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La cuisine autochtone met les traditions au goût du jour

Le feu est central dans la cuisine autochtone.
Le feu est central dans la cuisine autochtone. Photo: Photo Audet

Transmettre son amour du territoire et de ses traditions ancestrales, ça passe aussi par l’assiette. La gastronomie autochtone gagne en finesse, mais aussi en popularité au Québec. Portrait d’une cuisine authentique aux 1001 subtilités qui donne (très) faim.

Au Restaurant Sagamité – ouvert depuis 1999 dans la région de Québec –, tradition rime avec innovation. On peut manger une délicieuse pizza au dindon sauvage, une poutine forestière ou se régaler de bonnes côtes levées fumées de bison.

Le chef propriétaire de l’établissement, Steeve Gros-Louis, n’avait qu’un objectif: communiquer sa culture huronne-wendate et la faire évoluer avec le temps.

«Aujourd’hui, on sait que les plats sont bien apprêtés avec les sauces et de bonnes épices, explique-t-il. Mais avant, on n’avait pas ça nous.»

Les côtes-levées de bison fumées du Restaurant Sagamité, dans la région de Québec. Crédit: Photo Audet

La cuisine autochtone a effectivement évolué, empruntant parfois des ingrédients à d’autres cuisines. Au Restaurant Sagamité, par exemple, on sert des côtes levées de bison fumées avec une portion de frites.

En revanche, les techniques sont toujours représentatives des traditions culinaires et surtout, du terroir de chaque communauté, pour notre plus grand plaisir gustatif.

M. Gros-Louis, par exemple, fume la viande servie aux clients selon les techniques traditionnelles ancestrales huronnes-wendates.

Steeve Gros Louis est propriétaire du Restaurant Sagamité, un restaurant huron-wendat de la région de Québec. Crédit: Photo Audet

Cet appel aux traditions et à la terre mère rejoint plusieurs autochtones, dont Swaneige Bertrand, chef-traiteur à Montréal depuis cinq ans issue de la nation Acho Dene Koe, des Territoires du Nord-Ouest. 

Même si son père a perdu sa langue maternelle dans les pensionnats autochtones, il lui a transmis sa culture… à travers la nourriture!

«C’est fusion, mais avec plusieurs aliments traditionnels. Quand je cuisine, je pense à comment mes ancêtres mangeaient avant, indique-t-elle. Ça ramène un sens de fierté, d’appartenance et de connexion à notre terre mère.»

Elle affirme d’ailleurs avoir beaucoup appris auprès de divers aînés autochtones de Montréal, groupe qu’elle définit comme un véritable «melting pot de nations». 

Swaneige Bertrand, de la nation Acho Dene Koe, est propriétaire du service traiteur Chef Swaneige à Montréal. Crédit: Swaneige Bertrand

Des plats raffinés 

À titre de traiteuse, Swaneige Bertrand prépare beaucoup de boîtes-repas et de bouchées. Ici, pas de sandwich pas de croûte ou de salade de macaroni. Votre repas vient avec des carpaccios de wapiti, des saucisses de lapin et des mini-brochettes de viandes fumées de manière traditionnelle.

«Disons qu’à Montréal, tu n’as pas le droit de faire de feu, mais je m’arrange», rigole-t-elle.

Elle aime particulièrement son risotto aux courges, au parmesan et au riz sauvage. Le secret pour couper le goût boisé du riz sauvage, qui peut être déplaisant? Un sachet de thé!

«Les enfants adorent ça. C’est nourrissant, ça s’agence bien avec les autres repas. On faisait pousser des gros jardins aux Territoires. L’été, le soleil ne se couche pas.»

Dans le coin gauche, un plat de risotto aux courges, par Swaneige Bertand.

La nation huronne-wendate partage également la passion de l’agriculture et des légumes cultivés dans les champs. Ça se reflète d’ailleurs dans le du nom du Restaurant Sagamité. 

La sagamité est une soupe traditionnelle huronne-wendate faite à base de chevreuil, mais aussi de maïs, de courge et de haricots fraîchement cueillis au Québec. M. Gros-Louis compare la popularité du plat à la bonne vieille tourtière québécoise.

Mais ce n’est pas son mets préféré au menu. 

