«Vania et Macha et Sonia et Spike»: famille décomposée tissée serré
La comédie Vania et Macha et Sonia et Spike, de l’auteur américain Christopher Durang, production à l’affiche ce mois-ci au Théâtre du Rideau Vert, amuse respectablement, divertit honorablement le temps d’une soirée, offre de réjouissantes prestations d’actrices (Nathalie Mallette et Sylvie Léonard caracolent)… mais on l’aura probablement vite oubliée quelques jours après l’avoir applaudie.
Macha (Sylvie Léonard, dont l’énergie du personnage de pimbêche de Lâcher prise se transpose parfaitement ici) est une vedette de cinéma auréolée de gloire, mais dont l’étoile pâlit à vue d’œil. Elle est propriétaire de la maison de ses parents aujourd’hui décédés, où vivent son frère Vania (Roger La Rue) et leur sœur adoptive Sonia (Nathalie Mallette, toujours excellente dans les rôles comiques).
L’existence des deux colocataires est morne et sans grand éclat; dans cette maison, demain sera aussi terne qu’aujourd’hui, qui n’est pas mieux qu’hier. Vania s’y est résigné, Sonia en est un peu (beaucoup) aigrie.
Un bon matin, Macha débarque, flanquée d’un jeune amant, Spike (Alex Bergeron), surtout amoureux de lui-même. Elle projette de se rendre à un bal costumé, habillée en Blanche-Neige, et intime à son entourage de respecter son thème et de se tenir là où, à son avis, il doit rester: dans son ombre.
On suivra l’avant et l’après de cette fête, où Sonia finira par reprendre un peu de pouvoir. Les langues se délieront, on mettra «points sur les i» et «barres sur les t», Spike recevra la dégelée qu’il mérite, et le tout culminera dans une apothéose de bons sentiments qui ne décapent pas tellement.
Une rigolote femme de ménage, Cassandre (Joëlle Paré-Beaulieu), qui déclame sans cesse de révélatrices prophéties, et une voisine candide, Nina (Rebecca Vachon), se joignent à ce sage délire, qu’on aurait espéré beaucoup plus caustique. Qui renferme son lot de réflexions brillantes et de répliques punchées, mais qui nous brasse finalement bien peu.
Ballet burlesque
Ce ballet burlesque, qui repique des éléments dispersés du théâtre d’Anton Tchekhov («passés au robot mélangeur», ironise son créateur, Christopher Durang), rassemble justement un peu de tout et son contraire. Le résultat est au mieux sympathique et bon enfant, avec une finale bonbon qui n’a rien de très percutant.
S’agit-il d’un règlement de comptes familial? D’une satire de Blanche-Neige et les sept nains? D’un hommage pur et dur à l’art, et particulièrement au théâtre? D’une quête d’identité, d’une critique sociale, d’un remue-méninges sur le temps qui passe? Vania et Macha et Sonia et Spike, c’est un peu tout ceci et tout cela. Et trop, c’est comme pas assez.
Malgré son éparpillement et son tiède propos, Vania et Macha et Sonia et Spike ne souffre d’aucun temps mort. La mise en scène de Marc St-Martin (l’un des comédiens piliers de la rétrospective Revue et corrigée au même Rideau Vert) est parfaitement rodée et habilement rendue, dans une énergie comparable, dans son rythme, à celle d’un théâtre d’été. On se bidonne souvent, gracieuseté des comédiens, et surtout des comédiennes, qui n’en font jamais trop et poussent leurs répliques avec le naturel des plus expérimenté.e.s.
Il aura fallu patienter deux ans presque jour pour jour – merci, la pandémie! – pour enfin apprécier Vania et Macha et Sonia et Spike sur les planches du Théâtre du Rideau Vert. La pièce avait d’abord été programmée pour le début de l’été 2020, mais pour des raisons qu’on n’a plus besoin d’expliquer, ce n’est qu’aujourd’hui qu’on peut la savourer. Ne serait-ce que pour récompenser la patience et la résilience de son équipe – la distribution a d’ailleurs été remaniée depuis deux ans –, saluons l’effort.
Vania et Macha et Sonia et Spike tient l’affiche du Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 4 juin.