Les défilés de mode en mode diversité

L’industrie du mannequinat est connue pour son homogénéité, mais les défilés printemps-été 2016, ces dernières semaines, ont fait place à davantage de diversité. Les mannequins taille plus, les top-modèles de couleur et même une jeune femme atteinte du syndrome de Down sont-ils en train de changer la perception de la beauté? Analyse.

Une page d’histoire s’est écrite à la Semaine de mode de New York (NYFW) en septembre. Non pas en raison de l’originalité des créations présentées, mais plutôt à cause de l’apparition d’un mannequin en particulier sur les passerelles. Son nom: Madeline Stuart, une jeune Australienne de 18 ans atteinte du syndrome de Down.

Cette jeune femme, qui ne travaillait comme mannequin que depuis quatre mois avant l’événement, a participé au défilé de FTL Moda, qui présente des talents émergents. Sa mère, Rosanne Stuart, qui est aussi son agente, a été soufflée par la réaction du public: «Madeline fait réagir, confie-t-elle. Des gens nous contactent chaque jour pour nous dire à quel point ils ont gagné en confiance grâce à elle; elle leur a donné espoir.»

«Je crois que c’était courageux, et ça montre que les choses bougent en mode. Les gens acceptent de plus en plus la différence», estime Carole White, fondatrice de l’agence Premier Model Management. Cela dit, on est encore loin d’un vrai changement d’attitude: ce sont toujours les mannequins grandes et minces d’origine caucasienne qui dominent les passerelles.

Carole White, qui a été l’agente de Naomi Campbell pendant 17 ans et qui représente aujourd’hui la Kényane Malaika Firth, juge pourtant que la situation «s’améliore légèrement». «C’est un processus qui demande du temps. Les choses sont beaucoup plus difficile pour les mannequins qui sortent de la norme. Ces filles doivent être parfaites et travailler bien plus fort que les autres.»

Selon cette ancienne mannequin, le problème a aussi à voir avec les photographes, qui ne savent pas comment mettre en valeur la peau noire, et avec les artistes maquilleurs. «Celles qui finissent par y arriver doivent être très spéciales», continue Mme White. Cette saison, 28,4% des mannequins qui ont défilé sur les passerelles de la Semaine de mode de New York n’étaient pas blanches, comparativement à 20,4% pour les défilés du printemps 2015, a calculé le site The Fashion Spot.

«Plus les mannequins sont d’apparence diversifiée, plus on mobilise de gens et plus on attire de nouveaux consommateurs.» – Sabina Karlsson, mannequin taille plus

Autre événement d’importance pour la question de la diversité: un défilé de lingerie taille plus mettant en vedette des mannequins de toutes les tailles, dont Sabina Karlsson, beauté suédoise de 27 ans. Cette dernière, qui porte du 12-14 ans, a tenté de percer dans cette industrie à 22 ans parce qu’elle ne pouvait pas se faire aux restrictions alimentaires et à la routine quotidienne au gym. «Ça n’a jamais été un problème pour moi de représenter une taille plus, fait-elle valoir. C’est simplement mon travail. Je pense même que cette étiquette ne devrait pas exister.»

Selon elle, le problème des tailles est enraciné dans les salons d’essayage des designers. «Tout commence avec les tailles d’échantillon [les vêtements faits pour les défiés sont généralement de taille 0]. J’imagine que les designers pensent que les vêtements de petite taille tombent mieux.»

Les grandes maisons font toutes de même, sauf Jean Paul Gaultier, exception qui confirme la règle. Le créateur français a longtemps misé sur la diversité, par exemple en engageant des mannequins transgenres comme Andreja Pejic et Conchita Wurst, des femmes taille plus comme Beth Ditto et des mannequins plus âgés. «Quand l’industrie me trouvait trop grosse, je travaillais pour Gaultier», se rappelle Mme Karlsson.

Le changement est toutefois à nos portes. «Je travaille plus aujourd’hui que quand j’étais considérée comme un mannequin de taille normale», souligne-t-elle.