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La «crise migratoire» est d’abord et avant tout une crise politique

À partir de quel moment des flux migratoires constituent-ils une crise?

Il y a crise lorsque les deux éléments suivants se rencontrent simultanément: d’une part, la production d’un flux important de réfugiés et de migrants due à des conflits violents (guerres, répressions, harcèlements, dictatures, génocides, etc.), et d’autre part, la fermeture des frontières.

En soi, l’existence de ces migrations «forcées» ne constitue pas une crise. C’est la fermeture des frontières qui mettent en péril la vie de nombreuses personnes qui ne trouvent pas refuge.

L’histoire du 20ième siècle regorge de situations politiques qui ont obligé des milliers et des milliers de personnes à fuir leur pays ayant trouvé refuge en Europe et en Amérique.

C’est la mise sur pied de politiques migratoires répressives qui a transformé la migration internationale en une véritable course à obstacles. Les mesures restrictives comprennent entre autres:

  1. Le « blocage » de la migration régulière par la quasi-impossibilité d’obtenir des visas;
  2. La signature d’ententes visant à «monnayer» le retour des migrants dans leur pays et à encourager les pays d’émigration et de transit à enrayer le départ des migrants; il s’agit ici d’un processus d’externalisation des frontières;
  3. Des politiques peu soucieuses du trafic des êtres humains: comme les voies légales de la migration sont bloquées, les personnes qui veulent à tout prix sortir de leur pays n’ont souvent pas d’autres choix que d’avoir recours à des réseaux de passeurs, souvent criminels;
  4. Les pratiques répandues de l’interception des migrants avant leur arrivée sur le territoire, en contradiction avec le principe du non refoulement de la Convention de Genève sur les réfugiés;
  5. La construction de murs aux frontières;
  6. La prolifération de nouvelles techniques de contrôle frontalier (et l’émergence d’une industrie privée de la migration fort lucrative);
  7. Une augmentation importante des expulsions;
  8. Une tendance croissante à la détention;
  9. La suppression de droits humains acquis (p. ex. santé, regroupement familial);
  10. Une répression «mortelle»: le risque ultime pour les migrants/réfugiés dans le contexte de la fermeture des frontières est la mort.

Ces mesures restrictives ne sont pas nouvelles. Certes, depuis la publication de la photo du jeune syrien Aylan Kurdi mort sur une plage turque (Le Monde, 3 septembre 2015), on n’a jamais tant parlé de migrations internationales.

La notion de «crise migratoire» s’est ainsi retrouvée au cœur de tous les reportages médiatiques. Pendant longtemps, l’attention a été exclusivement portée sur l’Europe, mais aujourd’hui la crise migratoire dépasse le continent européen et frappe l’ensemble du monde, y compris le Canada et les États-Unis. On peut de fait parler d’une crise migratoire mondiale.

La publication de la photo de Aylan Kurdi semble marquer le début de la couverture médiatique mondiale. Mais marque-t-elle le début de la crise migratoire elle-même?

Selon nous, cette crise était déjà entamée bien avant 2015 de sorte que la crise migratoire européenne d’origine syrienne n’est que la pointe de l’iceberg. La fermeture des frontières remonte au moins au début des années 2000. Elle visait surtout les migrants africains dont on parlait peu dans les médias.

Si la crise est politique, elle ne peut se résorber que par des actions politiques: en amont, par la paix et la condamnation des régimes répressifs, en aval, par l’ouverture des frontières aux migrations forcées.

Comme on ne prévoit pas pour le moment de répit dans les causes des migrations forcées, il ne reste qu’à humaniser les politiques migratoires actuelles, comme je l’ai souhaité dans mon billet de blogue du 9 janvier 2018.

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