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Manger à en crever

Tranchemontagne Daphnée - TC Media
« Quand l’appétit va, tout va ». Un dicton pourtant bien loin de la réalité de Philippe Leclair, car au-delà des steaks, des burgers et des chips, ce sont surtout ses émotions qu’il mangeait.

« Quand j’ai cherché à savoir pourquoi je mangeais autant, j’ai réalisé que c’était pour combler ma solitude. Pourtant, j’ai toujours eu plein d’amis. Ce qui me manquait, c’est le regard des femmes. À l’adolescence comme à l’âge adulte, je n’ai jamais eu d’expériences super positives avec elles. C’était toujours des relations éphémères et platoniques. À un certain moment, j’en étais venu à la conclusion que je ne trouverais jamais l’amour », confie-t-il.

M. Leclair comble donc ce manque par le travail – il est un enseignant très engagé et apprécié des élèves – et la nourriture, qui prend rapidement l’emprise sur son quotidien et hypothèque sa vie sociale.

« 90 % de mon temps, je le passais à manger ou à penser à manger. Le quotidien d’un obèse, ce n’est pas toujours évident. Les déplacements et les lieux publics sont toujours des préoccupations : les bancs de tel cinéma ou tel théâtre sont-il assez larges? Y a-t-il des escaliers à monter? J’évitais tout effort et je me fixais beaucoup de contraintes physiques, de peur d’être jugé. S’habiller dans les magasins dits normaux, ce n’était pas facile. Leurs tailles arrêtent souvent à du XXL et je portais du 5XL ou du 6XL », indique celui qui portait des pantalons de taille 50.

Alors qu’il s’enligne vers une mort lente et calorique, M. Leclair camoufle sa détresse et son manque de confiance en soi derrière un masque de clown. Toujours de bonne humeur, il est perçu comme « le bon gars », ou le « bon vivant » qui divertit la galerie dans les partys.

« C’est une façade pour éloigner la tristesse. J’étais une espèce d’animal de foire, un freak show. J’avais l’impression que tout le monde me regardait. Les gens jugent par leur regard. Ce n’est pas tant ce qui est dit, que ce qui est non-dit », avance-t-il, disant ressentir ce jugement particulièrement de la part de la gent féminine.

Un tabou

Enfermé dans sa prison adipeuse, M. Leclair n’ose pas parler de son mal-être. Selon lui, les hommes sont souvent moins enclins à parler de leurs émotions, craignant les malaises, ce que confirme son ami de longue date, Claude Tousignant.

« On discutait de son poids entre nous (ses amis), mais jamais avec lui. C’est un sujet délicat à aborder et on ne savait pas comment il réagirait. J’ai manqué de courage, je n’ai pas été capable d’aller le voir pour lui en parler », avoue-t-il.

M. Leclair relate même une fois où un de ses proches, à la suite de sa transformation, est venu lui dire qu’il a toujours crû qu’il allait mourir jeune, compte tenu son poids.

« Quand on voit quelqu’un sur le bord de la rame de métro, prêts à sauter, il y a toujours quelqu’un qui va l’en empêcher. Pourquoi on ne fait pas la même chose avec quelqu’un qui mange trop et qui met sa santé en danger?

« La société encourage les hommes à manger. Ce n’est pas normal pour un gars d’aller dans un steak house et de commander une salade. C’est chums vont lui faire un commentaire du genre : t’es-tu fif, coudonc? On n’a qu’à penser au Super Bowl où les restos de malbouffe font des produits ciblés pour les hommes avec extra bacon. C’est viril de manger gras et épicé. Les mets congelés de 1 kg de bouffe s’appellent Hungry-Man, et non Hungry-Women », illustre-t-il.

La lumière au bout du tunnel

Sa perte de poids spectaculaire a transformé la vie de M. Leclair. Non seulement il aime désormais son reflet dans le miroir, il a aussi trouvé l’amour. Sa première « vraie » relation.

Sa vie sociale s’est aussi grandement améliorée.

« Avant, les défis physiques, je les évitais, maintenant, je les recherche! Je ne suis pas seulement heureux, je suis comblé », conclut-il.

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