Soutenez

«Cispersonnages en quête d’auteurice»: s’approprier (ou pas) des handicaps 

Maryline Chery, Guy-Philippe Côté, Edon Descollines, Pénélope Goulet-Simard, Hubert Lemire, Michael Nimbley et Audrey Talbot forment la distribution de «Cispersonnages en quête d'auteurice». Photo: Thibault Carron

La 17e édition du Festival TransAmériques (FTA) a été lancée mardi soir. Jusqu’au 8 juin, les festivalier.ère.s baignent dans les créations contemporaines, en danse comme en théâtre, d’artistes d’ici et d’ailleurs. Du lot, la Québécoise Catherine Bourgeois, qui présente avec sa compagnie Joe Jack et John un tout premier spectacle dans le cadre du FTA, Cispersonnages en quête d’auteurice, du 31 mai au 3 juin à l’Espace libre.  

Ce titre on ne peut plus woke (et pleinement assumé) est un clin d’œil au classique de Luigi Pirandello. L’autrice ne fait pas une relecture de Six personnages en quête d’auteur, mais y trouve tout de même un écho: 100 ans plus tard, le théâtre se questionne encore sur l’appropriation du vécu des autres.  

Mais ici, ce n’est pas une famille italienne qui est insatisfaite de la façon dont des comédiens interprètent son drame. Les questions soulevées par Catherine Bourgeois sont tout à fait d’actualité: est-ce que n’importe quel.le acteur.trice peut jouer n’importe quel personnage? Si l’on en discute amplement quand on parle de personnages trans ou racisés, la metteuse en scène croit qu’on n’a pas la même sensibilité envers les personnages en situation de handicap.  

«Quand on regarde la question de l’appropriation, encore régulièrement, les personnages handicapés ne sont pas interprétés par des personnes en situation de handicap», note-t-elle en entrevue avec Métro. 

Catherine Bourgeois. Photo: Thibault Carron

En situation d’handi… capable 

Lorsque Catherine Bourgeois a cofondé la compagnie Joe Jack et John, au début des années 2000, les notions de diversité et d’inclusion n’avaient pas la même résonance, tant dans le milieu qu’auprès du public. Longtemps vue comme un projet plus communautaire qu’artistique, la troupe composée d’artistes en situation de handicap ou pas a mis un certain temps avant d’avoir le vent dans les voiles.  

«J’avais cet intérêt de cofonder une compagnie qui nous permettrait de rassembler dans un local de répétition des gens que je ne côtoie pas nécessairement au quotidien. J’avais aussi un intérêt à écouter la parole de l’autre et à mettre de l’avant différents points de vue», indique la dramaturge, qui utilise généralement l’écriture de plateau pour faire entendre ces différentes voix.  

Catherine Bourgeois signe toutefois seule Cispersonnages en quête d’auteurice, et pas uniquement parce que celle-ci a été écrite en pandémie alors qu’elle était en solo chez elle. «J’ai l’impression que ce n’est pas une pièce à laquelle on serait arrivé en écriture collective, parce qu’il y a tout un travail d’observation de la société à la base de cette écriture.» 

Pas de prise de position 

Ce qu’elle observe, c’est qu’il y a deux tendances opposées: soit on se cantonne exclusivement à se jouer soi-même, soit on accepte que des gens qui ne font pas partie de notre communauté nous jouent et qu’il est possible qu’ils nous interprètent mal.  

Ça a beaucoup fait débat dans nos ateliers de dramaturgie, parce que les acteurs neurodivergents ne veulent pas jouer une personne neurodivergente. Ça a été difficile, cette idée de se jouer eux-mêmes. C’est tout le pouvoir d’évasion, de transformation, de sublimer le quotidien qui disparaît, alors qu’il vient avec le métier de scène.

Catherine Bourgeois 

À travers Cispersonnages en quête d’auteurice, Catherine Bourgeois ne prend pas position dans le débat sur l’appropriation: «Il n’y a pas une bonne réponse. Je prends pour une grosse zone grise. En voulant trancher de manière très franche, on perpétue une polarisation et on est moins dans le dialogue.» 

Là où l’autrice s’affirme, c’est dans son constat que l’éveil collectif face au capacitisme – une forme de discrimination envers les personnes en situation de handicap – n’est pas très avancé. Elle donne comme exemples ces fois où des acteur.trice.s sans handicap ont joué des personnages qui en présentaient un. «Il n’y a pas eu de révolte. Je pense qu’on n’est pas encore rendu là. Peut-être qu’on ne se rendra jamais là. Peut-être que ce n’est pas là qu’on doit aller.»  

Plus encore, Catherine Bourgeois considère que les personnes neurodivergentes ou en situation de handicap sont largement exclues des débats portant sur ces questions relatives à l’appropriation, alors qu’elle croit qu’elles devraient en faire partie. En amenant la discussion directement dans la salle de répétition, elle a pu, à son échelle, la démocratiser, la rendre accessible à ses collègues.  

La pièce Cispersonnages en quête d’auteurice est présentée à l’Espace libre dans le cadre du Festival TransAmériques du 31 mai au 3 juin.  

Une infolettre l’fun? Abonnez-vous à celle du Week-end pour voir!

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.