M. Gros-Louis préfère la yatista (feu en langue huronne), qui consiste en un plat de viande sauvage ou de crevette cuit directement dans les flammes. Une méthode typique employée par les Hurons-Wendat.

Au restaurant Sagamité, par exemple, le client choisit une viande, puis elle est flambée sur la table sous ses yeux en hommage au rôle rassembleur et spirituel du feu.  

«Autrefois, on venait mettre nos tiges de bois, on mettait nos viandes et on les suspendait au-dessus du feu. Là, c’est trois tiges d’acier qui suspendent un petit hérisson en fonte qu’on chauffe à 450 degrés.»

Autre coup de cœur? Sa tarte au sirop d’érable, qu’on dit encore plus riche qu’une tarte au sucre québécoise. 

Portrait global 

Ce serait l’envie des Québécois de (re)découvrir la culture autochtone en général qui donnerait un élan à cette cuisine. 

Tourisme Autochtone Québec a vu une augmentation du nombre de ses membres de 15% cette année. Cinq d’entre eux sont des restaurateurs autochtones, souligne M. Andrew Gros-Louis Germain pour démontrer que l’appétit pour cette gastronomie est bien réel.

«On a la chance d’avoir onze nations qui ont une gastronomie culinaire riche, différente et qui parle beaucoup de notre terroir», explique le directeur marketing et commercialisation, Andrew Gros-Louis Germain.  

Il faut dire que cette gastronomie est non seulement riche en goût, mais aussi en histoire et en savoirs ancestraux. 

En effet, les méthodes traditionnelles de cuisine autochtones se transmettent par la famille. Les périodes de chasse sont particulièrement importantes. Chaque partie de l’animal est utilisée et partagée avec la communauté.

Les mets autochtones et la conservation des aliments, quant à eux, varient énormément selon le territoire, la communauté et le mode de vie, estime M. Andrew Gros-Louis Germain.

Par exemple, les Innus cuisinent majoritairement le saumon et le caribou. Le doré, l’orignal, le caribou et le brochet ont la cote chez les Cris

Les légumes et surtout la courge, le maïs et la fève sont des ingrédients importants pour beaucoup de nations, mais surtout pour les plus sédentaires comme les nations iroquoiennes.

Au nom des traditions

Il faut par ailleurs savoir que la «cuisine du terroir» ou la «cuisine boréale» ne sont pas forcément autochtones. 

Pour qu’un plat ou un produit soit «autochtone», il faut d’abord voir quelle est l’histoire ou l’origine de la tradition que ce mets essaie de transmettre, d’après M. Andrew Gros-Louis Germain. Il y a un savoir culturel spécifique derrière chacun d’entre eux.

«Cherchez l’authenticité [dans le plat autochtone], demandez-vous quel est le produit autochtone derrière. C’est là qu’on voit la richesse au-delà du goût», conclut-il.

On ne peut pas mieux dire!


La Banique

Il y a un plat que toutes les Premières Nations ont en commun: le pain banique. Il est fait de graisse, sucre, farine et levure, des ingrédients donnés par la couronne britannique afin «de ne pas mourir de faim», d’après Swaneige Bertrand. 

Chaque communauté a sa version, explique M. Germain: les Cris aiment y mélanger du caviar de brochet pour lui donner un goût de poisson. 

Les Innus le préfèrent sucré avec de la chicoutai, une baie jaune acidulée.

Traditions gourmandes… et musicales. 

Au Restaurant Sagamité, si c’est votre fête, vous n’aurez pas droit à la ritournelle de «bonne fête» – sur l’air de Good Morning to All. 

Vous n’entendrez pas non plus votre nom dans les premières lignes de «Gens du pays». On  célèbrera plutôt votre anniversaire… avec un chant huron et du tambour.

D’après M. Gros-Louis, propriétaire du restaurant et danseur traditionnel, les chansons doivent représenter le client en étant «dignes» de ce dernier. Pour cela, on vous observe!

«On regarde son visage, comme par exemple, s’il a l’air en paix avec lui-même. Si on voit que c’est une dame qui a une famille autour d’elle, on va faire un chant qui rend hommage aux femmes», explique M. Gros-Louis. 


Recette: Bouillon clair de canard (nation ojibwée)

Pour 4 personnes

Le bouillon de canard de Manuel Kak’wa Kurtnes.
Le bouillon de canard de Manuel Kak’wa Kurtnes.

