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Alana Barrell: la schizophrénie et son bestiaire

L'artiste Alana Barrell.
Les oeuvres d'Alana Barrell sont exposées au CAP (Centre d'Apprentissage Parallèle). Photo: Josie Desmarais/Métro

La peintre et ambassadrice en santé mentale Verdunoise Alana Barrell exposera son Fabuleux bestiaire, un ambitieux recueil de portraits aussi éclatants qu’éclairants, à la galerie du Centre d’apprentissage parallèle (CAP), du 30 août au 30 septembre.

La peintre exposera ses toiles dans le cadre du programme des «ambassadeurs en santé mentale» du CAP, un OBNL visant à accompagner des artistes aux prises avec des problématiques de santé mentale afin de leur donner un lieu où s’exprimer et transformer leur créativité en bien-être, sans tabou.

L’artiste de 39 ans originaire de l’Afrique du Sud tire son inspiration de son vécu en Éthiopie, au Brunéi et à Singapour pour peindre à l’huile et au pastel gras un éventail haut en couleur de portraits éclatés d’animaux exotiques souvent loufoques et égayants.

J’aime les couleurs vives, car ça met des sourires sur le visage des gens.

Alana Barrell, Peintre et ambassadrice en santé mentale du CAP

«Ce qui m’a touché dans son travail, c’est son style qui lui est très propre, qui est très singulier», explique le directeur du CAP, Xavier Bonpunt. «Il y a quelque chose qui m’a tout de suite ému; c’est […] qu’il n’y a pas de discours théorique, pas de démarche préconçue, c’est quelque chose qui lui vient directement, comme si elle avait des images qui se créaient, et tout de suite elle plonge dans le plaisir de travailler. Elle a cette urgence de créer. Quand elle ne peint pas, elle va moins bien.»

L’art lui donne une envie de produire et de participer au monde.

Liesl Barrell, Soeur de l’artiste

«Ça prend un village»

Cette exposition abordera entre autres le thème de la schizophrénie, une maladie avec laquelle Alana doit composer de façon cyclique depuis près de 24 ans, confie à Métro l’artiste, accompagnée de sa sœur Liesl.

C’est d’ailleurs cette dernière qui l’a soutenue tout au long de sa vie, de l’Afrique du Sud au Canada, contre vents et marées.

«Alana, elle peut peindre, mais le boulot d’un artiste, c’est beaucoup de choses», explique sa sœur. «Elle a besoin de sa famille, comme ma mère, pour la logistique et la promotion. Elle a besoin d’aide pour ça, donc on l’aide avec des choses quotidiennes. Ça prend un village, elle ne peut pas faire ça toute seule», confie l’aînée.

Prisonnière de la pandémie

Alana a dû être hospitalisée à trois reprises pendant la pandémie de COVID-19. Ces épisodes de crises ont fait alterner Alana entre confinement et chambre d’hôpital, où elle a dû être séparée de sa famille et n’a pas pu peindre, ce qui l’a dévastée.

«Je ne pouvais plus peindre, je ne pouvais plus rien faire, j’avais peur de quitter ma maison, mais j’avais peur à l’intérieur de chez moi aussi», se souvient l’artiste, encore éprouvée par l’épreuve qu’a été le confinement pour les personnes ayant déjà une santé mentale précaire.

Son exposition vise donc aussi à sensibiliser aux enjeux en santé mentale provoqués par la pandémie. À cet effet, le CAP a mis sur pied des activités ouvertes à tous pour répondre à l’augmentation des problématiques de santé mentale chez les jeunes pendant le confinement.

Le CAP, un phare d’épanouissement et de soutien

Depuis 40 ans, le Centre d’apprentissage parallèle (CAP) offre du soutien aux artistes aux prises avec des problématiques de santé mentale. L’organisme est né de la désinstitutionnalisation des personnes psychiatrisées dans les années 80, comme l’explique son directeur, Xavier Bonpunt.

«On pariait sur le fait que parmi ces personnes-là, il y en avait qui étaient capables de fonctionner [à nouveau] dans la société, de retrouver une autonomie et un sens à leur vie avec un certain équilibre s’ils étaient accompagnés. Les politiques de l’époque ont misé là-dessus, avec raison, et toutes sortes d’organismes se sont créés», explique le directeur.

«Petit à petit, les personnes qui venaient se rétablissaient, allaient mieux, géraient mieux leur médication, […] n’étaient plus hospitalisées», poursuit celui qui offre aussi son soutien en tant que directeur artistique aux 18 artistes qui œuvrent, avec rémunération, sous son aile.

Le directeur du CAP, Xavier Bonpunt.
Le directeur du CAP, Xavier Bonpunt. /CP: Josie Desmarais/Métro

«Ça lui donne une raison d’être»

Le CAP porte donc bien son nom. En effet, Xavier Bonprunt offre un encadrement et une orientation qui donne l’occasion à ces artistes de s’épanouir malgré leurs défis psychologiques.

«Le monde de l’art traditionnel et ses voies classiques sont parfois difficiles à atteindre, explique-t-il. Elles le sont déjà pour les artistes qui ont la chance de ne pas avoir une maladie mentale, mais pour ceux qui ont ces difficultés-là, c’est encore plus difficile. On est là pour les aider, les accompagner.»

Même son de cloche pour la sœur d’Alana, qui dénonce au passage la pression mise par les programmes traditionnels d’aide en santé mentale. «Pour beaucoup de gens, comme ma sœur, qui ont une maladie cyclique, c’est très difficile de regarder de façon linéaire un processus de rétablissement. On essaie de la rentrer dans un système, mais elle a un handicap. Elle veut être artiste et c’est la vocation qu’elle a choisie, mais c’est très difficile de rester dans ces communautés où elle a du soutien, car beaucoup de programmes essaient de les faire passer à autre chose», soulève sa soeur Liesl.

«Les programmes [désinstitutionnalisés] comme le CAP sont [donc] nécessaires, poursuit-elle. Ils sauvent des vies. On a besoin de ces communautés et de ces programmes-là, car, sans ces efforts, [Alana] n’a pas de sens à sa vie. Ça lui donne une raison d’être.»

Le vernissage aura lieu le 30 août de 17h30 à 20h au CAP.

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