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Nostalgie d’indépendance

Frédéric Bérard

L’idée m’a assailli tout récemment, lors d’une discussion de salon avec Gilles Duceppe. Ce dernier me racontait, fidèle à ses habitudes de communicateur hors pair, une pléiade d’histoires et d’anecdotes sur ses expériences politiques. 

De fil en aiguille, des «mémoires» se ressassaient dans la mienne: la contribution, voire le leadership du Bloc quant à la reconnaissance du génocide arménien. Ses efforts afin de dénoncer telle ou telle injustice subie par une communauté autochtone hors Québec. L’affaire Khadr, surtout, où divers porte-parole bloquistes, Duceppe en tête, ont déchiré leur chemise sur la place publique afin de forcer Ottawa à rapatrier l’enfant-soldat. 

Se multipliaient ensuite les références au combat mené, de façon incessante, au profit de la principale raison d’être de la formation créée par Lucien Bouchard: l’indépendance. Le feu dans les yeux, Duceppe enchaînait, encore, les histoires savoureusement passionnées afférentes à la nécessité de réaliser, plus tôt que tard, celle-ci. 

C’est alors que, je dois bien l’admettre, la nostalgie m’a frappé de plein fouet. Un coup de bat en arrière de la noix. Pour moi, qui ai voté (pour le OUI, ne vous en surprenne) pour la première fois en 1995, difficile de faire l’économie de ses souvenirs de débats, souvent hautement intellectuels, entre leaders politiques d’ordinaire d’envergure.

Des hommes et des femmes d’État qui avaient lu, écrit, réfléchi sur les enjeux de leur époque, la question nationale au premier chef.

Qui, sauf rares dérapages, ne s’astiquaient guère le nationalisme ethnique, mais voyaient plutôt dans la quête d’indépendance un projet de société porteur, unificateur et rassembleur.

Qui débattaient d’économie, de langue, de la place des institutions au sein de la seule nation majoritairement francophone en Amérique.

Qui savaient démontrer, rhétorique et illustrations à l’appui, l’importance de faire notre propre chemin, tout en conservant des liens cordiaux et utilitaires avec nos voisins canadiens. Qui refusaient de balancer les immigrants en bas de l’autobus. De nier la règle de droit au nom d’un populisme intéressé, électoraliste et mathématique. De sacrifier les libertés civiles au nom d’un discours visant, comme le suggérait Schmitt, à se «construire des ennemis». 

Me suis ainsi souvenu des Lucien Bouchard, Jacques Parizeau, Louise Beaudoin, Bernard Landry et Pauline Marois.

Qui nous parlaient du Québec en devenir, celui issu de leur vision et de leur réflexion.

Celui qui pourrait et devrait jouer un rôle sur la scène internationale. Celui qui pourrait procéder à une seconde Révolution tranquille, qui viendrait s’attaquer encore davantage aux inéquités sociales et autres injustices.

Celui qui assurerait la pérennité de la langue française et d’une culture québécoise ouverte sur le monde, enrichie de toutes parts par des influences en provenance de l’ensemble du globe. 

Est-ce à dire que le mouvement de l’époque était sans reproche, exempt de mensonge, de démagogie ou de partisanerie? Bien sûr que non.

Reste que les discussions d’antan, d’ordinaire étoffées et soutenues, ont de quoi faire rougir celles d’aujourd’hui, où la chasse à l’islam et autres différences cuturelles, déguisée en divers habits sémantiques, occupe l’ensemble de l’espace narratif politico-médiatique. 

Impossible de vous dire à quel point je souhaite, on ne peut plus sincèrement, la résurgence de ce projet inclusif, porteur d’un nationalisme civique faisant l’envie de plusieurs.

Non seulement cela nous ferait du bien comme nation, mais cela enverrait de nouveau le signal qu’un tel nationalisme, en cette ère de repli sur soi cheap et nauséabond, a encore sa place. En bref, et de ce fait, on ne peut que souhaiter bonne chance aux Catherine Fournier et autres Parti québécois dans leur résurrection.

Non seulement celle du projet d’indépendance, mais également de l’ensemble d’une nation en proie à un désagrégement aussi fallacieux que graduel. 

Nostalgie, vous disais-je…

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