Maternité et inégalité
L’essai de l’auteure et journaliste verdunoise Marilyse Hamelin fait beaucoup parler depuis quelques semaines. C’était l’objectif. Avec Maternité: la face cachée du sexisme, la féministe de longue date met le doigt sur le dernier rempart qui empêche l’égalité des sexes.
Le fait que les femmes soient considérées comme «parent principal par défaut» leur nuit, tant personnellement que professionnellement selon Mme Hamelin. Un enjeu qui ne concerne pas que les mères, mais la société en entier.
«Le mythe de l’égalité atteinte a la couenne dure, soutient l’auteure. Mais ce n’est pas un hasard si de très nombreuses femmes, qui ne se disent pas du tout féministes quand elles sont jeunes, le deviennent en ayant des enfants. C’est là qu’elles constatent vraiment le chemin qu’il reste à faire.»
Il y a un bon moment qu’on ne considère plus les femmes comme étant moins intelligentes que les hommes ou moins aptes. Pourtant, les exemples de discrimination à l’embauche ou au travail sont légion. «Tout le monde a une histoire à raconter», souligne Mme Hamelin, qui s’est basée sur plusieurs anecdotes pour rédiger son livre.
De celles qui se font demander en entrevue si elles comptent avoir des enfants aux autres, qui voient des collègues masculins moins expérimentés mais plus disponibles hériter des promotions, les exemples qu’elle raconte sont nombreux. Mais Mme Hamelin ne s’arrête pas à des faits anecdotiques et étaye ses affirmations des résultats de nombreuses études, chiffres à l’appui.
Parent principal
Les préjugés se basent toutefois sur des données bien concrètes. Le congé parental partageable, celui de 25 ou 32 semaines qui suit le congé de maternité, est encore majoritairement pris par les mères.
Pour Mme Hamelin, c’est là que le bât blesse puisque la mère devient le parent principal. «C’est à ce moment-là que le rôle de la mère comme parent principal se cristallise», avance-t-elle, s’attaquant aussi à la vision naturaliste de l’instinct maternel, qui veut que celui-ci soit inné pour les femmes.
«On donne des poupées aux petites filles, c’est elles qu’on inscrit aux cours de gardiennes averties, et ce sont les femmes qui lisent sur la maternité et l’évolution de l’enfant. C’est un construit social, quelque chose qu’on absorbe naturellement parce que ça fait partie de la culture ambiante. On apprend à devenir mère.»
Le congé parental fait partie de cet apprentissage, selon elle. «C’est comme un gros stage intensif.» Un partage plus égal de ce congé fait donc partie des mesures concrètes qu’elle met de l’avant pour accélérer l’accès à l’égalité entre parents.
Pour papa aussi
Si son essai se voulait d’abord à la défense des femmes, Mme Hamelin a vite réalisé que les préjugés sur la maternité nuisaient également beaucoup aux hommes, pas tous confortables dans le rôle de père pourvoyeur.
«C’est loin d’être facile pour les pionniers, ceux qui veulent s’occuper de leurs enfants. Eux aussi se heurtent aux préjugés et se font vite rétorquer « Il n’a pas de mère cet enfant-là? » s’ils s’absentent du bureau pour aller chez le médecin avec le petit dernier», fait-elle valoir.
Pour que la situation change, la Verdunoise, comme les experts qu’elle a rencontrés pour son essai, estime que les gouvernements devront s’impliquer. «Le privé est politique. C’est un vieux slogan féministe, mais c’est encore vrai», soutient-elle.
Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), qu’elle applaudit au passage pour avoir fait faire de grands pas au Québec, devrait être bonifié, selon Mme Hamelin. Sans enlever de temps à la mère, elle souhaiterait y voir un congé de paternité aussi long que celui de maternité, soit 15 ou 18 semaines selon le régime choisi. Il devrait également y avoir des incitatifs importants pour que les pères prennent seuls, pendant que leur conjointe retourne au travail, une partie de ce congé.
Elle voudrait également que des inspecteurs soient engagés afin de détecter et de mettre à l’amende les employeurs fautifs, qui punissent leurs employés pour un congé parental en leur enlevant leurs dossiers importants ou en les reléguant aux horaires de soir ou de fin de semaine.
L’essai, qui a alimenté de nombreuses conversations, tant dans les foyers que dans les médias, pourrait bientôt bouleverser en dehors de la province puisqu’il y a un projet de traduction en anglais.