Quand la piste cyclable est utilisée comme un stationnement
Un matin, alors qu’il reconduit ses enfants à la garderie en vélo, Samuel Milette-Lacombe aperçoit une grosse remorque de construction immobilisée sur la piste cyclable de la rue Sauriol, devant l’école primaire Fernand-Séguin. Un citoyen, également présent sur les lieux, compose le 911. Un policier arrive puis repart quelques minutes après avoir émis une contravention, mais sans faire déplacer la remorque et sans établir de corridor de sécurité, au grand dam du cycliste.
«Les écoliers se rendaient à l’école seuls ou avec leurs parents sur la piste cyclable et devaient dévier dans la rue. C’est une situation qui n’est vraiment pas idéale. On met des pistes cyclables justement pour sécuriser les trajets des enfants», déplore M. Milette-Lacombe, co-porte-parole de l’Association mobilité active Ahuntsic-Cartierville (AMAAC), en entrevue avec Métro.
Ce dernier craint que les événements du genre puissent inciter des parents inquiets à délaisser le transport actif. «Oui, on peut passer par la rue et faire un détour, mais les parents qui voient ça n’auront pas le goût que leurs enfants se promènent à vélo», soutient-il.
Samuel Milette-Lacombe n’est pas le seul à dénoncer ce «vrai problème». Un mot-clic #dansmapiste a même été créé sur Facebook et Twitter dans le but de répertorier les cas sur le territoire montréalais.
«Au minimum une fois par jour, je croise un automobiliste ou un camionneur stationné ou arrêté dans les pistes cyclables du quartier», affirme le porte-parole d’Ahuncycle, Frédéric Bataille.
Qui interpeller lorsqu’un véhicule entrave une piste cyclable?
En présence d’un véhicule immobilisé dans une voie cyclable, la procédure mise en place par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est de composer le 911 pour rapporter le véhicule mal stationné.
«Des patrouilleurs du poste de quartier (PDQ) local se déplacent pour remédier à la situation. Il s’agit d’un appel urgent et requérant une intervention diligente», explique la chargée de communication-relations médias pour le SPVM, Anik de Repentigny.
Cette dernière assure que «le mot d’ordre du SPVM à ses patrouilleurs quant à ce délit est clair: application de la réglementation et remise d’un constat d’infraction, avec amende à la clé».
«Généralement, une sanction pécuniaire est plus dissuasive, donc plus efficace, qu’un simple avertissement», ajoute-t-elle.
M. Bataille allègue toutefois que les interventions du SPVM à ce sujet ne sont pas systématiques.
«Les policiers ne se déplacent que rarement pour cette situation et lorsqu’ils se déplacent, ne font rien. Pas de contravention, ni même de demande de se déplacer, même lorsqu’on leur démontre que ça met en danger des enfants», dénonce Frédéric Bataille.
Sécuriser les déplacements «à échelle humaine»
Le conseiller de la Ville pour le district du Sault-au-Récollet, Jérôme Normand, assure que «la sécurisation à échelle humaine des déplacements des personnes plus vulnérables en transport actif comme les familles, les enfants et les aînés est une priorité pour la ville-centre et l’arrondissement».
Malgré cette volonté exprimée de «faire percoler cette culture à tous les niveaux», le conseiller reconnaît que «pour amener le SPVM à constater cette priorité de sécuriser les déplacements en transport actif, ça ne se fait pas du jour au lendemain».
«Nos partenaires du SPVM, qui ont un Code de la sécurité routière à faire respecter, ont aussi une discrétion sur comment ils l’appliquent le plus facilement et le plus souvent», explique M. Normand.
Pour structurer cette transformation vers une plus grande acceptabilité sociale du vélo en ville, l’Arrondissement a adopté en 2020 un Plan local de déplacement(PLD), en collaboration avec divers acteurs, dont le SPVM. Cette feuille de route présente plusieurs objectifs à atteindre et actions à entreprendre d’ici les dix prochaines années afin de favoriser un partage de la rue plus sécuritaire.
«C’est un projet continu, mais que les élus d’Ahuntsic-Cartierville portent très haut au niveau des priorités. Les changements se constatent sur le terrain petit à petit», indique Jérôme Normand.
À ce propos, le SPVM souligne l’importance pour les arrondissements et les villes du Grand Montréal «de bien informer leurs citoyens, mais aussi les différentes compagnies effectuant des travaux, des livraisons ou du transport de personnes sur leur territoire respectif» et de rappeler «l’illégalité et le danger de s’immobiliser dans une voie cyclable pour réaliser des travaux, effectuer une livraison, faire monter ou descendre un client, ou autres raisons».
Projet pilote
En mai dernier, dans le cadre de sa programmation cyclable pour l’année 2022, la Ville de Montréal a par ailleurs annoncé le lancement d’un projet pilote de surveillance accrue et de retrait des entraves par l’Agence de mobilité durable sur le Réseau express vélo (REV) Saint-Denis.
Cet axe aurait été choisi en raison du taux d’achalandage élevé, comparativement à celui des voies cyclables locales, comme les pistes des rues Sauriol ou Prieur. Cette circulation rend donc le stationnement illégal de véhicule plus risqué pour l’ensemble des usagers de la route et nécessite «une surveillance, une réactivité et une agilité accrues par l’Agence de mobilité durable, qui peut remorquer un véhicule directement», précise M. Normand.
Si ce projet pilote donne des résultats probants, il serait élargi à d’autres voies cyclables de la métropole.
Bien que l’AMAAC estime que la surveillance par l’Agence de mobilité durable fasse partie intégrante de la solution, l’association «croit que ce sont les infrastructures qui corrigent les comportements».
Qui interpeler en cas de piste cyclable bloquée?
Tout dépend de l’entrave se trouvant dans la piste cyclable.
- Un véhicule stationné
- Composer le 911
- Tout autre obstacle ou nuisance (matériaux de construction, branches, cônes, sacs, feux de circulation défectueux, etc.)
- Composer le 311