Incendie suspect : un passant sauve 13 personnes
Si Ali Eddoughmi n’avait pas fait son devoir de citoyen, un incendie suspect qui a ravagé un bâtiment du boulevard Langelier aurait pu être fatal pour plusieurs résidents, dont un bébé. L’immeuble de huit logements n’était pas muni d’avertisseurs de fumée fonctionnels.
« Je suis content que personne n’ait été blessé sérieusement. J’ai le sentiment de satisfaction d’avoir fait quelque chose de bon. Si je n’étais pas allé voir, ça m’aurait travaillé toute ma vie, surtout si quelqu’un était mort. Je me serais reproché d’avoir été là et de ne rien avoir fait », affirme le père de famille.
Seule la résidente du logement voisin à celui en flammes a été sérieusement incommodée par la fumée. La dame d’une cinquantaine d’années a été conduite à l’hôpital, mais sa vie n’est pas en danger.
Flammes d’un rouge intense
Comme il le fait tous les jeudis après sa partie de soccer hebdomadaire, M. Eddoughmi est rentré chez lui vers 1 h en passant sur un boulevard Langelier complètement désert. Avant d’aller au lit, l’homme a déplacé la voiture de sa femme pour se conformer au règlement municipal.
C’est à ce moment qu’il a remarqué de la fumée un peu plus loin. Intrigué, il s’est avancé, mais n’a rien vu d’anormal. Il est alors entré dans le stationnement d’un immeuble avec l’intention de faire demi-tour.
« J’ai vu du feu très rouge sortir par la fenêtre du balcon du troisième étage. Je n’avais jamais vu un feu d’un rouge aussi intense et de la fumée aussi noire », soutient-il.
M. Eddoughmi s’est d’abord mis à klaxonner, mais voyant que toutes les lumières du bâtiment restaient éteintes, il s’est précipité hors de sa voiture en signalant le 911.
« Je n’entendais aucun système d’alarme à l’intérieur. Je me suis mis à sonner partout. Pendant une dizaine de secondes, il n’y avait personne qui répondait », se souvient-il.
C’est finalement un locataire du premier étage qui lui a répondu avec agressivité. L’homme encore hébété par le sommeil a pris un certain temps à comprendre pourquoi M. Eddoughmi sonnait frénétiquement à sa porte et à le laisser entrer.
« Je suis allé directement au dernier palier et j’ai frappé dans l’appartement où le feu était pris. Déjà, il y avait beaucoup de fumée noire. Je n’ai pas eu de réponse alors je suis allé frapper à toutes les autres portes. Si j’avais entendu du bruit à l’intérieur, j’aurais essayé de défoncer », raconte le héros.
Alors que les sirènes du camion de pompiers résonnaient au loin, le premier locataire à s’être réveillé et M. Eddoughmi couraient entre les paliers en cognant à chaque porte. Les deux hommes devaient se relayer dans cette tâche afin de ne pas être trop incommodé par la fumée.
« On sentait que c’était de la fumée toxique, comme quand on brûle des pneus », estime M. Eddoughmi. Il connaît bien ce danger puisque la fille d’un de ses amis est récemment morte asphyxiée lors d’un incendie.
Rapidement, une quarantaine de pompiers sont arrivés sur les lieux au moment où le feu commençait à se propager sur le toit de l’immeuble.
Un chien en feu
Pendant ce temps, les témoins de la scène sont restés impuissants devant le spectacle horrible d’un chien en feu, agonisant sur le balcon du logement en feu.
« Il s’est lamenté pendant quelque temps. Il était en feu, puis il est mort », raconte un voisin qui admet avoir été hanté par les hurlements de l’animal, cette nuit-là.
Un chat aurait également péri dans l’incendie.
Après deux heures de combat, les pompiers ont réussi à éteindre le brassier sans que d’autres logements ne soit touchés par le feu. La Croix-Rouge a pris en charge les personnes évacuées.
L’enquête sur ce quatrième incendie suspect à survenir en un peu plus de deux mois dans ce secteur résidentiel a été confiée au Service de police de la Ville de Montréal. Les circonstances de l’incendie seraient similaires à celui qui avait coûté la vie à deux personnes sur la rue Matte, le 6 mars dernier. Les deux événements ne seraient toutefois pas liés selon les policiers.
« La cause de l’incendie n’a pas été identifiée, mais nous avons des éléments qui portent à croire que ce pourrait être de nature criminelle », explique Mélanie Drouin du Service des incendies de Montréal.
De son côté, M. Eddoughmi n’a pas attendu les remerciements pour rentrer chez lui. Quelques minutes après l’arrivée des pompiers, il est entré à pas feutrés pour ne pas réveiller sa femme et son bébé qui dormaient. Le lendemain matin, ce héros modeste était posté derrière son comptoir du dépanneur Normandie-Dijon.
« Le Bon Dieu a fait en sorte que je sois là au bon moment, c’est bon d’aller jouer au soccer tard le soir. Ma femme me chicane toujours parce que je joue au soccer tard, mais maintenant, je vais avoir une bonne excuse », conclut-il avec humour.
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