Ingrédients: 

  • 1 magret de canard
  • 450 g d’os de canard
  • 2 carottes
  • 2 branches de céleri
  • 1 oignon
  • Vin rouge
  • 2 L (8 t.) d’eau
  • 1 c. à soupe de graines de coriandre
  • 1 c. à soupe de graines de moutarde
  • 1 morceau de gingembre
  • 1 c. à soupe de sauce soya
  • 4 radis
  • 1 oignon vert
  • 1 botte de ciboulette
  • Quelques pistaches
  • 12 armillaires de miel (champignons)
  • Poivre en grains
  • Fleur de sel

Préparation:

  1. Préchauffer le four à 200 °C (400 °F). Dans une rôtissoire, déposer les os de canard, les branches de céleri, les carottes et l’oignon. 
  2. Une fois les os bien rôtis, les retirer et les mettre de côté. Déglacer la rôtissoire avec un peu de vin. Ajouter le soya, le gingembre et les graines de coriandre et de moutarde. Laisser réduire de moitié. 
  3. Ajouter l’eau et laisser mijoter à feu doux. Passer le bouillon dans un tamis fin, rectifier l’assaisonnement et laisser reposer.
  4. Avec un couteau bien affilé, retirer l’excédent de gras sur le magret de canard. Inciser la peau de façon à tracer de petits losanges. 
  5. Assaisonner et déposer le magret, côté gras, dans un poêlon. Laisser fondre le gras de 12 à 15 minutes et l’utiliser pour arroser le canard. Retirer et laisser reposer.

Présentation:

  1. Étaler quelques tranches de magret au fond d’un bol. Garnir de quelques tranches de radis et d’oignon vert, d’un brin de ciboulette, des armillaires de miel et de quelques pistaches. 
  2. Saupoudrer de fleur de sel et d’un tour de moulin à poivre. 
  3. Une fois le bouillon bien chaud, transférer dans une théière et verser à la table.

Recette tirée du livre PachaMama – Cuisine des Premières Nations, par Manuel Kak’wa Kurtness, Éditions du Boréal, 2009.


Recette : Risotto de riz sauvage à la courge (nation Acho Dene Koe)

Pour 4 personnes

Le risotto de riz sauvage à la courge de la cheffe Swaneige Bertrand.
  • Une tasse de riz sauvage
  • Une cuillère à thé de sirop d’érable
  • Un sachet de thé
  • Une tasse de bouillon miso (ou du bouillon de poulet ou de légumes en remplacement)
  • Deux cuillères à table de beurre
  • Huile
  • Une échalote française hachée
  • Quelques feuilles de sauge
  • Une courge poivrée ou butternut en morceaux
  • Un quart de tasse de vin blanc
  • Un quart de tasse de crème à cuisson
  • Sel et poivre au goût
  • Une demi-tasse de parmesan râpé

Préparation:

1- Dans un contenant hermétique de style Tupperware, verser le riz sauvage et couvrir d’eau chaude. Ajouter la cuillère à thé de sirop d’érable et le sachet de thé. Fermer le couvercle et laisser reposer toute la nuit.

2- Le lendemain, bien rincer le riz sauvage dans un tamis.

3- Couper une courge poivrée en petits morceaux. Faire rôtir sur une plaque avec un peu d’huile à 350 °F dans le four jusqu’à ce qu’elles soient tendres. On peut également utiliser une courge butternut en cubes. Attention, les courges cuisent vite!

4- Au fond d’une grande casserole, faites revenir à feu doux des échalotes françaises dans le beurre, ajouter quelques feuilles de sauge jusqu’à ce que le tout soit parfumé. Ajouter le riz sauvage ensuite.

5- Ajouter les courges au riz sauvage, puis le bouillon, la crème et le vin blanc.

6- Laisser mijoter à feux doux en remuant.

7- Ajouter le parmesan, puis remuer. Pour une version végane, on peut aussi remplacer le parmesan par de la levure alimentaire en flocons.

8- Saler et poivrer au goût. Le plat est prêt lorsque le grain est tendre et fleuri. Servir et bon appétit!

De Swaneige Bertrand, propriétaire de Chef Swaneige, à Montréal.

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