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La musique pour sauver des musiciens

Luc Beauséjour. Photo: Gracieuseté

Un concert bénéfice en ligne permet aux mélomanes de redécouvrir le Stabat Mater de Scarlatti enregistré à Montréal. L’orchestre a été dirigé par Luc Beauséjour, résident de Saint-Laurent, claveciniste et organiste.

Le spectacle est en ligne depuis le 10 juin. Quand a été réalisée la captation?

Le concert a été enregistré le 25 avril. Il était planifié avant la pandémie. On s’est dit pourquoi ne pas le filmer. Mais on a fait des démarches pour avoir la chapelle du Grand séminaire de Montréal [devenue Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal]. C’est un lieu qui est très beau et très propice au genre qu’on pratique, la musique sacrée. On s’est dit que nous allons demander aux interprètes disponibles et on fait le concert quand même.

Vous avez choisi une œuvre relativement connue.

En fait, c’est une œuvre qui est rarement jouée. On connaît plus le Stabat Mater de Pergolèse [Giovanni Battista Pergolesi]. Toutefois, les gens qui ont commandé cette œuvre [en 1723, par une congrégation religieuse] l’avaient fait aussi pour Scarlati, qui le précède. Au fond, nous jouons le premier Stabat Mater et c’est intéressant de voir les liens entre les deux. C’est le même genre d’œuvre.

Nous le faisons à deux voix, avec un effectif réduit [cinq musiciens], On pouvait monter une pièce comme celle-là assez facilement.

Est-ce qu’il a fallu s’exercer ou bien les musiciens connaissaient-ils déjà l’œuvre?

Tout le monde a dû apprendre l’œuvre et c’était la première fois que musiciens et chanteuses la faisaient en concert. On a eu aussi la chance de pouvoir la répéter dans la chapelle. On n’était pas surpris par l’acoustique.

Qui sont les artistes?

Il y a Magali Simard-Galdès, la soprano que j’aime beaucoup, qui chante avec beaucoup de naturel. Elle a une voix magnifique. C’est très souple. Dans ce répertoire, cela lui allait tellement bien. Elle l’a fait avec une sorte de sobriété qui convient parfaitement au texte. Je peux dire la même chose de Florence Bourget, la mezzo-soprano. Les voix de mezzo sont rares chez les femmes. Cela fait déjà d’elle une personne spéciale. J’ai déjà eu l’occasion de travailler avec elle à l’Université de Montréal à l’atelier d’opéra. C’était facile de travailler avec ces deux chanteuses. Elles se connaissent et il y a une très belle complicité entre les deux.

Pour les musiciens, j’ai joué longtemps avec eux. Quand on travaille ensemble, on a l’impression d’être une petite famille.  Il n’y a pas un chef qui est debout pour diriger. Cela se fait de façon très organique. C’est très agréable de jouer cette œuvre ensemble.

Vous, vous serez à l’orgue.

Je joue la basse et les harmonies, mais nous sommes très soudés. 

Le Stabat Mater n’est pas joué devant un public.

On était presque sans public. Il y avait l’équipe technique qui filmait et le preneur de son. Il y avait aussi un père de la communauté religieuse et une dizaine de personnes qui étaient dans les lieux. Jouer même devant quelques personnes cela donnait quand même quelque chose. C’est plus facile devant un public.

Il reste que l’œuvre sera entendue comme un enregistrement. Est-ce qu’elle demeure intéressante?

C’est un peu comme écouter un disque ou une captation d’un concert à la radio. Les gens écoutent sur des équipements électroniques. Cela peut avoir des avantages. Ils peuvent apprécier en silence avec un casque sur la tête. En salle, le public nous suit. Il y a une espèce de silence et tout le monde est à l’écoute. Cela on ne peut pas le sentir devant une captation.

Il y a des billets en vente, mais c’est une action de bienfaisance.

Les bénéfices servent directement à payer les cachets des musiciens dans les productions de Clavecin en concert. Ce n’est pas pour s’acheter une nouvelle imprimante. C’est complexe de faire des concerts bénéfice. Alors nous demandons aux gens d’ajouter s’ils le veulent un montant et cela tient lieu d’activité de bienfaisance.

Nous sommes un organisme sans but lucratif dont la mission est de faire connaître et découvrir au public la musique de clavecin, mais aussi la musique d’ensemble et le répertoire baroque. Même si un artiste actuel compose une œuvre pour clavecin, cela nous intéressera, parce que tout ce qui touche à cet instrument nous intéresse. Notre mandat est assez large.

Souvent, les musiciens sont appelés à animer des concerts bénéfices pour les autres, mais pas pour se financer.

En fait, les artistes ont été assez éprouvés par la pandémie. Ceux qui font des concerts à l’internationale, ceux qui sont sur scène, leur gagne-pain c’est d’être devant un public et de jouer. Dans mon cas, je fais aussi de l’enseignement de la musique à l’Université de Montréal. Tout ne s’est pas écroulé pour moi. Ceux qui n’ont rien d’autre que la scène, c’est un peu catastrophique.

Dans un même temps, vous proposez une œuvre complexe pour un concert de financement.

On voulait que les gens écoutent ce concert. Il dure une quarantaine de minutes. Ce n’est pas trop long devant un écran d’ordinateur. On s’est dit que c’est la formule idéale dans les circonstances. On sait aussi que dans un an on aura l’occasion de le présenter à nouveau. Cette fois, ce sera en salle. Nous serons très heures à ce moment-là.

Concert en ligne jusqu’au 24 juin, billet: 15 $. Pour écouter et aider les musiciens: clavecinenconcert.com

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