Chicago, royaume de l'art public!
Même si l’architecture est sans contredit la forme la plus aboutie d’art public, la sculpture représente une autre façon appréciée d’amener l’art dans la rue. La Ville des vents s’avère particulièrement choyée à ce chapitre, tant par ses monuments classiques, dont plusieurs se trouvent dans les plus beaux parcs de la ville, que par les sculptures modernes ornant ses places publiques et commerciales.
Parmi les plus impressionnants monuments traditionnels élevés à Chicago à la mémoire de personnages historiques, il convient de citer l’imposant Standing Lincoln (1887) du Lincoln Park, Å“uvre d’Augustus Saint-Gaudens. Lorado Taft, sculpteur originaire de la Ville des Vents, a réalisé quant à lui de nombreuses créations que l’on retrouve aujourd’hui aux quatre coins de Chicago. Le chef-d’Å“uvre de ce prolifique artiste demeure toutefoisla Fountain of Time du Washington Park. Son installation eut lieu en 1922. Cette extravagante allégorie sur le thème du temps met en scène une foule prenant l’allure d’une vague qui passe son chemin. Elle fut inspirée à Taft par quelques vers d’un poème de Henry Austin Dobson : «Time goes, you say? Ah no! Alas, Time stays, we go…» (Le temps passe, dites-vous? Eh non! Hélas, le temps reste, c’est nous qui passons…). Il fallut 14 ans pour terminer ce monument d’acier et de béton qui fait
33 m de long.
Sculptures exceptionnelles
Puis, il y a l’exceptionnelle série de sculptures modernes du Loop, surnom donné au quartier des affaires. On y trouve en effet, à l’intérieur de quelques quadrilatères seulement, la plus extraordinaire collection du monde d’Å“uvres publiques réalisées par les maîtres du XXe siècle.
À tout seigneur tout honneur, il faut d’abord mentionner le controversé Untitled Picasso (1967), cette gigantesque création de Pablo Picasso trônant au centre de la Daley Center Plaza. En face, reposant dans une sorte d’écrin formé par des bâtiments voisins, Chicago (1981), de l’Espagnol Joan Miró, surprend tout autant.
Il y a aussi l’élégante structure d’acier rouge d’Alexander Calder, Flamingo, placée en 1974 devant le Federal Center de Mies van der Rohe, ainsi que la sculpture de fibre de verre blanc et noir caractéristique du style du Français Jean Dubuffet, le Monument with Standing Beast, installé en 1989 aux abords du James R. Thompson Center.
Il ne faut pas oublier l’étonnante mosaïque de Marc Chagall, Four Seasons, sur la First National Plaza. Réalisée en 1974, elle fut rénovée et couverte d’un abri protecteur au cours de l’été 1996. Il faut aussi voir l’extravagante Batcolumn de Claes Oldenburg, vedette du pop art dans les années 1960, qui s’élève tout près du Social Security Administration Center. Avec sa forme de bâton de baseball géant, elle a de quoi surprendre.
Buckingham Fountain
En plein milieu du Grant Park, on découvre la Buckingham Fountain. C’est en 1927 que fut inaugurée cette magnifique fontaine monumentale. Ses concepteurs, Edward Bennett, Marcel François Loyau et Jacques Lambert, s’inspirèrent du Bassin de Latone à Versailles. Ils réalisèrent une Å“uvre de bronze et de marbre rose de Géorgie deux fois plus grande que son modèle. En 1995, la Buckingham Fountain fit littéralement peau neuve à l’occasion d’une importante restauration. On perfectionna alors sensiblement son système d’éclairage, de manière à permettre de spectaculaires jeux de lumière.
L’aménagement au cours des années 2000 du remarquable Millennium Park a permis l’ajout de nouvelles sculptures monumentales à la collection déjà impressionnante d’Å“uvres de ce genre dans le Loop. Ainsi, l’artiste britannique d’origine indienne Anish Kapoor y a réalisé l’irrésistible Cloud Gate, une imposante sculpture en acier inoxydable dont la forme évoque une immense jelly bean, et sur laquelle se reflètent les gratte-ciel de la ville.
Les habitants de Chicago ont également vite adopté la Crown Fountain, qui s’élève dans la section sud-ouest du Millennium Park. Dessinée par l’artiste espagnol Jaume Plensa, elle est constituée de deux tours de verre plantées à chacune des extrémités d’un bassin, sur lesquelles sont projetées des vidéos reproduisant des figures humaines de manière à ce qu’on ait l’impression qu’un jet d’eau sort de leur bouche.
Finalement, il faut signaler le Wrigley Square and Millennium Park Monument, qui met en scène une reproduction presque de grandeur réelle d’un péristyle qui se trouvait dans les environs entre 1917 et 1953. Les noms des principaux donateurs ayant contribué financièrement à la réalisation du Millennium Park apparaissent à la base de ce monument composé de 24 colonnes doriques.
La culture à Chicago
Pour des raisons qu’on pourrait qualifier d’historiques, Chicago a longtemps été
victime de grands préjugés quant à sa vitalité culturelle. Ville davantage associée au travail, et dont, de surcroît, l’économie a longtemps été dominée par l’abattage de bestiaux, Chicago, sur le plan des arts et de la culture, n’a jamais reçu la reconnaissance dont jouissent New York, sa rivale de toujours, et même Los Angeles.
Pourtant, cette ville fut à deux reprises le théâtre d’expositions universelles; elle possède des institutions qui, prises une par une, jouissent d’une renommée internationale; de grands écrivains et de brillants architectes y ont vu le jour ou y ont Å“uvré, et une quantité impressionnante de lauréats de prix Nobel y ont étudié et mené leurs recherches.
Une image souvent négative, traînant le souvenir de héros peu recommandables, de gangsters ou de politiciens véreux, et une vilaine réputation de cité violente ont sans doute longtemps alimenté ce refus de reconnaître Chicago pour ce qu’elle est vraiment : une grande capitale culturelle mondiale. Avec 46 musées, plus de 200 théâtres, quelque 7 000 restaurants, l’une des plus grandes bibliothèques du monde (2 millions de livres), Chicago n’a rien à envier aux autres métropoles américaines.
Chicago est un musée à ciel ouvert de l’architecture moderne et une grande ville de blues : ça, personne au monde ne le conteste. Mais la vie culturelle de la Ville des Vents s’avère bien plus riche encore.