Immobilier: s’enrichir sans être vicieux avec ses locataires, c’est possible?
Tou.te.s les propriétaires préfèrent faire de l’argent qu’en perdre. Ce n’est cependant pas une raison pour aggraver la crise du logement, laquelle fait grincer des dents les futur.e.s acheteur.euse.s et locataires. Est-ce possible d’investir de manière éthique sans saigner son propre portefeuille? Ce n’est pas si simple.
«Le marché de l’immobilier fonctionne d’une manière qui incite des comportements que l’on pourrait réprouver moralement», indique Louis Gaudreau, professeur à l’École de travail social de l’UQAM, spécialisé en capitalisme financier.
L’enseignant explique qu’avec le prix actuel des propriétés, les propriétaires sont poussé.e.s à s’endetter pour pouvoir acheter, ce qui crée une pression pour rentrer dans son argent.
«Quand quelqu’un veut acheter un immeuble avec des logements à louer, la banque qui prête à l’acheteur considère les locataires comme des sources de revenus et encourage l’acheteur à augmenter leurs loyers. Elle va fonder sa décision de prêt sur l’évaluation qu’elle fait des revenus potentiels qui pourraient être tirés de l’immeuble.»
«Toute la structure de l’investissement immobilier repose sur l’idée qu’il faut que ce soit rentable. C’est là la source des problèmes éthiques», résume le professeur.
Pas de presse
L’avocat en droit du logement Antoine Morneau-Sénéchal ne condamne pas ceux et celles qui veulent se lancer dans l’immobilier et qui voient grand en pensant à s’acheter possiblement plus d’une propriété. Par contre, il croit que si l’on veut faire de l’argent de façon éthique dans ce domaine, il faut avoir une perspective à long terme et non pas rechercher des profits rapides à tout prix.
Or, de plus en plus de propriétaires tombent dans le piège des rénovictions, tactique consistant à mettre à la porte un.e locataire en prétextant des rénovations pour relouer l’appartement plus cher, ce qui est illégal et amoral.
En 2021, le nombre de requêtes de locataires pour éviction illégale formulées auprès du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec a augmenté de plus de 50%, atteignant 874 demandes.
«C’est presque impossible de rentabiliser son investissement à court terme à moins de drastiquement augmenter les loyers, ce qui ne passera pas auprès du Tribunal administratif du logement (TAL)», indique l’avocat.
Un propriétaire peut proposer l’augmentation de loyer de son choix lorsque vient le temps de renouveler le bail, et la justifier selon les améliorations effectuées sur la propriété, les variations de taxes et de primes d’assurances. S’il la trouve abusive, le locataire est en droit de la refuser et de demander une fixation de loyer au TAL.
Les bons amis font les bons comptes
Me Morneau-Sénéchal estime cependant qu’il y a toujours place à la négociation pour établir le prix du loyer, tant que c’est fait de manière respectueuse. La clé est d’avoir une bonne relation avec ses locataires.
«Posséder des immeubles équivaut à avoir une entreprise, ce n’est pas juste un placement. Ça vient avec des obligations, un certain service à la clientèle», rappelle-t-il.
Ce service inclut l’établissement de canaux de communication avec les locataires et la conscience que ces dernier.ère.s sont «chez eux» même si elles ou ils résident dans le logement d’un.e autre propriétaire.
«Un changement de proprio pour un locataire peut être très insécurisant. Il faut installer un lien de confiance dès le départ en allant se présenter en personne, puis avoir le plus possible de communications écrites pour éviter les malentendus», poursuit-il.
En ces temps difficiles, les mots d’ordre sont patience et respect.