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Quand les élections se gagnaient «avec les bras»

L'attraction "L'Espace René-Lévesque à Montréal : le parcours d'un homme d'exception" sera installée au Quartier des spectacles du 24 août au 10 novembre 2022
L'attraction «L'Espace René-Lévesque à Montréal: le parcours d'un homme d'exception» sera installée au Quartier des spectacles du 24 août au 10 novembre 2022. Photo: Crédit Yousuf Karsh / Fondation René-Lévesque

Alors que la question de la sécurité des candidats a refait surface lors de la campagne électorale, rappelons que le problème ne date pas d’hier. Si cette année, on a voulu distribuer des gilets pare-balles aux chefs de partis et qu’il n’est pas rare de voir de nombreux agents autour d’eux, en 1960, le candidat vedette libéral René Lévesque avait assuré sa sécurité d’une manière insolite.

Candidat dans Montréal-Laurier, une circonscription qui incluait le quartier de Villeray, il avait recruté une célébrité locale, le lutteur professionnel Jean «Johnny» Rougeau comme garde du corps et chauffeur.

En 1960, le journaliste René Lévesque en est à ses premières élections. Il se présente alors pour l’«équipe du tonnerre» du Parti libéral du Québec (PLQ) mené par Jean Lesage. Bien que Maurice Duplessis soit mort en 1959, l’Union nationale règne sans partage depuis 1944.

Dans sa biographie parue en 1982, Jean «Johnny» Rougeau raconte que M. Lévesque, qui faisait son porte-à-porte, est venu le rencontrer dans son commerce, une mercerie qu’il tenait à l’époque.

Dans son livre, le lutteur souligne que la politique ne l’intéressait absolument pas. Il précise avoir écouté M. Lévesque lui expliquer son programme «d’une oreille distraite et même ennuyée».

Le candidat libéral lui aurait dit «qu’il aurait bien besoin d’un gars comme lui», mais le lutteur aurait poliment refusé de s’embarquer[VM1] .

«Une volée» 

S’étant ensuite rendu chez le barbier, M. Rougeau raconte qu’un député de l’Union nationale, accompagné de deux Italiens, l’y aurait abordé.

Le député, qui n’est pas nommé dans le livre, lui aurait dit que si jamais on le voyait encore avec René Lévesque, ses deux amis italiens lui «donneraient une volée».

«Moi je me suis levé comme un ressort, je me suis élancé et j’ai planté les deux Italiens», relate le lutteur dans son livre.

M. Rougeau se serait ensuite avancé vers le député «qui était pas mal en boisson» et lui aurait dit: «Écoute, je t’aime bien mais aux prochaines élections, tu vas te faire battre à cause de ce que tu viens de faire.»

M. Rougeau serait ensuite immédiatement allé retrouver M. Lévesque.

«Pour ce que vous m’avez demandé tout à l’heure, c’est oui, je vais vous aider, je m’en vas vous la faire gagner, votre élection», lui aurait-il dit.

Malversations

Vols de boîtes de scrutin, inscription d’un faux candidat lui aussi nommé René Lévesque sur les bulletins de vote, M. Lévesque et M. Rougeau évoquent plusieurs malversations lors de cette élection de 1960 dans leurs biographies respectives.

Politologue, auteur et professeur à l’UQAM et à l’Université de Montréal, Jean-François Payette souligne que si des pratiques de ce genre n’étaient pas généralisées à travers la province, elles pouvaient se produire dans des circonscriptions où l’emprise de l’Union nationale pouvait être menacée.

«Il y a des témoignages de gens qui ont dit qu’on les empêchait d’aller voter ou qu’on les intimidait. M. Lévesque était un candidat de prestige. Les libéraux avaient d’autres candidats vedettes comme George-Émile Lapalme et Paul Gérin-Lajoie. Sans doute qu’on voyait que ça pouvait remettre en question l’emprise de l’Union nationale», explique-t-il.

À cette époque, les élections «se gagnaient avec les bras», fait de son côté valoir Jean Rougeau.

«La violence était fréquente surtout de la part de l’Union nationale. Pour vous donner une idée du climat qui régnait, on a fait arrêter 42 gars pour port d’arme illégal à cette élection. Il ne fallait pas avoir froid aux yeux», se souvient-il.

Dans son autobiographie intitulée Attendez que je me rappelle, M. Lévesque vante la droiture et le courage de M. Rougeau, qui aurait été victime de chantage lors de la campagne.

Un des «bonzes du régime» de l’Union nationale et «parrain incontesté de cette partie de la ville» aurait demandé à voir Rougeau. Il lui aurait signifié, lors d’une promenade en limousine, qu’il était en train de faire une bêtise et qu’il devrait y penser «s’il tenait à devenir un grand promoteur». Selon les dires de M. Lévesque, M. Rougeau aurait envoyé promener le maître chanteur.

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