça me prenait parfois 20 minutes juste pour entrer dans certains engins, explique Bullock. J’en étais prisonnière et j’avais bien peu de contrôle quand on tournait.» L’actrice raconte ainsi comment elle est restée dans des positions plus qu’inconfortables pendant de longs moments, prise comme un pantin sur un «système à 12 vitesses» relié à un élévateur hydraulique, alors que des caméras volaient vers elle. «Le pire, c’était la frustration d’être attachée et de ne pas être capable d’utiliser mon corps comme à l’habitude.»
«Ça relevait davantage du Cirque du Soleil que de ce que les acteurs sont habitués de faire.»
Les contraintes techniques, sur le plateau, ont donc poussé Bullock à se dépasser physiquement. «J’adore ça, mais je peux vous dire que je n’aimais pas ça quand je le faisais!» dit-elle, ajoutant que le tournage a aussi été difficile émotionnellement.
«J’étais souvent très frustrée, se rappelle-t-elle. Et j’essayais de ne pas diriger ma colère vers Alfonso. Mais comme il était le seul à pouvoir m’entendre, il a écopé pas mal. C’était surtout de la frustration envers moi-même parce que j’avais très peu d’outils pour accomplir ce que je devais faire.»
«Pendant les tournages, je m’ennuyais du soleil. Je m’ennuyais aussi de mon fils, souligne Bullock. Je m’ennuyais d’être entourée de gens et de pouvoir communiquer. Je me sentais seule au monde. Heureusement, à la fin de la journée, je pouvais apprécier la présence de mon fils.»
Au final, le tournage ardu a donné le résultat escompté. Bullock est sur la liste de plusieurs experts pour décrocher une autre nomination aux Oscars et elle a même reçu les louanges de l’astronaute canadien Chris Hadfield : «Sandra Bullock était excellente, a-t-il tweeté après avoir vu le film. Je volerais avec elle.»
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Gravity
En salle dès vendredi