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Mode et web 2.0

Photo: Jimmy Hamelin

Ces cinq dernières années, les tâches d’un journaliste affecté à la couverture d’un défilé de mode ont irrémédiablement changé. Réflexions.

La salle est pleine et les bavardages vont bon train. Après quelques minutes d’attente, les lumières se tamisent, les premières notes d’un morceau choisi se font entendre et une mannequin entre en scène. À une extrémité de la passerelle, les flashs des photographes crépitent… et les pouces des journalistes et des blogueurs, assis sur le bout de leur siège, se font aller sur leurs téléphones intelligents.

Si vous assistez à un défilé de la 23e Semaine de mode de Montréal, pour la première fois entièrement ouverte au grand public, c’est à n’en pas douter le panorama auquel vous aurez droit. Les nouvelles technologies et le web 2.0 ont (presque) eu raison du bon vieux bloc-notes.

Mars 2007. On m’envoie pour la première fois assister aux défilés de la Semaine de mode de Montréal, un domaine que je ne connais peut-être pas encore sur le bout de mes doigts, mais qui me fascine depuis longtemps. Je suis journaliste depuis quelques années et j’ai été amenée à couvrir d’autres champs culturels : télé, cinéma, danse et, surtout, littérature. C’est donc incognito que je circule dans la faune urbaine et bigarrée qui est rassemblée pour la dernière fois dans l’enceinte devenue trop exiguë du cinéma Impérial.

Il y a à peine cinq ans, tout journaliste de mode averti traînait dans son sac un cahier de notes, un stylo, un enregistreur et peut-être un petit appareil photo numérique. On prenait place, on sortait papier et crayon et on griffonnait des notes tout en ne quittant pas le catwalk des yeux.

Difficile de dire ce qui a eu raison de cet état de chose : l’augmentation exponentielle du nombre de blogueurs, qui «postent» plus vite que leur ombre? L’importance grandissante de Twitter, aujourd’hui incontournable en journalisme en général et en mode en particulier? Ou tout simplement l’évolution des technologies, en particulier l’apparition du iPhone? Toujours est-il que, depuis 2009 ou 2010, la cadence s’est accélérée. C’est à qui «tweetera» le premier.

Publier ses impressions en temps réel, c’est bien. En théorie, du moins. En pratique, c’est essoufflant! Et à la réflexion, peut-être pas très efficace non plus. On prend une photo, on rédige un message en 140 caractères, on envoie le tout, on jette un œil sur ce que les autres ont publié, puis on recommence. Quinze minutes plus tard, le défilé est terminé. Bien qu’on en retienne une impression d’ensemble, difficile d’avoir pu apprécier le travail des designers dans ses plus fins détails, les yeux rivés à nos petits écrans.

«Tout va si vite aujourd’hui qu’il ne reste que peu de temps pour l’appréciation, la pensée critique ou l’analyse, m’a confié la responsable de la section Style au quotidien The Gazette, Eva Friede (@evitastyle). De plus, les photos sont de si mauvaise qualité sur Twitter que ce n’est peut-être pas très utile.»

La journaliste Lolitta Dandoy (@LolittaDandoy), qui écrit dans le Journal de Montréal et sur Clindoeil.ca, qu’on peut voir à Salut, bonjour! et qui a lancé son propre blogue l’année dernière, voit pour sa part beaucoup de positif dans l’émergence du 2.0. «Il y a quelque chose de très chouette dans l’idée de pouvoir partager le travail des designers à peine leurs mannequins sorties du runway, analyse-t-elle. Surtout quand on sait que des lecteurs attendent impatiemment de voir ces images.»

Pour ne rien manquer, Lolitta a même conçu sa propre technique : «Je commence par sauvegarder le texte qui reviendra dans les tweets et je prends la photo au bon moment. Parfois, j’attends la fin du défilé avant de poster quoi que ce soit… ça me permet d’éditer mes photos et de ne partager que les looks
marquants.»

Cette semaine, Eva Friede et la correspondante mont­réalaise du magazine Flare, Janna Zittrer (@JannaZittrer), ont pour leur part pris la résolution de ne publier qu’un gazouillis par défilé. Une autre manière «de freiner cette folie», écrit Mme Friede sur le fameux site de microblogage.

Je serai moi aussi présente sur Twitter, bien sûr. Impossible de revenir en arrière; le 2.0 est devenu un automatisme dans ma pratique journalistique. Le défi, désormais : trouver le juste équilibre entre l’instantanéité et la réflexion.

Suivez sur Twitter :
@JessicaDostie

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