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À moins quart

Catherine Ethier
Suivez la chronique de Catherine Ethier tous les mois dans les pages de Métro. Photo: Julie Artacho/Montage Métro

C’est encore l’été, mais sa lourdeur nous a enfin quitté. Au bulletin météo. Celui d’ici, du moins. Parce qu’à New York, c’est encore un peu humide. Et ailleurs, ça brûle, du dedans comme du dehors. C’est tout brisé. Ça fume encore. On enterre nos morts. En silence. Essoufflés.

Mais ici, oh! La belle fraîche. On est-tu assez ben, les fenêtres ouvertes?

Après un treizième été à embrasser mon statut de fière steamée du Plateau, fermement opposée à céder à la vile climatisation, je savoure enfin, victorieuse, la douce brise dans ma chevelure salée du haut du fleuve. Ma petite part à moi: «Je peux certes traverser l’été assise devant le ventilo! Y’a rien là pantoute, c’est vraiment pas si pire que ça», murmurais-je à tout rompre, drapée de déni et d’orgueil, rubiconde, ruisselante et convaincue de faire partie d’un petit boutte de la solution. On fait tous notre petite part. On trie le plastique et le verre, tout sourire, avant que tout ce beau tri-là soit sacré dans les vidanges, à défaut de centres de tri qui ont de l’allure (et surtout, d’emplois décents entre deux ballots de bouillasse et de vieilles canisses de coke diète souillées).

Mais ça y est! Tout ce labeur à 42 degrés est derrière moi. À présent, il fait frais. Et à compter de maintenant, je vais oublier l’entièreté de l’urgence climatique, bien installée dans mon lazyboy, à minuit et sept, heure du GIEC, à regarder des gens désirables espérer une nuit dans la Maison de l’amour, quelque part dans les Rocheuses, satisfaite.

Tout va très bien.

À partir de septembre, chaque année, on oublie tout. On retrouve nos petites habitudes, parce que s’inquiéter pour le sort de l’humanité pendant deux-trois mois, c’est épuisant. C’est éreintant, toutes ces conversations sur l’urgence. Les feux. Les flots. Les cœurs calcinés pis le pauvre monde. On a participé. On a froncé les sourcils. On a remarqué des affaires, aussi. On s’est indignés, pis pas à peu près, sur le patio de Jocelyne; on était beaux à voir.

Mais il faut bien, à présent, commencer à penser à décorer le balcon avec de beaux feuillages jaune orange pour la Thanksgiving, y’avait tellement des belles affaires, l’autre jour, chez HomeSense. Une citrouille amusante. Des airs de normalité, en bourgogne et en vert menthe.

Ça fait trente ans qu’ils hurlent à l’urgence et que nous, on danse. Dans nos oreilles, comme dans celles de Dédé, le beat est bon. On connaît la chorégraphie par cœur; on se trouve bons! Et quand on en a assez, parce que le disque est rayé et que ça commence à sentir drôle, on change de chaîne avec le sentiment du devoir accompli. On ouvre les fenêtres. Parce que de toute façon, ça ira. Ça peut pas faire autrement. Hein?

Et puis, l’été prochain, on rechaussera nos pantoufles de martyrs. De citoyens mobilisés qui se pensent à moins quart. De gens engagés qui ont furieusement l’intention de ne rien faire du tout.

On est-tu assez ben.

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