Soyons émotifs!
Un de mes professeurs répétait souvent qu’on n’apprend pas de ceux qu’on n’aime pas. Selon lui, des sentiments positifs envers nos enseignants favorisent l’apprentissage, alors que l’aversion pour un professeur nous fait bouder sa matière. Il semble bien que ce ne soit pas toujours vrai.
Au laboratoire Héron de l’Université de Montréal, des chercheurs développent des logiciels d’apprentissage qui incluent la dimension affective. C’est qu’on a découvert que les personnes émotionnellement impliquées apprennent mieux que les autres mais que la nature de l’émotion n’est pas aussi importante que le simple fait d’en avoir une. La joie, la peur ou la colère favorisent toutes l’apprentissage, la crainte étant, semble-t-il, juste un peu plus efficace que les autres émotions.
Quand on y pense, c’est plein de bon sens. Par exemple, plusieurs d’entre nous se souviennent d’un professeur détestable au collège et à l’université. Des années plus tard, on se souvient encore de ce qu’il disait, justement parce cela nous semblait odieux et détestable. L’émotion nous poussait à examiner tout ce qu’il disait, évidemment dans le but de lui prouver ses torts un jour. Son enseignement s’est alors inscrit dans notre mémoire, et c’est pour cela que nous nous en rappelons toujours aujourd’hui et pouvons même expliquer en détail pourquoi il était si odieux.
Il n’est donc pas nécessaire d’aimer un professeur pour apprendre. L’important, c’est d’être impliqué dans son propre apprentissage. Or, d’ex-décrocheurs me disent souvent qu’ils n’ont pas lâché parce qu’ils détestaient l’école, mais bien parce qu’ils avaient l’impression d’y perdre leur temps et de ne pas savoir pourquoi ils étaient là. Autrement dit, ils ne se sentaient pas interpellés sur le plan affectif et sont simplement allés voir ailleurs.
Ces mêmes décrocheurs passent ensuite d’un emploi à l’autre pendant des années, toujours sans trop savoir ce qu’ils font là. Ce n’est souvent qu’après une décennie qu’ils se lassent de leur situation, décident d’améliorer leur sort et de s’investir dans un projet d’apprentissage. En orientation, certains ont nommé cela «l’écart des 10 ans», parce que ce phénomène s’observe souvent.
Ils reviennent alors à l’école avec une motivation et un entrain nouveaux, puisqu’ils ont maintenant un objectif qui les motive à s’impliquer dans leur apprentissage. Des émotions comme la crainte d’être à nouveau relégués aux emplois insignifiants qu’ils ont connus ou la joie de découvrir qu’ils progressent vers leur nouvel objectif donne un sens à leur démarche et la favorisent. Ils réussissent alors à accomplir dans des délais très courts des apprentissages qui leur semblaient hors d’atteinte lorsqu’ils étaient plus jeunes.
La morale de cette histoire c’est que le pire ennemi de l’éducation est l’indifférence. Pour apprendre, nous avons tous besoin de nous investir émotionnellement dans l’atteinte d’un objectif.