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Vanessa Destiné choisit l’autocensure de plus en plus

Vanessa Destiné a remporté un Prix Gémeaux pour son animation de Décoloniser l'histoire
Vanessa Destiné a remporté un Prix Gémeaux pour son animation de «Décoloniser l'histoire», série documentaire diffusée sur telequebec.tv. Photo: Josie Desmarais/Métro

Prendre la parole publiquement n’est jamais facile. Ce l’est encore moins pour une femme, et c’est pire encore pour une femme racisée. La journaliste, animatrice et chroniqueuse Vanessa Destiné en sait quelque chose. Chaque fois qu’elle exprime son opinion sur un enjeu d’importance, elle ressent un ressac. Un «backlash», précise-t-elle.  

«Être baveuse, tannante? Oui, c’est difficile, parce qu’il y a toujours des gens pour me dire que je n’ai pas la légitimité pour parler de certains sujets, notamment ceux liés au Québec, à l’identité ou à notre histoire collective. C’est constamment remis en question», dépeint Vanessa lorsqu’on la questionne sur son envie, toujours présente ou pas, de se battre pour ses idéaux, au risque de susciter la grogne.  

«Parce que je suis une femme, je reçois des attaques dégradantes, en lien avec ma sexualité ou mon physique. J’ai vécu un événement traumatisant pendant l’été, lorsque quelqu’un m’a reconnue dans l’autobus, sur la base de ma job dans les médias, et m’a crié dessus en me traitant de “prostituée”. Cette personne avait décidé qu’elle avait le droit de me parler, parce que je suis une personnalité publique. Ce sont ses mots. Cette violence qu’on vit en ligne a toujours le potentiel de se manifester dans le réel aussi, et c’est quelque chose dont je suis de plus en plus consciente.» 

Donc, pour s’acheter un peu de quiétude, la volubile jeune femme choisit de plus en plus souvent de s’autocensurer, malgré les convictions qu’elle défend.  

«Je fais attention à ce que je dis, maintenant. Parce que, parfois, je veux juste avoir la paix. Je veux juste passer une belle fin de semaine. Je ne veux pas recevoir des messages haineux dans mon Messenger quand je me réveille, à 7h du matin…» 

«On parle beaucoup d’autocensure, enchaîne Vanessa Destiné. Souvent, les personnes blanches disent qu’elles s’autocensurent parce qu’elles ont tellement peur des wokes. Moi, je peux dire qu’en tant que woke, je m’autocensure de plus en plus, parce qu’il y a un backlash à ma prise de parole. J’aimerais que les gens en situation de pouvoir réfléchissent vraiment à la question de l’autocensure. Parce que les minorités aussi s’autocensurent, sur une base régulière, pour leur sécurité. Pour garantir leur intégrité physique et morale. C’est ce que j’aimerais qu’on retienne…» 

Et pourquoi pas un livre «vraiment con»? 

Cette conversation en apparence lourde, Vanessa Destiné la tient pourtant avec Métro un large sourire aux lèvres, blagueuse, en détaillant l’excitante liste de ses projets du moment: ses interventions fréquentes à Dans les médias à Télé-Québec ainsi que la deuxième saison actuellement en tournage des capsules Décoloniser l’histoire, à venir sur le site web de la même chaîne à l’hiver 2023. Pour elle, c’est comme une «thérapie collective pour le Québec», dit-elle en riant. Son animation de l’épisode 5 de la première saison lui a d’ailleurs valu un prix Gémeaux dimanche dernier.

Elle participe aussi au collectif Stresse pas, minou!, ouvrage dans lequel des «girls boss» comme elle (Catherine Ethier, Stéphanie Boulay, Florence K, Ines Talbi, etc.) s’ouvrent sur leur problème d’anxiété. Les illustrations du livre sont du crayon de Safia Nolin. Suivra aussi une série sur le logement qu’elle prépare pour Savoir Média.

Plus que satisfaite de sa carrière à l’heure actuelle, la communicatrice salue au passage les nombreuses femmes de son industrie qui lui ont tendu la main au fil de son parcours. 

«Des femmes animatrices ou productrices, qui ont vu mon potentiel, signale-t-elle. Des femmes blanches, qui sont en situation de pouvoir, et qui ressentent cette responsabilité, de paver la voie pour d’autres femmes de la relève, en reconnaissant que ces femmes n’auront peut-être pas les mêmes traits qu’elles. Ç’a presque toujours été des femmes qui m’ont donné des chances dans ce milieu. Je travaille fort, mais jusqu’à présent, j’ai été à la bonne place au bon moment, et je remercie toutes celles qui m’ont accueillie et donné une chance, même si j’étais une nobody, même si personne ne me connaissait.» 

Parmi les aspirations qu’elle caresse encore, Vanessa Destiné aimerait peut-être, éventuellement, écrire un livre. Mais elle nous surprend en mentionnant qu’elle n’irait «peut-être pas là où on [l’]attend» avec sa plume. 

«J’y pense de plus en plus, confirme-t-elle. Mais ça ne serait peut-être pas engagé. On m’associe beaucoup au militantisme, alors que moi, je ne suis pas militante. Je suis juste une femme noire qui existe dans l’espace public et qui aimerait avoir des référents qu’elle reconnaît. Donc, oui j’aimerais écrire un livre, mais quelque chose de plus divertissant. Parce que j’aime le léger, moi aussi. Un livre vraiment con, ça me ferait plaisir…!» 

On peut voir et entendre Vanessa Destiné à l’émission Dans les médias, le mercredi, à 21h, à Télé-Québec.

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