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Le Village: l’actuel «hotspot» de la drogue

Photo: Guillaume Ledoux / Métro

Il est autour de midi dans le Village. Les commerçants et les amateurs de terrasses sur la rue piétonne Sainte-Catherine Est profitent du soleil d’été. Juste en face, sur les bancs publics installés entre les rues Saint-Timothée et Atataken, une quinzaine de personnes se piquent à l’héroïne et vendent ce qui semble être du crack à des passants. Si celles-ci trouvent parfois acheteurs, beaucoup de marcheurs tentent de les ignorer, même si les altercations vont parfois jusqu’au harcèlement.

«Je vis tous les jours ce que vous voyez en face, nous dit Patrick, un serveur du restaurant Cora qui se trouve de l’autre côté de la rue. Les échanges de drogues, […] le harcèlement. Des clients se font même parfois voler leurs drinks sur la terrasse», dit-il.

Patrick, un serveur du restaurant Cora, qui subit constamment les impacts de la présence de consommateurs de drogues se rassemblant devant le restaurant.
Photo: Guillaume Ledoux / Métro

Le commerce voisin, le dépanneur Marché 5 étoiles, dont les portes sont fermées, fait parfois office de havre pour les passants, «qui s’y réfugient» afin d’éviter le tracas imposé par les toxicomanes, qui sont occasionnellement violents, témoigne la caissière Cathy. Il est toutefois arrivé que «des attaques et des vols se passent quand même à l’intérieur [du commerce]», dit-elle.

Cathy, la caissière du Marché 5 étoiles
Photo: Guillaume Ledoux / Métro

Pas peur de la police

Aux vendeurs et consommateurs à ciel ouvert, la police «ne fait pas peur», dit l’un d’eux, en même temps qu’il se prépare une seringue, près des portes de l’Olympia. Pour cette frange de la société, le Village serait actuellement un lieu attrayant. «Ça fait plusieurs années qu’on fait ça comme ça, dehors. Avant, c’était au centre-ville, maintenant, c’est plus ici.» Un autre membre du groupe dit vivre ailleurs, mais venir consommer dans le quartier parce «qu’il aime l’ambiance, surtout la nuit».

Un groupe de personnes qui consomment des drogues dures en plein jour dans le Village.
Photo: Guillaume Ledoux / Métro

Un peu plus haut, à la sortie Maisonneuve Est de la station Berri-UQAM, un mendiant admet aussi avoir remarqué l’arrivée récente de groupes marginaux qui lui font craindre pour sa sécurité. «Ils amènent des chicanes de drogues pis des chicanes de filles», confie-t-il.

La situation ne passe pas non plus inaperçue aux yeux des résidants du quartier. Un homme qui habite le secteur depuis 25 ans décrit le Village comme «un nouvel hôpital psychiatrique à ciel ouvert». Si la présence de «marginaux» a toujours teinté l’ambiance du secteur, ils seraient toutefois «plus violents et malades qu’avant», selon lui. «Il y a quelques jours, il y en a un qui a baissé ses culottes pis il a déféqué devant tout le monde, en pleine rue passante», s’offusque le résidant de longue date.   

«On ne se le cachera pas, les lois sont vouées à changer»

Évidemment, les affaires des commerçants vont moins bien depuis que cette problématique s’exacerbe et que le sentiment de sécurité dans le Village s’érode. «C’est la première fois en douze ans que je me fais pousser par les itinérants», témoigne Patrick, le serveur du Cora. Si certains commerçants ont fermé leurs terrasses face à la hausse du «chaos» dans le quartier, le Cora ne peut protéger sa clientèle de la même façon, uniformisation de la franchise oblige.

Épuisé de la situation, Patrick aimerait que la sécurité soit accentuée dans le quartier. «L’année passée, on avait huit cadets qui se promenaient à pied. Cette année, on se retrouve avec deux en bicycle qui roulent tellement vite qu’ils ne voient pas grand-chose», remarque-t-il.

Mardi après-midi, Métro a bel et bien vu les deux cadets faire plusieurs allers-retours sur la rue piétonne. Or, même s’ils semblent voir le groupe dont les membres ont l’élastique autour du bras, la pipe dans la main et l’argent dans l’autre, ils n’interviennent pas.

Deux cadets du SPVM qui ignorent les consommateurs et vendeurs de drogue.
Photo: Guillaume Ledoux / Métro

«La décriminalisation s’en vient», explique à Métro l’un des cadets, qui admet avoir pris connaissance de l’existence du groupe. Puisque les «lois sont vouées à changer», ça ne vaudrait pas la peine d’intervenir pour des cas de «possession». Si les personnes représentent un danger public, toutefois, ils interviennent «s’ils sont à l’aise». Sinon, ils transmettent le mandat aux policiers.

L’intervention, pas si simple que ça

À cette heure-ci, les policiers les plus proches du secteur se trouvent au Starbucks, quelques blocs plus loin, dans un événement «café avec un policier», avec des membres de l’Équipe de concertation communautaire de rapprochement (ECCR). Selon une policière du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sur place, il est difficile de faire de l’intervention dans le groupe de consommateurs parce que «si on fait des dossiers de possession, la cour nous les renvoie». Une manœuvre systémique qui corroborerait les «rumeurs» de décriminalisation imminente de la possession de drogue.

Une intervenante du ECCR et une policière du SPVM qui participent à l’événement «Café avec un policier», à moins de cinq blocs de distance du groupe de consommateurs et vendeurs.
Photo: Guillaume Ledoux / Métro

Si un appel est reçu pour du harcèlement ou pour de la vente de stupéfiants, une intervention «sera faite, mais c’est difficile de porter des accusations. Difficile de dire qui achète et qui vend, il faut que je le voie», dit la policière.

«L’intervention policière, c’est la dernière étape du processus», décrit l’une des membres de l’ECCR. «Le processus est une question de responsabilité partagée qui commence avec plusieurs acteurs sociaux.»

Si quarante policiers supplémentaires sillonnent les rues du Village depuis quelques semaines, la problématique ne se règlerait pas par la répression, croit la mairesse Valérie Plante. Il faudrait plutôt viser «l’accompagnement». «Beaucoup de gens qui se retrouvent à déambuler, s’ils avaient un toit au-dessus de leur tête, ils seraient chez eux avec du soutien communautaire», a affirmé Mme Plante en point de presse mardi.

Pour la co-porte-parole de Québec solidaire Manon Massé, qui vit dans le quartier, la solution passe par un meilleur financement des groupes communautaires qui font de l’intervention en santé mentale sur le terrain. Elle croit aussi aux ressources de consommation supervisée qui permettent «aux gens intoxiqués de pouvoir aller se déposer» plutôt que de consommer dehors.

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