Soutenez

Mon père, Dalí et moi

Photo: Yves Provencher/Métro

En grandissant, Christine Argillet a acquis une vision de l’existence d’une grande liberté. L’homme qui a inspiré ladite vision? Nul autre que Salvador Dalí, grand ami de son père, le regretté collectionneur et éditeur Pierre Argillet. Devenue collectionneuse à son tour, cette passionnée présente aujourd’hui à Montréal une expo-vente composée d’une centaine d’œuvres du grand artiste catalan.

Il paraît que ça faisait longtemps que vous souhaitiez venir au Canada avec toutes ces œuvres…
Oui! C’est notre première expo ici!l J’ai rencontré les propriétaires de la galerie il y a un an et demi, alors que je faisais une grande exposition, à Houston, au Texas. Et voilà! On est venus avec une partie importante de la collection: il y a une centaine de gravures sur les 200 que nous avons, 2 aquarelles et 2 tapisseries.

Pour vous, cette exposition, c’est un hommage à Dalí, mais surtout à votre père [le collectionneur et éditeur Pierre Argillet], non?
Oui… Aux deux, je dirais. Mon père a beaucoup facilité le travail de Dalí. Il avait le génie de le pousser, très vite, à travailler, car si on n’allait pas très vite, Dalí passait à un autre sujet, à autre chose, il oubliait. Et, comme mon père avait une grande passion pour son dessin, il se permettait parfois de lui dire: «Non, ça, j’aime pas.» Cette exposition, c’est carrément l’expression de toutes les gravures que mon père a aimées. Il n’y a pas d’œuvre qui ne lui ait pas plu qui soit là. Il y a une harmonie particulière dans cet ensemble.

[Plusieurs gravures font partie de suites: on trouve ainsi 16 gravures illustrant la Mythologie, 18 illustrant les Poèmes secrets d’Apollinaire, 21 traitant de Faust…] Ce sont tous des thèmes que votre père a suggérés à son complice?
Pas uniquement. Dalí et mon père se parlaient beaucoup, ils partageaient des réflexions sur la philosophie, sur la littérature, ils se passaient des livres, ils allaient voir des pièces de théâtre… Parfois, mon père lui disait: «Tiens, j’ai vu telle chose!» Ou: «Est-ce que ça vous plairait d’illustrer Don Juan?» Si Dalí disait oui, il fallait aller très vite, mais s’il disait: «Ouaisnonouais, pourquoi pas?» alors mon père laissait faire, n’en reparlait pas et passait à autre chose! (Rires) Dalí travaillait beaucoup par élan, et s’il n’y en avait pas, ce n’était pas la peine d’insister!

«Mon père et Dalí, c’était une bonne combinaison, et cette collection en est le reflet.» – Christine Argillet, collectioneuse et commissaire de l’expo-vente La collection Argillet

Et vous, vous étiez très présente aussi, dans cette équation d’amitié?
J’ai eu la chance d’être souvent là. J’étais enfant à l’époque, ou adolescente, mais c’était très intéressant de voir Dalí et mon père travailler ensemble. Il y avait un très grand respect de part et d’autre, un désir de faire des choses toujours différentes, de créer des happenings, d’étonner. Ils étaient drôles tous les deux, très humoristiques. Il y avait toujours cette énergie très particulière entre eux. Même enfant, je percevais ça, je voyais que c’était important pour mon père. […] Dalí créait constamment des choses nouvelles. Quand j’étais petite, par exemple, il me montrait comment il arrivait à faire bouger ses moustaches! Il avait une eau de Cologne – qui s’appelait d’ailleurs Moustache – et il y mélangeait des herbes qu’il récoltait sur la colline derrière chez lui, en Espagne. Ça créait une réaction! Évidemment, il devait utiliser un stratagème que je ne voyais pas, mais ça me fascinait!

Sa vision de la vie a-t-elle beaucoup influencé la vôtre?
Je crois que oui. Beaucoup! C’était quelqu’un de très libre, et cette liberté extraordinaire, qui se révélait un peu partout, a marqué ma vie plus tard. Cette idée de déconstruire et de reconstruire; cette idée que tout, finalement, est possible et qu’il ne faut pas se mettre de barrières, c’est une chose qui m’a beaucoup marquée, oui. Je crois que c’était un très beau message!

La collection Argillet
Galerie d’art Ambiance
81, rue Saint-Paul Est
Du 18 octobre au 9 novembre
Entrée libre

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.