Glutenberg, 10 ans de (bonnes) bières sans gluten
Il n’est peut-être pas intolérant au gluten, mais il est convaincu que sa broue se digère mieux que les autres. Et il est loin d’être le seul. Dix ans après avoir lancé la brasserie sans gluten Glutenberg et produit quelque 40 millions de bières, le PDG David Cayer revient sur son succès qui fermente. Entretien.
David Cayer
Cofondateur et PDG de Glutenberg
Entreprise fondée en 2011
Nombre d’employés: 110
Nombre de points de vente: plus de 3000 au Québec. Les bières sont aussi en vente partout au Canada, dans 40 États américains et plusieurs marchés européens.
Que dites-vous aux gens qui pensaient que le sans gluten était juste une mode?
«C’est plus qu’une mode, c’est un mode de vie. Et contrairement à plein d’autres trucs dans l’alimentation, ça ne s’est pas essoufflé parce que c’est considéré comme meilleur pour soi, pour la santé digestive. […] Mais en même temps, c’est de la bière. Ce n’est pas un produit santé à proprement parler, mais reste que le sans gluten est associé à un mode de vie santé.»
Vous considérez-vous plus comme un artisan de la broue ou un entrepreneur qui a de la broue dans le toupet?
«C’est sûr qu’on garde le côté artisan et innovation. On se compare aux grands brasseurs, en restant petits et agiles. Le côté entrepreneur nous décrit bien si on se compare au marché brassicole du Québec. On a développé notre distillerie (Oshlag), notre compagnie de distribution (Transbroue), et créé des filiales (Vox Populi) alors que les autres restent concentrés uniquement sur leurs bières.»
Il y a maintenant 287 entreprises brassicoles au Québec et de plus en plus de joueurs sans gluten. C’est quoi le secret pour se démarquer?
«Il n’y a pas tant de brasseries sans gluten. On a tellement pris de place partout en Amérique du Nord. Ça demeure un petit marché. On ne peut pas être 50 à faire ça.
Le secret, dès le départ, c’est de faire de bons produits, pas juste de bons compromis sans gluten. N’importe qui apprécie nos bières. Elles sont tout aussi savoureuses et pleines de personnalité, mais avec des céréales différentes, moins bourratives.
Si on sait très bien qu’il y aura sans doute bientôt une pilule pour atténuer l’inconfort des gens intolérants au gluten, on ne craint pas pour notre survie. Les gens ont adopté le branding.»
Y a-t-il ou peut-il y avoir trop de bières au Québec?
«Il n’y en a pas trop. Mais trop sur les tablettes, oui. Les microbrasseurs ont intérêt à adapter leur modèle d’affaires dans le contexte actuel. Certains dépendent des broues-pubs dans les régions, c’est magnifique. Il y a de super beaux circuits de microbrasseries. À Boucherville, où je réside, il n’y en avait pas jusqu’à l’année dernière. Maintenant, c’est plein. Ça démontre qu’il y a encore de la place.
Par contre, ceux qui se lancent dans le détail vont avoir de la difficulté. Le marché est surchargé, donc les commerçants font des choix parmi les nouveaux arrivages et doivent prioriser ceux qui sont capables de leur fournir un volume adéquat. En plus, les grandes brasseries prennent encore beaucoup de place sur les tablettes, soit environ 80 à 90%. Les quelque 280 microbrasseries doivent donc se battre pour environ 10% d’espace tablette.»
Quoi de neuf chez Glutenberg pour votre 10e anniversaire?
«On lance pour la première fois une bière en petit format de 355 ml, la blonde, notre meilleur vendeur. [NDLR: la Glutenberg était jusqu’ici exclusivement vendue en canettes de 473 ml]. Il s’agit d’un format plus petit pour parler à une clientèle plus santé [NDLR: soucieuse de sa consommation d’alcool]. Elle sera disponible en caisses de 12.
On va aussi pousser plus les innovations. On avait mis ça de côté puisqu’on voulait d’abord être certains que nos canaux de distribution puissent répondre à la forte demande et à notre marché américain en expansion. Attendez-vous à une Glutenberg légère.»
La question qui tue: buvez-vous en travaillant?
«Jamais. Bon… Parfois lorsqu’on organise des panels de dégustation. C’est simplement pour assurer un contrôle de la qualité sur les nouveaux produits. Et ce n’est pas comme dans le monde du vin: on ne recrache pas. […] Ce n’est pas non plus les partys Molson des années 1970, pendant lesquels ça buvait, dit-on, pendant les pauses (rires). On montre l’exemple. On travaille quand même avec de grosses machines.»
Son meilleur conseil pour se lancer en affaires
«Avoir confiance que le succès, ça peut nous arriver ou même nous tomber dessus. On entend plein d’histoires à succès, mais on ne pense pas que c’est vraiment réalisable pour nous. C’est important d’y croire, comme ça on travaille dans ce sens et ça se concrétise. Je ne viens pas d’une famille d’entrepreneurs, alors quand j’ai commencé, je doutais beaucoup. Il faut avoir le désir de se lancer dans le vide, quitte à tout perdre. Il ne faut pas avoir peur de manquer son coup.»
Un entrepreneur qui l’inspire
Sam Calgione, le fondateur de Dogfish Head aux États-Unis, pour avoir été l’un des pionniers et grands innovateurs du mouvement craft en Amérique du Nord.
Son application favorite
NFL Fantasy football. «Je suis les matchs, les stats. C’est une dépendance. Surtout quand l’automne arrive et que la saison commence. Ça permet de décrocher. On est tellement préoccupé par nos jobs par moment, ça fait du bien de penser à des trucs vraiment pas si importants.»
Bière de fête!
Glutenberg a lancé pour son 10e anniversaire une surprenante India Pale Lager, offerte en format 473 ml ou magnum. Houblonnée à souhait, elle offre de puissantes notes florales et agrumées, qui révèlent une amertume marquée mais gourmande. L’été se prolonge à chaque gorgée.