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Les cageux et la rivière des Prairies

Jean Talon introduisit le transport du bois par radeaux au Canada vers 1670. Ces premiers radeaux étaient faits de bois rond. Des pertes de billots de chêne qui coulaient au fond de l’eau donnèrent à Jean Talon l’idée de lier ensemble des billots de pin qui flottaient et des billots de chêne plus lourds. Ce principe donna naissance aux grandes cages de bois équarri qui sillonnèrent la rivière des Outaouais et le Saint-Laurent au XIXe siècle. Les billots de chêne devant servir à la construction des vaisseaux du roi aux chantiers naval de Québec.

Rivières et lacs ont toujours constitué la grande route de la traite des fourrures en Amérique du Nord. Montréal était à la fois le point de départ et le point d’aboutissement de ce réseau et le centre névralgique de ce commerce. Il fallait aller chercher les fourrures sur les terres de la Compagnie de la Baie d’Hudson ou de la Compagnie du Nord-Ouest. La principale «route» partait de Montréal et se terminait à Fort Chipewyan, sur les rives du lac Athabaska, dans le nord de l’Alberta d’aujourd’hui. La première partie de cette route empruntait le couloir de la rivière des Outaouais, au coeur de la Nouvelle-France, entre le Haut et le Bas-Canada… entre Ontario et Québec d’aujourd’hui.

Au 19e siècle, les jeunes garçons discutaient régulièrement des cageux. Ils étaient des Canadiens français et des Amérindiens ne dépassant généralement pas les trente ans. Les Canadiens français étaient reconnus comme étant de bons cageux: courageux, au sang-froid – des durs à cuire, tandis que les Amérindiens avaient la réputation d’être habiles de leurs mains. Pour ce qui est des Canadiens français, l’alcool coulait souvent à flot lorsqu’ils recevaient leur chèque à Ottawa. Ils étaient de fiers batailleurs, orgueilleux. Ce sont des hommes qui, malgré leur côté dur et leur réputation d’ivrogne, étaient joyeux et possédaient une foi inébranlable.

Sous les commandes du maître de cage, leurs tâches consistaient à : manœuvrer la cage à l’aide de longues rames, tirer la cage dans des chaloupes en absence de vent et surveiller les roches et les rives afin d’éviter de s’échouer. Ces hommes devaient pouvoir réagir rapidement aux dangers: l’eau mouvementée des rapides, un coup de sifflet, un feu ou le son d’un cornet de brume d’une autre équipe de cageux annonçant un obstacle, etc. Leurs gages étaient environ 12 dollars par mois en 1860, et 30$ en 1880.

«L’ère des cageux» prend place au 19e siècle, particulièrement durant la période de 1806 à 1908. À cette époque, les cages, ou train de bois, sont en opération de mai à septembre. Elles arrivent principalement de deux endroits au Canada: de la rivière du Sud et de la rivière du Nord, chacune ayant une entreprise notable d’associées.

La première cage de bois équarri à descendre l’Outaouais jusqu’à Québec le fit en 1806.

Les cages de la rivière du Sud débutèrent leur voyage à Kingston, pour ensuite emprunter le fleuve vers Québec, via Montréal. Le voyage de 175 milles se faisait en un temps record de trois jours. Les cages appartenaient principalement à la compagnie Calvin (Delano Dexter Calvin) des Îles Jardins.

En revanche, les cages de la rivière du Nord suivaient le parcours de Philemon Wright, du canton de Hull jusqu’à la ville de Québec, sur près de 165 milles. Les cageux prenaient de deux à quatre jours pour franchir la distance séparant Québec de Montréal. Les cageux, empruntèrent la Rivière des Prairies pour atteindre l’Abord-à-Plouffe puis joindre le Saint-Laurent.

Construite par Philemon Wright et nommé Columbo, elle se composait de 700 billes de bois. Il fallut deux mois pour effectuer le parcours, dont 35 jours pour atteindre Montréal. Au début, pour franchir les chutes, on devait désassembler les radeaux puis faire descendre les billots un à un dans les glissoires. Au bas de la chute, il fallait donc reconstruire complètement la cage. Philemon Wright eut l’idée de construire une glissoire large de 10 mètres permettant de laisser passer les radeaux entiers, l’un après l’autre, de manière à pouvoir former à nouveau la cage au bas de la chute.

On appelait «Montréalais» les commerçants de fourrures dont les quartiers généraux étaient situés à Montréal. Ces Montréalais étaient les gens de la Compagnie du Nord-Ouest. Pour bien comprendre ce dossier de la traite, du transport et du commerce des fourrures, il faut savoir que la région de l’Athabasca (terminus de la route des fourrures de la compagnie) était à près de 5 000 kilomètres de Montréal, qu’il n’y avait que cinq mois entre les périodes de gel et de dégel limitant ainsi grandement la durée possible de la navigation sur les lacs et les rivières, qu’un canot de transport ne pouvait, au mieux, parcourir qu’une distance de 1 500 kilomètres par mois, que les canots requis pour les lacs Supérieur et Huron étaient trop gros pour les cours d’eau et les portages de la région située à l’ouest du lac Supérieur, et inversement.

Les Montréalais résolurent ce problème en employant deux équipes de canots. Un grand entrepôt central fut construit au Grand Portage, sur la rive ouest du lac Supérieur, un peu au sud de l’actuelle ville de Thunder Bay, puis déménagé plus tard à Fort William (actuellement Thunder Bay). Les deux brigades de canots partaient de deux points opposés, Lachine et Fort Chipewyan, au début de mai et à la mi-mai respectivement. Elles se rencontraient à l’entrepôt, où elles échangeaient leurs cargaisons avant de reprendre leur route en sens inverse.

Vers 1880, le chemin de fer mettra fin à l’époque des cageux. En 1908, on vit descendre le dernier « train de bois » à l’occasion du 300e anniversaire de Québec. Vers 1907, âgé de plus de 87 ans, Gatien Claude de l’Ile Bizard, conduisit la dernière cage à sillonner la rivière des Prairies. Ce fut la fin d’une grande époque.

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